L'ancien chef du gouvernement porte un regard très acéré sur l'exercice du pouvoir dans les pays arabes, particulièrement en Algérie. À son avis, ce n'est pas la démocratie qui a généré l'islamisme, mais les systèmes en place. Réputé pour être le précurseur de la génération des technocrates et des reformes économiques en Algérie, Mouloud Hamrouche garde un goût amer de son passage à l'exécutif, il y a près de vingt ans. “Ceux qui veulent la réforme n'ont pas le pouvoir et ceux qui ont le pouvoir ne veulent pas de la réforme”, a-t-il résumé, mercredi dernier, au cours d'un congrès à Amman, initié par Arab Initiative Reform. Revenant sur sa propre expérience en qualité de chef de gouvernement, il assure qu'“il voulait mettre en place des mécanismes pour démocratiser la société et le pouvoir”. À son sens, comme dans d'autres pays arabes, “il n'existe pas d'Etat au sens moderne du terme en Algérie”. “Il faut donc que la loi devienne le véritable pouvoir, non les individus et les groupes”, a martelé l'ancien Premier ministre sous Chadli Bendjedid. Selon lui, les tenants de l'islamisme contribuent au statu quo. “On parle également de l'islamisme comme d'une alternative au pouvoir en place ou comme une menace. Je note que ce sont les systèmes en place qui ont généré l'islamisme, non la démocratie. Les élections ne sont qu'un mécanisme qui a permis à l'islamisme de se manifester de manière précise”, observe-t-il. À ce propos sa sentence est sans appel : “L'islamisme ne vise pas à changer le système mais à le remplacer.” Afin de contrecarrer ce genre d'ambitions, mais surtout provoquer le changement, M. Hamrouche ne voit qu'un moyen : “Assiéger le pouvoir en place et le rendre prisonnier des règles juridiques.” “Quand le citoyen viole la loi, il est sanctionné. Le problème réside chez celui qui exerce le pouvoir. Qui le sanctionne ?” observe-t-il. Cependant, il avertit contre l'utilisation tronquée de la loi par les hommes du pouvoir. Dépité, il constate que “les instruments de la démocratie moderne sont utilisés pour favoriser la déliquescence et cacher l'état réel de la situation. Ainsi les élections ne sont pas un moyen de choisir des programmes portés par des candidats différents mais pou organiser l'accès au pouvoir de gens préalablement choisis”. À l'issue de sa conférence, M. Hamrouche a répondu à quelques questions. À celle de savoir si l'Europe doit imposer des conditions de démocratisation dans ses relations avec les pays arabes, il a rappelé que dans le cas de l'Algérie, les Européens ont émis des doutes sur l'utilité des réformes et sur la capacité des Algériens à les mener. S. L.