Alors que les regards sont tournés vers la Kabylie, plus précisément vers la wilaya de Béjaïa où l'armée et les forces de sécurité combinées assiègent depuis près d'une quinzaine de jours dans les maquis d'Amizour un important groupe terroriste parmi lequel se trouveraient des chefs de gros calibres, les terroristes ont frappé là où on ne les attendait pas. Au cœur même du pouvoir, en ciblant un édifice de souveraineté : le Palais du gouvernement. Il est difficile de ne pas y voir de lien entre l'opération militaire de grande envergure qui se poursuit toujours dans les maquis de la Kabylie et au cours de laquelle plus d'une dizaine de terroristes ont été neutralisés alors que l'étau se resserre sur le reste du groupe et les attentats d'hier à Alger. En effet, tout laisse croire qu'il s'agit bien là d'une stratégie classique des groupes terroristes lesquels, lorsqu'ils se trouvent en difficulté sur le terrain, recourent à la diversion en allumant des contre-feux pour tenter de se tirer d'affaire. L'attentat perpétré non loin du théâtre des opérations, dans la localité de Beni Ksila 48 heures après le lancement de l'offensive militaire de Béjaïa, participe, selon les spécialistes, de la même stratégie. Les moyens militaires sans précédent depuis le début du terrorisme en Algérie mobilisés dans le cadre de cette opération ont mis en échec pour l'heure toute tentative de la part des groupes terroristes et de leur organisation d'ouvrir des brèches dans l'impressionnant dispositif militaire déployé dans les maquis d'Amizour et dans les massifs et axes routiers avoisinants. L'information qui avait circulé selon laquelle des émirs de l'ex-GSPC se trouveraient parmi le groupe terroriste encerclé prend de plus en plus de consistance avec l'attentat d'hier ayant ciblé le Palais du gouvernement. L'objectif est manifestement de détourner l'attention de l'Etat et des services de sécurité sur ce qui se passe dans les maquis d'Amizour où les terroristes rescapés du déluge de feu qui s'est abattu sur ces massifs forestiers ont bien du mal à briser le cercle de feu dans lequel ils sont tombés. En ciblant la capitale et particulièrement un lieu politiquement symbolique : le Palais du gouvernement en ce moment précis, les terroristes et « leurs stratèges » ont sans nul doute cherché à atteindre l'Etat au cœur. L'objectif étant de tenter de l'affaiblir d'abord à l'intérieur, vis-à-vis de l'opinion nationale en cultivant le doute sur sa capacité à rétablir la sécurité et ensuite au plan extérieur en cherchant à isoler, de nouveau, le pays présenté avec le coup dur d'hier comme une destination à haut risque. L'état de choc dans lequel était plongée hier la population algéroise qui a vécu une journée de panique et de psychose de l'attentat qui nous rappelle une période noire que l'on pensait à jamais révolue où le terrorisme pouvait frapper n'importe où et les réactions officielles enregistrées à la suite des attentats d'hier qui ont ébranlé les certitudes du pouvoir sont révélateurs d'une chose. Elles montrent, à l'évidence, à quel point un relâchement de la mobilisation dans la lutte antiterroriste à l'ombre de calculs politiques ou politiciens risque de ramener le pays à la case départ s'il n'y a pas rapidement un sursaut national au double plan politique et opérationnel. A l'inverse pour les groupes terroristes retranchés dans les maquis et que l'on dit traqués, affamés et tentés par le repentir, les retombées des attentats d'hier et particulièrement l'attentat médiatique ayant visé le Palais du gouvernement, il ne peut pas y avoir de meilleur remontant pour (re) galvaniser le moral des troupes. C'est aussi, d'une certaine manière, une opération de marketing inégalable pour repeupler les réseaux terroristes par de nouvelles recrues. Sur un autre plan, le double attentat d'hier est également porteur d'un message politique très clair. Ainsi qu'ils l'ont prouvé par le passé, les terroristes s'accommodent mal des échéances électorales. Fidèles en cela à cette ligne stratégique visant cette fois-ci également à perturber le prochain scrutin en jouant sur les peurs des citoyens, ils signent, à leur manière, avec l'attentat politique ayant visé le Palais du gouvernement, leur entrée dans la campagne électorale avant la classe politique. En s'offrant même « le luxe » de coiffer au poteau tout leur monde et en tentant de marquer de leur empreinte ce rendez-vous électoral.