Pour sa première apparition en public depuis le « mercredi noir », le président Bouteflika n'a pas lâché la moindre déclaration concernant les derniers attentats à Alger l Le chef de l'Etat a rendu visite aux blessés de l'attentat à l'hôpital Mustapha Bacha. Il n'a pas choisi sa journée : pour une fois qu'Alger reprend peu à peu vie, la ville est bouclée », lâche un automobiliste coincé rue Hassiba Ben Bouali, alors que se congestionnent les artères de la ville, à l'occasion de ce qu'on peut appeler l'opération « Bouteflika au chevet d'Alger ». La tournée algéroise du président Abdelaziz Bouteflika, avant sa visite rituelle, comme tous les 16 avril, à Constantine. Les policiers, menace terroriste oblige, redoublent de sévérité. Bouclage des rues avant, après et pendant les stations présidentielles, durant la demi-journée d'hier. Pour sa première apparition publique cinq jours pleins après les attentats kamikazes du « mercredi noir », la descente du Président en ville n'a pas séduit, du moins, les milliers d'automobilistes de la capitale. La tournée aurait été décidée récemment. Le point fort de l'opération — lors de laquelle M. Bouteflika, inhabituellement calme, ne lâchera aucune déclaration — devait être sa visite aux blessés des attentats à l'hôpital Mustapha Bacha, à Alger-Centre, où certains journaux seulement ont été invités à couvrir la virée. Une visite, là aussi, décidée à la dernière minute, la veille, selon plusieurs sources. Le Président n'a d'ailleurs pas réagi officiellement aux attaques contre le Palais du gouvernement et un commissariat à Bab Ezzouar. A Mustapha Bacha, il a réconforté, précise-t-on, huit blessés, parmi les vingt hospitalisés dans ce centre hospitalo-universitaire (CHU), dont quatre au service d'ophtalmologie, un enfant au service de chirurgie infantile et trois en neurochirurgie. L'occasion pour le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, de préciser que le bilan des attentats de mercredi est de 30 morts. Il a souligné que jusqu'à samedi, « 37 blessés étaient toujours hospitalisés, mais certains d'entre eux ont regagné leur foyer aujourd'hui (dimanche) avec l'amélioration de leur état de santé ». M. Zerhouni a souligné qu'au premier jour des attentats, mercredi, 330 blessés légers et hospitalisés ont été comptabilisés. Le chiffre des blessés hospitalisés était ensuite descendu à 57 jeudi avant de diminuer à 45 vendredi. Le directeur de l'hôpital Mustapha Bacha, Yahia Dahar, a, pour sa part, indiqué que 20 blessés sur les 143 admis au CHU, après les attentats, sont toujours en observation dans les différents services. Il a ajouté, en outre, que le CHU a déploré 7 décès, dont 4 ont nécessité la collaboration de la police scientifique et des proches pour leur identification. Dehors, derrière les barrières, des familles attendent pour rejoindre l'hôpital. La fabrique de « bains de foule » Un homme poussant sa grand-mère croulant sur un fauteuil roulant sous la pluie, fulminait contre le policier qui se disait impuissant : « Que Dieu ferme devant vous toutes les portes. »L'opération « au chevet d'Alger » s'arrête là. Pour le reste, M. Bouteflika a inauguré le Centre national de conduite du système électrique (CNC) à Gué de Constantine. Un centre qui gère l'ensemble national du système de production et de transport de l'électricité à l'échelle nationale ainsi que les interconnexions électriques avec le Maroc et la Tunisie. Il a également inauguré le Nouvel institut Pasteur d'Algérie (NIPA) à Dély Ibrahim. Avant d'arriver vers son escale, vers 11h45, du côté du Ruissau-Hussein Dey, pour inaugurer le siège de la nouvelle cour d'Alger, les services du protocole ont élaboré le « bain de foule » d'usage dès le matin. On demande aux employés des institutions publiques et aux ouvriers des chantiers alentours de quitter leur poste pour s'agglutiner derrière les barrières, sous la pluie, face à la façade flambant neuf de la nouvelle cour d'Alger. En renfort : les scouts, les écoliers et même des jeunes supporters de l'USM El Harrach avec fanions jaune et noir. Une voiture officielle dépose au poste de garde des dizaines de pancartes à l'effigie du Président distribuées au public une heure avant la venue du chef de l'Etat. Un maire de la localité distribue lui-même les confettis tirés d'un sachet noir aux jeunes qui s'amusent à pousser des hourras de bienvenue à tout véhicule qui passe, y compris le marchand de légumes en 404 bâchée. Deux banderoles accrochées aux barreaux : « La commune de Bourouba et la société civile disent oui à la politique de paix et de réconciliation », « La commune de Bourouba et la société civile soutiennent le président Abdelaziz Bouteflika ». Bourouba, commune oubliée de la banlieue est, d'où est natif un certain Merouane Boudina, 28 ans, alias Mouaad Ben Jabal, le kamikaze qui a jeté son véhicule piégé sur le Palais du gouvernement. En descendant de sa Mercedes noire, le Président fait un geste vague à la foule compactée entre les barrières de police et la clôture de chantier. Au cours de la visite, un tête-à-tête de 40 minutes entre M. Bouteflika et le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, est interrompu par la prudente insistance — renouvelée — du chef du protocole. Rien n'a filtré de la discussion.