L'Egyptien Mohammad Al Attar, accusé d'espionnage au profit du Mossad israélien, vient d'être condamné, le 21 avril, à 15 ans de prison ferme, alors que tous les regards sont déjà tournés en Egypte sur une autre affaire d'espionnage, toujours pour le même Mossad, celle d'un ingénieur nucléaire arrêté en février dernier et accusé d'avoir remis aux Israéliens des informations sensibles sur un centre de recherche atomique égyptien. Le Caire : De notre correspondante Ainsi et en moins de trois mois, deux « réseaux » d'espionnage pour le compte d'Israël auraient été démantelés par les services de sécurité égyptiens, ce qui n'a de facto créé aucune friction diplomatique entre l'Egypte et Israël, mais a surtout fait les choux gras d'une presse et de médias très friands de ce genre d'affaires. Et si les deux affaires impliquent deux Egyptiens accusés de travailler pour le même Etat d'Israël, elles n'ont pas grand-chose de similaire lorsqu'on compare la nature du « renseignement vendu à Israël » et les profils des deux accusés. Le premier, Mohammad Al Attar, 31 ans, qui vient d'être condamné par la cour de Sécurité de l'Etat, était étudiant en droit à l'université d'Al Azhar au moment où il a quitté l'Egypte en 2001, pour se rendre d'abord en Turquie, où il aurait été recruté par le Mossad et ensuite au Canada, pays qui lui a accordé le statut de réfugié et ensuite la nationalité, et où il aurait continué, selon les accusations portées contre lui, à espionner la communauté arabe émigrée. La presse égyptienne est longuement revenue sur ses confessions selon lesquelles il aurait nourri depuis son jeune âge une détestation de l'Islam qui l'aurait poussé à quitter l'Egypte et se convertir au christianisme. Il serait également un homosexuel notoirement connu de la communauté arabe vivant au Canada et aurait travaillé pour les ambassades israéliennes à Istanbul et Toronto à qui il aurait chroniquement rapporté des informations sur des Arabes susceptibles, de par leur homosexualité ou leur indigence matérielle, à être à leur tour recrutés pour le Mossad. Et alors que l'accusé n'a eu de cesse de clamer son innocence, affirmant avoir signé des aveux sous la torture, à son procès, deux témoins à charge ont achevé de l'enfoncer. Le premier, un Irakien qui affirme avoir été contacté par un diplomate israélien qui lui a été envoyé par Mohammad Al Attar et le second, un officier égyptien de la Sécurité d'Etat détaché à l'ambassade égyptienne à Ankara. La sentence de 15 années de prison ferme prononcée par un tribunal de Sécurité de l'Etat ne peut pas faire l'objet d'un appel et seule une grâce du président de la République peut sortir Mohammad Al Attar de prison, mais l'avocat de « l'espion » soulignait, à la sortie de l'audience que son client a bénéficié d'une sentence relativement clémente au regard de la perpétuité qu'il encourait. L'affaire « Saber » Le deuxième Egyptien, accusé d'espionnage nucléaire, a été arrêté, lui aussi, à son arrivée à l'aéroport du Caire en février dernier. Agé de 33 ans, marié et père d'un enfant, Mohammad Sayed Saber est ingénieur nucléaire et il revenait d'Arabie Saoudite où il travaillait pendant les trois dernières années. Il est accusé d'avoir transmis des rapports confidentiels du centre de recherche atomique d'Inchass en Egypte à deux personnages travaillant pour le renseignement israélien, un Japonais et un Irlandais, qu'il allait rencontrait à Hong Kong. Ces deux personnages l'auraient tenté avec argent et femmes et lui auraient demandé de retourner au Caire pour recruter d'autres collègues travaillant dans la recherche nucléaire pour ouvrir une représentation d'une société écran qui dissimulerait un réseau d'espionnage nucléaire pour le compte d'Israël. Mais si le cas de Mohammad Al Attar n'a pas eu le moindre bénéfice du doute de la part de la presse égyptienne qui a été presque unanime à le condamner avant même la tenue de son procès, le cas de Mohammad Saber semble être traité avec plus de précautions par les journalistes. Probablement parce que la famille de l'ingénieur, son épouse et son père notamment ont contacté les journaux immédiatement après avoir appris comme le reste de l'opinion par la presse les accusations portées contre lui. Ces derniers ont exprimé leur conviction en l'innocence de l'ingénieur présenté comme un génie incompris qui a dû s'exiler pour pouvoir continuer à travailler dans le domaine qui le passionne. La presse a d'ailleurs rapporté des extraits du procès-verbal des premières investigations où l'ingénieur affirmerait qu'il s'est lui-même rendu à l'ambassade égyptienne à Riyad pour informer les autorités de ses doutes quant aux deux personnages qu'il a rencontrés par trois fois à Hong Kong et qui lui ont proposé de travailler pour une compagnie internationale (dont le nom n'est jamais cité). Par ailleurs, plusieurs anciens collègues égyptiens de cet ingénieur, contactés par le quotidien Al Massri Al Youm, ont affirmé avoir été fortement étonnés par cette nouvelle affaire d'espionnage : « Il faut faire la différence entre les films indiens et les faits avérés… Nous sommes surpris par cette affaire et nous préférons attendre de voir ce que va dire la justice. Mohammad Saber a quitté il y a trois ans le centre de recherche et les travaux du centre ne contiennent pas de secrets qui peuvent être qualifiés de sensibles pour la sécurité nationale, surtout que tous nos dossiers ne sont un secret pour personne ». Certains d'entre eux ont par la même occasion affirmé que les travaux du centre d'Inchass sont parfaitement connus des Américains qui les suivent de près depuis la création du centre. Et si quelques rares voix s'élèvent au Caire pour interroger la crédibilité de cette vague de démantèlements de réseaux d'espionnage pour le Mossad, la majorité des Egyptiens semblent prendre au sérieux ce type d'affaires. Tout le monde suit attentivement les nouvelles révélations quotidiennes dans la presse au sujet de « l'espion nucléaire » en attendant son procès, même si celui qui vient de se clore de « l'espion détraqué » n'a pas vraiment apporté de nouvelles informations.