Au moment où l'actualité fait état de reddition de plusieurs dizaines de terroristes, aucun chiffre officiel n'a été rendu public par les autorités. Pis, elles n'ont soufflé mot sur le sort qui sera réservé à ces nouveaux repentis. C'est dire que ce dossier est géré dans la discrétion la plus absolue. La presse nationale, faut-il le rappeler, avait ébruité, pendant des jours, des informations selon lesquelles des contingents entiers de terroristes se seraient rendus aux forces de sécurité avant qu'elles ne soient démenties par une source militaire en les assimilant à des « fantasmes de journalistes ». Pourtant, il ne se passe pas un jour sans que la presse, dont l'agence officielle APS, rapporte des informations de ce genre. Qu'en est-il exactement ? Des sources sécuritaires ont affirmé que ce sont les terroristes isolés ou acculés par les forces de sécurité qui ont été contraints de se rendre. Ces sources précisent qu'il s'agissait de redditions individuelles sans que les autorités prennent pour autant un quelconque engagement à leur égard. S'il est vrai qu'il n'y a pas eu de « descentes massives », il n'en demeure pas moins que le nombre de terroristes ayant quitté le maquis a grossi au fil des jours. Il aurait même atteint une centaine. Les sources militaires qui ont réfuté l'existence de toute négociation avec les groupes armés ont été, par ailleurs, contredites par divers canaux. En ce sens, dans un entretien accordé récemment à la chaîne qatarie El Jazira, Madani Mezrag, ancien chef terroriste (AIS), avait fait état de « contacts soutenus » entre les autorités et les groupes armés. Pour lui, ces tractations ont été entreprises sur deux fronts. Il s'agit en premier lieu de convaincre les « frères qui sont encore dans le maquis de mettre fin aux hostilités ». L'ancien chef de l'AIS a suggéré, à cet effet, des garanties juridiques à même de permettre leur insertion dans la société. En contrepartie, les responsables de l'Etat, doivent, selon l'ancien chef de l'AIS, « œuvrer dans le sens de garantir aux repentis dignité, sécurité et droits civiques ». Pour mener à bien ces tractations, les autorités, à leur tête les services de renseignements (DRS), ont eu recours aux services de plusieurs émissaires et médiateurs. Des proches de terroristes et des anciens et nouveaux repentis ont été ainsi dépêchés dans les maquis pour y acheminer « l'offre de paix ». Bouteflika change de ton Les premiers contacts seraient fructueux eu égard au nombre de terroristes qui se sont rendus armes et bagages aux forces de sécurité ces derniers mois. Mais où sont-ils et quel est leur nombre exact ? Les autorités continuent d'entretenir le flou sur cette question. Mais des renseignements concordants affirment que certains repentis ont été déférés d'ores et déjà à la justice. Mis sous la coupe de la loi pénale, ils devraient répondre de leurs crimes. Cet avis a été corroboré par le ministre de la Justice qui, dans une conférence de presse animée le 15 juin dernier, avait affirmé que « la loi sera appliquée selon les cas de chaque terroriste qui se rend aux éléments de la Sûreté ». Selon lui, les repentis vont répondre de leurs crimes et jugés au cas par cas. D'autres sources affirment que beaucoup de repentis sont actuellement sous le contrôle des services de sécurité. Ils seraient accueillis dans des camps placés sous autorité militaire en attendant, dit-on, la mise en œuvre d'un éventuel mécanisme juridique à même de trancher cette problématique. Et c'est là toute la question. Ces nouveaux repentis vont-ils bénéficier d'une quelconque grâce amnistiante, sachant que la loi sur la concorde civile est déclarée caduque depuis le 13 janvier 2000 et qu'aucun dispositif de rechange n'a été prévu pour prendre le relais, en dehors, bien entendu, du concept générique de « réconciliation nationale ». Sous quelle couverture juridique sera donc menée une telle opération ? Au stade actuel, il est presque impossible de saisir les intentions du président de la République qui, dit-on, gère en personne ce dossier. Il y a peu de temps, le chef de l'Etat n'excluait pas « des mesures de clémence en direction de ceux qui vont se ressaisir », mais il a subitement changé de ton. En ce sens, le locataire du palais d'El Mouradia a promis, lors de son dernier discours, prononcé le 5 juillet dernier, de mener une lutte implacable contre le terrorisme. Pour la première fois, depuis 1999, le président Bouteflika a « chassé » de son vocabulaire des concepts tels que « concorde, réconciliation, amnistie... ». Pourtant, il y a quelques mois, le même Président avait réitéré plusieurs fois sa « main tendue » à l'endroit des terroristes. « Le gouvernement s'attellera à la poursuite déterminée de la lutte contre le terrorisme qui est une agression contre la patrie », a déclaré le chef de l'Etat lors de sa cérémonie d'investiture. Néanmoins, avait-il ajouté, « des mesures de clémence seront prises au profit de ceux qui vont accepter d'abandonner la voie du crime ». Les propos du président de la République laissent supposer l'existence d'un projet de grâce amnistiante, bien qu'il n'ait pas encore clarifié la forme, les mécanismes juridiques et les limites de cette clémence. Le chef du gouvernement, M. Ahmed Ouyahia, avait expliqué, pour sa part, que « la main de l'Etat reste tendue pour ceux qui veulent revenir parmi les leurs et à leur patrie ». Mieux encore, « des mesures concrètes seront prises en faveur des repentis pour leur insertion sociale. Ainsi, le principe d'une amnistie a été bel et bien arrêté. Reste à définir l'habillage juridique d'une telle démarche qui, dit-on, est du ressort exclusif du président de la République.