L'ouverture du marché et de l'économie nationale au libre jeu de la concurrence n' a pas manqué de charrier, durant cette dernière décennie, une prolifération des plus inquiétantes d'activités économiques informelles et de pratiques commerciales, illégales. Comme la mis clairement en évidence le constat dressé par le Conseil national économique et social (CNES), le secteur informel couvre « pratiquement tous les domaines d'activités productives et de services marchands en Algérie ». Particulièrement prospère dans le secteur du négoce, l'informel représente, selon l'évaluation du ministère du Commerce, quelque 40% de la sphère commerciale domestique. Dans son dernier rapport consacré à l'évolution de ce phénomène, le CNES souligne qu'à la faveur du recensement des marchés et intervenants informels à l'échelle nationale, engagé dès 2002, il a été dénombré « 700 marchés illégaux d'une superficie estimée à 2,7 millions de m2 et au sein desquels activent près de 100 000 personnes, soit l'équivalent de 14% des commerçants inscrits au registre du commerce ». Outre le commerce (gros et détail), est-il noté, les activités les plus touchées par le fléau de l'informel sont « le secteur des fruits et légumes, l' habillement, les prestations de service, l'artisanat, le transport des voyageurs et des marchandises ainsi que les entreprises de production ». Parmi les pratiques illégales les plus courantes dans le secteur informel, les experts du CNES citent notamment « les ventes sans factures », « les fausses facture » et la « location de registres du commerce ». A ce propos, les données du ministère des Finances indiquent que sur un total de 35 000 importateurs en activité, pas moins de 15 000 activent avec des registres loués, aggravant ainsi l'ampleur du phénomène de l'évasion fiscale. De même, sur le plan du commerce interne, le constat est également des plus accablants. Les statistiques de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) font, en effet, état de « 850 000 commerçants exerçant dans l'informel, 100 000 revendeurs de tabac, ainsi que 1500 marchés hebdomadaires et 28 marchés de semoule illégaux ». Dans le domaine du travail, les pratiques informelles sont à l'origine de la précarisation de l'emploi et de l'aggravation des déficits en termes de couverture sociale. En 2003, révèle ainsi le rapport du CNES, « l'emploi informel se situe à plus 1,249 million de personnes (équivalent aux emplois du secteur agricole), soit 17,2% de l'emploi total ou 21,9% de l'emploi hors agriculture ». En moyenne annuelle, estime la même source, « l'emploi informel connaîtrait un taux de croissance de plus de 8%, soit 2 fois celui de l'emploi structuré ». Ce faisant, font encore ressortir les statistiques du ministère des Finances, « la contribution de l'emploi informel à la formation du produit intérieur brut (PIB) hors hydrocarbures serait de l'ordre de 20 à 25% en 2003 ». Mesures de lutte Sous l'impulsion des pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), mais également du partenaire européen, les pouvoirs publics ont initié, durant cette dernière période, un certain nombre d'actions visant à juguler l'ampleur de l'économie souterraine. Les échéances d'adhésion à l'OMC et de mise en vigueur de l'accord d'association avec l'Union européenne (UE) étant annoncées pour l'année 2005, force est de reconnaître l'urgence d'une lutte efficiente contre les circuits informels. Et en ce sens, l'Algérie, comme le signifiait le ministre du Commerce, à l'issue du dernier round de négociations pour l'accession à l'OMC, « entame désormais une course contre la montre pour lutter contre l'informel et la contrefaçon ». A cet effet, convient-il de mentionner, des mesures ont été décidées en vue de réformer l'exercice de l'activité commerciale. Ainsi, outre l'interdiction de location du registre du commerce, décidée l'année dernière, les pouvoirs publics ont mis en branle une réforme globale du secteur du commerce à travers, notamment, une réadaptation des lois régissant l'exercice de l'activité commerciale, une refonte du code de commerce ainsi que la facilitation des procédures d'inscription au registre national du commerce. De même, selon les récentes déclarations du ministre du Commerce, un plan de lutte contre l'économie informelle a été adopté par le gouvernement et devra être mis en place dans les deux ou trois années à venir. Ce plan, avait-il expliqué, prévoit un renforcement des moyens logistiques des organes de contrôle et de régulation économique afin d'en améliorer l'efficience. Cela étant, au-delà du réaménagement du cadre législatif et de la mise en œuvre d'une démarche de réorganisation de la sphère commerciale, la lutte contre l'économie informelle reste en définitive étroitement liée à la réussite des réformes structurelles. Ainsi que les experts du Conseil national économique et social préconisent « l'éradication du secteur informel parasitaire est avant tout tributaire de la réalisation d'une croissance économique durable et créatrice d'emplois ».