La wilaya de Tizi Ouzou abritera demain une rencontre de l'association nationale des zaouïas d'Algérie. Cette dernière devra faire le point sur ses problèmes et adapter le fonctionnement de ses structures aux évolutions de notre époque. Liberté : Pourquoi une rencontre nationale des zaouïas et quels sont ses objectifs ? • Rachid Mahfoud : La rencontre de demain a été décidée à l'initiative du président fondateur de l'association nationale des zaouïas, le Dr Gouiche Kadour. C'est une rencontre de coordination entre les différents chefs de bureau des zaouïas des quarante-huit wilayas. Lors de ce rendez-vous, on devra faire le point sur les difficultés que rencontrent et les zaouïas et les chefs de bureau de l'association nationale des zaouïas d'Algérie dans l'exercice de leurs activités. Pouvons-nous, d'ores et déjà, évoquer les problèmes que rencontre votre association ? • Je peux vous citer, à titre d'exemple, les intimidations dont fait l'objet notre association. Qui est à l'origine de ces intimidations ? • Il y a des gens et plus précisément des cadres du ministère des Affaires religieuses, dont essentiellement des inspecteurs et des secrétaires généraux de ce département, qui viennent nous mettre les bâtons dans les roues à chaque fois qu'on veut activer. Votre association s'occupe de la préservation des zaouïas. Reçoit-elle des subventions de la part de l'Etat ? • Nous ne recevons de subventions de personne. Nos zaouïas fonctionnent grâce au combat que mène notre association et plus particulièrement le Dr Gouiche. Je dirais aussi que quand les choses vont mal, on fait tout de suite appel aux zaouïas et quand tout rentre dans l'ordre, on les oublie instantanément. Ambitionnez-vous à l'issue de cette rencontre d'impulser une nouvelle dynamique au fonctionnement des zaouïas en Algérie ? • En effet, nous aspirons à ce que les zaouïas évoluent et s'adaptent à leur époque en se dotant de structures adéquates à même de répondre aux exigences de notre temps. On devrait, à cet effet, définir nos objectifs, arrêter un programme et un timing pour mettre en œuvre une stratégie de redéploiement de notre association au niveau national. À titre d'exemple, l'adaptation de notre enseignement du Coran aux nouvelles méthodes qui tiennent compte de la psychologie de la personne. En somme, nous voulons avancer au rythme des évolutions de notre temps et de notre société. Dans cette dynamique, avez-vous l'intention de définir le rôle des différents acteurs impliqués dans la vie des zaouïas, à l'image de l'imam ? • En effet, on aura à redéfinir les critères du cheikh habilité à émettre une fetwa, les caractéristiques de l'imam et de celui qui sera autorisé à enseigner le Coran au sein de la zaouïa. Il ne suffit pas à une personne d'apprendre le Coran pour se prévaloir du titre de mufti, d'imam ou de cheikh pouvant enseigner le coran. Dans ce combat que vous menez pour la préservation d'un islam tolérant, avez-vous la capacité de former des imams qui répondent à cet objectif pour contrecarrer ceux qui prêchent la violence ? • Bien sûr, l'un des objectifs des zaouïas est de former des imams. Le nombre de ceux que nous formons se chiffre par milliers. Vous dites que les zaouïas se sont attelées à préserver l'islam. Mais de quelle manière ? • Les zaouïas n'ont pas laissé l'enseignement de l'islam entre les mains de ceux qui ne le connaissent pas ou de ceux qui veulent l'utiliser à des fins autres que celles d'inculquer les valeurs de tolérance et de respect de l'autre dans notre société. Pour cela, nous menons un dur combat, particulièrement contre un islam importé. J'imagine que vous faites allusion au wahhabisme… • L'Algérie n'a aucun rapport avec le wahhabisme. Le wahhabisme, un courant créé hors de notre pays, ne devrait pas se pratiquer chez nous. Notre islam à nous est expurgé de toute forme de violence. Au-delà de la redynamisation des structures de votre association, qu'attendez-vous de la rencontre de demain ? • Nous voulons préserver les fondements de la personnalité algérienne. Et nous n'accepterons pas qu'on porte atteinte à notre identité. Nous ne voulons pas que des étrangers viennent semer la pagaille chez nous ou nous donner des leçons. Nous sommes, à ce propos, en train de lutter pour sauver l'Algérie de ceux qui ne connaissent ni de près ni de loin l'islam. C'est l'objectif premier de cette rencontre. Pourquoi organisez-vous cette rencontre précisément à Tizi Ouzou ? • Parce que nous y sommes chez nous. Les zaouïas qu'il y a à Tizi Ouzou, on ne les retrouve pas ailleurs. En plus, c'est en Kabylie que l'islam a été le mieux préservé. Quel est le nombre de zaouïas en Algérie ? • En moyenne, il y en a trente mille. J'ajoute que toutes les zaouïas mères se trouvent en Algérie. Les zaouïas ont-elles des prolongements en dehors de l'Algérie ? • Tout à fait. Je citerai l'exemple de la Tidjania, dont la zaouïa mère se trouve à Laghouat, alors qu'elle existe partout dans le monde, y compris en Afrique noire. Un autre exemple, la zaouïa mère de la Senoussia se trouve à Mostaganem, et cette dernière a des prolongements partout dans le monde, même au Sénégal. En somme, nous avons des collaborateurs dans le monde entier y compris au Canada et à Washington. Nous sommes, de ce fait, présents dans le monde entier. N. M. Comment est organisée une zaouïa • La zaouïa est une structure religieuse existant depuis quatorze siècles. Chaque zaouïa est dirigée par un cheikh. Ce dernier dispose de plusieurs collaborateurs. Le mokadem est l'un de ses plus importants collaborateurs, puisqu'il est l'intermédiaire entre ses fidèles et lui. Les machaikh, collaborateurs qui enseignent le coran, sont également des fidèles du cheikh. Quel est le rôle de la zaouïa ? • Les zaouïas ont pour fonction d'enseigner le coran et d'inculquer les valeurs de tolérance, de respect et de fraternité. Ce sont des structures qui ont préservé l'islam de toutes les pratiques qui peuvent le dénaturer pour en faire un instrument de violence.