Ce rapprochement n'est pas dépourvu de calculs politiques, d'autant qu'il s'inscrit en droite ligne des présidentielles de 2009. «Le MSP est l'un des pilotes du navire de la démocratie en Algérie. Il veillera toujours à assurer la sécurité et la quiétude des passagers, même si certains changements dans les positions et les postes doivent être apportés au courant de ce voyage», a affirmé hier, M.Boudjerra Soltani, président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), à l'ouverture de la deuxième session de printemps du Mouvement, sur la formation politique à l'hôtel Riad. Pour Boudjerra Soltani, également ministre d'Etat, «la démocratie, exige de chacun des pilotes d'avoir une vision critique, d'agir avec prudence et de rappeler à l'ordre ses collègues afin d'éviter le pire». Toutes ces formules codées, chères au président du MSP, pourraient s'expliquer par la présence, parmi les invités de marque, de M.Mouloud Hamrouche, l'ancien chef de gouvernement, et candidat déçu de la présidentielle de 1999. Après une longue éclipse de la scène nationale, ce politique chevronné refait son apparition à l'occasion de cette conférence organisée par le parti de l'Alliance présidentielle. Intervenant au lendemain de la mise sur la place publique d'une pétition contre la réconciliation nationale à laquelle il n'a pas souscrit, l'ancien chef de gouvernement semble vouloir prendre ses distances avec son allié de toujours Hocine Aït Ahmed. Ce dernier, rappelons-le, a multiplié les déclarations hostiles au pouvoir et à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et s'est joint aux pétitionnaires. Aussi, la présence de Hamrouche à la conférence du MSP atteste d'un probable divorce politique entre les deux hommes qui, dans un passé assez récent, donnaient une nette impression de regarder dans la même direction. Connu pour son penchant en faveur des gestes symboliques qui disent plus longs que les discours, Mouloud Hamrouche, signe là un retour, pour le moins, énigmatique, puisqu'il refusera de s'exprimer sur la situation et encore moins sur sa présence à une rencontre organisée par un parti au pouvoir. Il se laissera même «caressé dans le sens du poil» par Boudjerra Soltani qui n'a pas manque d'en faire l'éloge, le qualifiant de l'un des architectes de l'ouverture politique du pays. «Hamrouche est l'ami du parti et un véritable conseiller pour ses militants», atteste le président du MSP, qui jette, de fait, un véritable pavé dans la mare politique nationale, en donnant à l'ancien chef de gouvernement une aura qu'il réclame justement. Prenant la parole, l'invité de Soltani a eu des propos «sages» envers le pouvoir: «Les fruits des réformes tardent souvent à voir le jour. L'essentiel est de lancer le processus, même si ce sont souvent les autres qui récoltent la moisson». Une intervention lourde en message politique. Il rappelle même à qui veut l'entendre, qu'il a été derrière les premières réformes réalisées au temps «de l'Algérie démocratique». Hamrouche se réserve le droit de garder le silence jusqu'à demain. Son intervention inscrite dans le programme de la rencontre est très attendue. Le MSP, allié stratégique du président de la République, donne la parole à une personnalité connue par ses critiques acerbes à l'égard des réformes engagées par le chef de l'Etat. Il instaure donc un débat contradictoire sur la démarche présidentielle. Encore une fois, Boudjerra Soltani classe les choses dans le cadre «du débat démocratique et contradictoire qui doit régner sur la scène politique». Mais en faisant cela, le MSP n'a-t-il pas omis encore une fois, la ligne rouge tracée par la charte de l'Alliance? Pour certains observateurs, ce rapprochement n'est pas dépourvu de calcul politique d'autant qu'il s'inscrit en droite ligne des présidentielles de 2009 et de la révision de la Constitution. Le MSP a besoin de relais au pouvoir pour asseoir son poids sur l'échiquier politique. Hamrouche pourrait être une bouée de sauvetage conjoncturelle ou à long terme, après les critiques exprimées en des termes très voilés par le chef de l'Etat, le 23 février, au MSP et au FLN. Le MSP qui siège au gouvernement a saisi la réunion d'hier pour répondre au chef de l'Exécutif sur certains points développés lors de sa dernière conférence de presse. Concernant l'état d'urgence, il a souligné que sa levée est plus que jamais exigée. «Cette position ne traduit pas une manoeuvre politique mais bien un souhait de la population». Soltani a estimé que le terrain politique est miné, en évoquant «une démocratie de façade». «Il est important, ajoute-t-il, d'instaurer l'alternance au pouvoir. Un principe absent de la culture politique en Algérie». Le vice-président du Mouvement Abdelmadjid Menasra, de l'aile conservatrice du MSP, a stigmatisé la confiscation du pouvoir au nom de la légitimité historique, géographique, pétrolière, mais aussi sécuritaire. «La prochaine époque, celle qui va succéder aux années de terrorisme, doit être celle de l'ouverture du champ politique à toutes les sensibilités sans exclusion, laissant au peuple le soin de choisir ses représentants». Allusion aux cadres du FIS dissous, exclus de la vie politique dans le cadre de la réconciliation nationale. Enfin, ce n'est certainement pas une visite de courtoisie que Hamrouche est venu rendre au MSP, loin s'en faut. Approché en marge de la réunion, il a refusé de faire le moindre commentaire: «Je parlerai au moment opportun», s'est-il contenté de dire. Il interviendra demain.