Invité par le congrès Arab initiative reform, qui s'est tenu mercredi dernier dans la capitale jordanienne Amman, l'ancien chef de gouvernement Mouloud Hamrouche est revenu, dans son intervention, sur l'expérience des réformes engagées en Algérie. Il a entamé son allocution en soulignant qu'« on ne peut parler d'élections et débattre des résultats en occultant le fait que nous ne sommes pas dans des pays démocratiques ». Le responsable au long parcours politique estime que « ceux qui veulent la réforme n'en ont pas le pouvoir » et contrairement à eux « ceux qui ont le pouvoir ne veulent pas des réformes ». Retraçant brièvement sa propre expérience en la matière en tant que chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche souligne que son intention était de « mettre en place des mécanismes nécessaires pour démocratiser la société et le pouvoir », et ce, en proposant d'« aller à un pluralisme politique et d'idées, dans un premier temps, pour aboutir ensuite au multipartisme venant de la société et non d'appareils politiques sans substance ». Le conférencier, qui a tenu à préciser que le cas de l'Algérie n'est pas le seul dans le monde arabe, estime qu'il y a « une lacune dans la recherche de mécanismes devant amener à démocratiser les régimes en place ». Il a fustigé, en outre, l'absence du concept d'Etat au sens moderne du terme. « Nous avons un pouvoir, et là où il y a pouvoir cela ne signifie pas qu'il y a Etat », dira-t-il en plaidant pour que « la loi devienne le véritable pouvoir, non les individus ou les groupes ». Evoquant l'apparition de l'islamisme, l'ex-candidat à la présidentielle considère que la démocratie n'a pas généré l'islamisme, « ce sont les systèmes en place qui ont généré l'islamisme. Les élections ne sont qu'un mécanisme qui a permis à l'islamisme de se manifester d'une manière précise ». Et d'argumenter que « l'islamisme ne vise pas à changer le système politique, mais à le remplacer. Cela permet d'ailleurs aux pouvoirs en place de s'allier aux islamistes, qu'on les appelle modérés ou radicaux, peu importe, car le résultat est le même : les islamistes participent à l'exercice du pouvoir ». A la question de savoir comment faire avancer les réformes, Hamrouche répondra : « Il n'y a pas de force politique qui peut mener au changement à part le pouvoir en place. Il faut trouver comment assiéger les pouvoirs en place et les rendre prisonniers de règles juridiques. » Prenant toujours le cas de l'Algérie, Hamrouche précise que le non-respect des institutions par le pouvoir fait que « le pays est dans le même enfermement que celui qui était en vigueur sous le système du parti unique ». Et d'ajouter que « les instruments de la démocratie moderne sont utilisés pour favoriser la déliquescence et cacher l'état réel de la situation. Ainsi, les élections ne sont pas un moyen de choisir des programmes portés par des candidats différents, mais pour organiser l'accès au pouvoir de gens préalablement choisis ». Finissant son intervention en répondant à une question sur les conditions de démocratisation que doit imposer l'Europe dans ses relations avec les pays arabes, Mouloud Hamrouche dira : « Les réformes en Algérie n'ont pas trouvé le soutien nécessaire de la part des Européens. Ils disaient qu'on n'était pas capables de les mener mais nous n'avons trouvé auprès d'eux aucun soutien. »