Paul Wolfowitz est l'homme le plus scrupuleux du monde. Il a tout au long de sa brillante carrière veillé à mettre en conformité son enseignement et sa vie. Et surtout à ne jamais tirer un profit personnel du rayonnement de ses idées. Ainsi, ce théoricien de la nécessaire démocratisation du Proche-Orient arabe y compris et en particulier par le recours à l'invasion armée des pays hostiles, n'est pas resté longtemps au Pentagone une fois ses plans lancés sur le chantier irakien. C'est que Wolfowitz a le triomphe modeste. Un obus de roquette sur la façade de l'hôtel de Baghdad, où il devait faire au printemps 2004 un passage éclair, l'a fait tanguer sur ses certitudes. Il a trouvé que le moment était venu de laisser la conduite de la guerre d'occupation à d'autres. Ce génial faiseur d'histoire aller changer de théâtre d'opération… pour se faire oublier. Sa grande moralité l'a empêché de briguer un poste trop important. Il est donc devenu en 2005, « simplement » le président de la Banque mondiale. Il est vrai qu'il possède à la Maison-Blanche un ami au bras long. Une règle non écrite dit, depuis les accords de Breton Woods, que si la présidence de FMI revient à un européen celle de la Banque mondiale doit revenir à un américain. Et inversement. Un petit Yalta de la finance. Aussitôt arrivé à la tête de la grande institution de Washington, Paul Wolfowitz s'est posé, en homme consciencieux, le problème de Shaha Riza. La responsable de la communication de la Banque mondiale, une femme d'origine libyenne, était sa « petite amie » depuis longtemps. Un secret de Polichinelle dans les couloirs de H. Street, N. W. Il s'en est ouvert au conseil d'administration de la BM et sans doute pour éviter les situations de conflit d'intérêt, a organisé – un peu sur le modèle de sa retraite du Pentagone après le souffle du boulet de Baghdad - l'évacuation de Shaha Riza de la Banque mondiale. La chronique chevaleresque de Paul Wolfowitz vire cette fois encore au vaudeville encanaillé. Six mois après sa prise de fonction, il place Shaha Riza au département d'Etat, mais oublie de stopper son salaire chez lui. Selon la presse américaine, la « relation affective » du président de la Banque mondiale aurait même reçu des augmentations de 61.000 dollars, soit un salaire annuel de 193.590 dollars, plus que la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice. On peut, à 63 ans, être un théoricien froid et tranchant de l'unilatéralisme militaire américain dans le monde et traîner avec soi au bureau les petites faiblesses d'un cœur enflammé. A la suite du personnel de la Banque mondiale qui l'a conspué, la presse mondiale s'est déchaînée contre Paul Wolfowitz. Motif : son népotisme est aggravé. Il a permis à sa liaison amoureuse de tripler ses revenus alors que lui-même mène depuis deux ans une nouvelle croisade pour moraliser le monde. Paul Wolfowitz a fait de la lutte contre la corruption l'alpha et l'oméga des engagements financiers de la Banque mondiale. En d'autres termes, il ne finance pas les gouvernements et les Etats estimés trop corrompus. Une démarche élevée au rang de doctrine qui a incommodé ses partenaires européens et asiatiques dans le conseil d'administration. Ce chantage était jugé trop interventionniste. Il ouvrait la porte à une nouvelle conditionnalité politique à l'accès au financement du développement dont l'appréciation demeurait arbitraire. Entre les mains de Wolfowitz en bonne partie. La Banque mondiale a connu d'autres inspirations avec des économistes en chef, comme Joseph Stigliz ou François Bourguignon, réellement préoccupés par le décollage des pays retardataires. Les jours de Wolfowitz à son poste sont comptés. Le vrai scandale est que ce criminel de guerre en col blanc ait pu devenir le financier en chef du développement dans le monde.