A la demande du gouvernement algérien, la délégation de la commission européenne en Algérie (DCEA) a élaboré, en février dernier, une étude sur le commerce informel en Algérie, l'état de la concurrence et l'évolution de la contrefaçon dans le marché algérien et les différents dysfonctionnements constatés sur le terrain en matière de lutte contre ces deux phénomènes hautement préjudiciables à l'économie nationale. Un rapport de plusieurs pages a été présenté la semaine écoulée aux cadres du ministère du Commerce, dans lequel les experts de la DCEA recommandent la mise en œuvre d'une série de mesures susceptibles de freiner la progression des pratiques commerciales frauduleuses en Algérie. Le rapport en question fait remarquer d'abord que la libéralisation de l'économie et l'ouverture du commerce extérieur que le pays a connue ces dernières années ont encouragé une croissance rapide du commerce entraînant par là "une prolifération des intervenants dans le secteur du commerce informel". Cette situation, adossée à des pratiques anticoncurrentielles, a favorisé l'apparition de marchandises et de biens contrefaits de qualité douteuse. Ses conséquences sont des plus néfastes sur la santé publique, la sécurité des consommateurs, mais aussi sur les rentrées fiscale du pays, note le rapport. L'état des lieux dressé par les experts indique que le commerce informel en Algérie est organisé autour de différents secteurs et produits. Les produits les plus touchés par ce phénomène sont les pièces de rechange pour véhicules, les produits agroalimentaires, les articles électroniques et électroménagers, les cosmétiques et les textiles. Approvisionné par la production nationale de marchandises contrefaites, l'importation et la contrebande, le commerce informel s'est développé sur l'ensemble du territoire national avec des spécialités par région : Zouia (Tlemcen) pour l'électronique et la téléphonie, Sidi Khettab (Relizane) pour le textile et l'habillement, Hassi Fdoul (Djelfa) pour les cosmétiques et l'agroalimentaire, El Eulma (Sétif) pour l'électroménager et les équipements, Tadjenanent (Mila) pour les pièces de rechange automobile, Bir El Ater (Tebessa) pour la friperie et Tamanrasset pour le tabac et l'alcool. Le rapport des experts souligne, en outre, que le commerce informel, qui représente en Algérie 30% de l'économie nationale, regroupe plusieurs opérateurs comme "des producteurs (industriel ou artisans), des importateurs, des commerçants grossistes, des détaillants et autres commerçants n'ayant aucune habilitation légale". Parmi les pratiques frauduleuses constatées le rapport cite, entre autres, "le registre du commerce dont il est difficile d'en vérifier l'authenticité ou la validité, la fausse facturation, l'approvisionnement en devises du marché parallèle et l'exportation informelle aux pays sahariens limitrophes". Quant aux moyens de lutte que propose l'étude, le rapport précise, avant tout, que la lutte contre le marché informel doit être considérée comme "une obligation nationale, étant donné l'impact négatif sur l'économie, les engagements de l'Etat vis-à-vis de l'Union européenne en matière de partenariat économique et de l'acceptation des standards de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l'Organisation mondiale des douanes (OMD)". Ainsi, toute mesure visant à lutter contre les pratiques commerciales frauduleuses doit être précédée par un travail de "dynamisation du cadre institutionnel, l'amélioration des organisations et des acteurs en charge de la lutte contre le marché informel et l'amélioration des systèmes de contrôle de qualité". Une stratégie d'intervention est également proposée par les experts de la DCEA qui estiment que le problème de l'informel et de la contrefaçon doit être pris en charge par les plus hautes autorités du pays. Il est proposé, à cet effet, la création d'un "plan d'action national" mis sous l'autorité du chef du gouvernement, parallèlement à la création d'un comité national, composé des différents intervenants institutionnels, qui sera chargé de mettre en œuvre des actions concrètes pour la lutte contre le marché informel, la contrefaçon et d'apporter des améliorations sur le droit de la concurrence. Le plan d'action national préconisé doit s'articuler, entre autres, autour de "l'amélioration de l'arsenal juridique, l'aménagement de la loi relative à la concurrence et la réhabilitation du fonctionnement du conseil de la concurrence, la formation, la communication et l'éducation des consommateurs", soulignent les experts de la DCEA.