La visite de M. Bouteflika à la ville des Ponts a déçu plus d'un Constantinois car, à chaque apparition du président dans l'antique Cirta, il y a toujours eu des révélations fracassantes ou des décisions importantes, notamment à l'occasion du 16 avril, comme c'était le cas hier. Hélas, tout le monde est resté sur sa faim tant la tournée a été ordinaire. Visiblement fatigué, M. Bouteflika n'a eu à aucun moment usé de sa verve habituelle ni de ses remarques piquantes à l'endroit des responsables de la ville. Il ne prononcera pas non plus de discours, contrairement à ses habitudes. A chaque halte, il n'a fait qu'acquiescer de la tête tout en prononçant deux ou trois mots que personne n'entendait, tant la voix du président était faible. Les ministres qui l'accompagnaient, six au total, étaient apparemment sur une autre planète, tant ils donnaient l'impression de se désintéresser de ce qui les entourait, exception faite de M. Zerhouni, toujours aussi à l'aise avec les gens de la presse, et de M. Hamimid, ravi de se retrouver à Constantine, en même temps qu'il se comportait en véritable « technicien », étant à l'affût des explications sur les projets constantinois. Peut-être parce qu'il en a lancé pas mal en étant wali de Constantine il y a quelques années. Des projets à présenter, il y en a eu, notamment ceux du tramway, du grand pont et du téléphérique, en plus de la nouvelle ville universitaire, de l'autoroute Est-Ouest et du théâtre de verdure, qui a été réceptionné hier et inauguré par le Président. Mais de mémoire de journaliste, aucune virée présidentielle n'a été aussi tendue et aussi mal organisée que celle d'hier. Les événements du 11 avril ont échaudé les services de sécurité qui, en voulant trop bien faire leur boulot, ont complètement raté leur mission. Le Président n'a été à aucun moment approché par les journalistes, qui ont dû se contenter des documents en leur possession pour pondre quelques lignes ou ont essayé de se rapprocher d'un des ministres pour récolter ne serait-ce que l'écho d'un scoop. La hantise d'un attentat sur le trajet présidentiel a tellement été forte que tous les commerces sur l'itinéraire du Président ont été priés de baisser rideau. Les véhicules des forces de sécurité, tous corps confondus, ont été tellement nombreux que plusieurs embouteillages se sont créés au cours du cycle des inaugurations, ce qui ne s'est jamais produit dans un cortège présidentiel, en plus d'une coordination défaillante et où n'importe qui interdisait n'importe quoi. Bref, il était visible que le syndrome du 11 avril a pris forme et que tout ce qui bougeait était suspect aux yeux des services de sécurité. Tout cela n'a pas empêché le Président de s'adonner à son exercice favori, les bains de foule, qui se sont heureusement fort bien passés, malgré la nervosité de ses services, aussi bien à Constantine qu'à Aïn Smara, où des jeunes ont lancé à Bouteflika : « Chabiba dhaïâa » (la jeunesse est perdue, ndlr). Malgré sa fatigue extrême, M. Bouteflika a tenu à honorer ses engagements.