A travers une exposition, les Boumehdi incarnent une histoire de famille, une histoire et une famille. Le père, décédé il y a quelques mois, est l'un des plus grands noms de la céramique en Algérie. Un nom qui a accompagné l'évolution de l'art du feu et qui lui a apporté une empreinte indélébile. Ses pièces et celles de ses trois fils, qui ont hérité de son doigté et de sa poésie, se côtoient dans le même espace. Si les styles se suivent, ils ne se ressemblent pas. A chacun sa poésie et à chacun sa manière de l'exprimer. L'exposition compte 68 œuvres de Mohamed Boumehdi, dont 48 pièces (vases, panneaux, plats, carreaux de faïence, pieds de lampe…). Chaque pièce a son histoire, son contexte et les circonstances de création. On ne les connaît pas mais face à chacune d'entre elles, on imagine le temps et l'énergie qu'il a dépensés pour la créer à partir de presque rien. On arrive même à se représenter l'artiste dans son atelier, chargé de pièces finies et d'autres inachevées. Le lieu est inondé de lumière. On le voit penché sur ses croquis à imaginer et à créer son œuvre. Puis malaxant l'argile avant de la poser sur le tour pour lui donner une forme. Elle va sécher quelques jours avant d'être polie, lissée. On le voit sortir sa pièce du four, elle est encore au stade du biscuit. Le pinceau à la main, et avec une incroyable délicatesse, on le voit dessiner des oiseaux… Mohamed Boumehdi aimait beaucoup les oiseaux qui reviennent souvent dans ses œuvres à travers son parcours. Des oiseaux sur le point de prendre leur envol, d'autres posés sur une branche, le bec levé au ciel… Il aimait aussi les fleurs aux couleurs chatoyantes, qu'il dessinait avec leurs bourgeons, leurs tiges et leurs feuilles. Et le bleu dans ses plus belles nuances. On le voit sortir du four sa pièce finie qu'il découvre d'un œil nouveau, comme s'il n'était pas son concepteur. Mohamed Boumehdi travaillait la terre comme on écrit des vers. Avec passion et délicatesse, avec équilibre et symétrie. A la fois artiste et artisan, ses œuvres sont des poèmes d'argile. Et cette poésie, il l'a transmise à ses fils… Leur travail est différent de celui du père, mais l'influence de ce dernier est indéniable. El Hachemi, Tawfik et Rachid exposent plus de vingt pièces : des vases, des plats, des vides poches, des khamsa, des panneaux de faïence et de verre… A travers cette famille, on peut retracer l'évolution de la céramique algérienne, le long parcours d'un céramiste gardien des décors traditionnels mais ouvert à la modernité, ainsi que l'émergence d'une vision contemporaine de la céramique à travers ses fils. Une vision à laquelle le père a contribué de différentes manières, notamment par son ouverture d'esprit. Au détour d'une œuvre ou d'une autre, le visiteur de l'exposition sera certainement tenté de marquer un arrêt et de se laisser aller à la contemplation autant qu'à l'émoi.