L'économie nationale risque de devenir une économie maffieuse. “Le poids de la fiscalité pèse lourdement sur les seules entreprises qui déclarent leurs activités et qui s'acquittent effectivement de leur devoir fiscal, tandis que des concurrents, de plus en plus puissants, installés durablement dans l'informel et peu soucieux de l'observation des lois et règlements, leur grignotent chaque jour des parts de marché. Cette forme de concurrence déloyale est destructrice pour nos entreprises et à terme pour l'économie nationale”. Le président du Forum des chefs d'entreprise, qui s'exprimait ainsi, hier, à l'hôtel El-Aurassi, à l'ouverture du séminaire ayant pour thème “Fiscalité citoyenne ou économie informelle”, est convaincu qu'il est difficile “d'attirer des capitaux étrangers quand des règles minimales de transparence ne sont pas observées sur les marchés”. La discrimination, en matière de fiscalité, appliquée aux différents secteurs sur le marché, que le poids de l'économie informelle impose maintenant dans presque tous les secteurs d'activités, “est une menace rédhibitoire pour l'investissement”, souligne M. Omar Ramdane. Cette économie informelle est en train de gangrener toute l'économie nationale, affirment les opérateurs économiques. Pour eux, elle est le premier obstacle à “une fiscalité citoyenne”. Le Forum relève une insuffisance très nette dans la saisie des activités économiques et commerciales à travers “la prolifération de plus en plus visible et frontale d'activités non déclarées dans le secteur commercial”. Ces activités, établies dans des espaces géographiques permanents, fonctionnent au vu et au su de tout le monde, en dehors de tout cadre légal ou réglementaire. On parle de 65 zones de non-droit. Une faiblesse criarde dans l'organisation de très nombreux marchés, y compris dans les secteurs stratégiques, a été relevée. Le cas du marché du tabac et celui des produits agricoles sont très révélateurs, soutient le Forum des chefs d'entreprise. Plus grave encore est celui du marché parallèle des changes que “les autorités monétaires s'obstinent à ignorer”, en dépit de la consécration officielle de la convertibilité des opérations commerciales courantes depuis quelques années. Il y a aussi le non-recours à l'usage de la facture dans le commerce, y compris pour des transactions portant sur des montants financiers “extrêmement importants”. La législation en la matière existe pourtant. Mais elle est ignorée. Et les pouvoirs publics se déclarent presque impuissants. Le très faible développement du chèque comme moyen de paiement corrobore parfaitement cette réalité d'un marché informel qui prend des proportions inquiétantes. Les opérateurs économiques, producteurs de biens et services ne comprennent pas ce laxisme de l'Etat. Pourtant, l'arsenal juridique existe. Certains évoquent même la jonction entre économie informelle et corruption. Le premier responsable de la douane reconnaît que l'institution qu'il dirige ne maîtrise pas, aujourd'hui, les prix réels (la valeur en douane) des produits importés. Elle n'est pas encore outillée, nous dit-on. Le directeur général des impôts confirme la non-utilisation de facture, le recours à la location du registre du commerce, aux procurations mais aussi à la minoration des déclarations et au cadrage des bilans. Selon le DG des impôts, la pression fiscale est faible. Elle est de l'ordre de 13,6%. Selon lui, la participation du privé à l'impôt par rapport au PIB n'est que de 0,6% alors que sa contribution à la valeur ajoutée avoisine les 75%. Ce qui paraît paradoxal. Ce qui démontre aussi que des pans entiers échappent à l'administration fiscale. En tout état de cause, le DG des impôts affirme qu'un comité mixte (DGSN, services de sécurité, impôts, douanes) a été récemment installé par le ministre des Finances. “Nous allons nous attaquer, en priorité, aux procurations”. M. R.