Le siège de la kasma 2 de l'ONM, situé sur la rue Khemisti, s'est avéré trop exigu pour contenir les moudjahidine et moudjahidate invités hier à répondre de manière officielle aux accusations proférées par d'autres membres de l'organisation qui se sont constitués dernièrement en cellule de crise. Outrés pour avoir été traités de « moudjahidine Taïwan », les participants au regroupement sont, dans leur majorité, venus témoigner de leurs faits d'armes ou de ceux de leurs compagnons, dans le but de mettre en valeur les combattants de la première heure qui se sont élevés, à Oran comme ailleurs, contre le colonialisme et l'injustice. En premier lieu, loin de toute idée régionaliste, les organisateurs ont rendu « hommage à tous les moudjahidine qui sont venus de toutes les régions du pays et se sont infiltrés au sein de la population oranaise », est-il noté dans une motion de protestation lue à l'ouverture de la séance. Larbi Benmhidi a été cité pour la symbolique. L'aperçu historique, contenu dans ce texte préparé à l'avance, rend hommage à Zabana, Hamou Boutlélis, le groupe de Cheriet Ali Cherif, les fidayin et la population de plusieurs quartiers de la ville qui ont participé, de près ou de loin, aux opérations spectaculaires relatées par la presse de l'époque. Pour mieux illustrer le rôle joué par la ville d'Oran, on a également évoqué les grandes manifestations de décembre 1960 ainsi que les sacrifices consentis lors de la période noire de l'OAS. Un appel a été lancé pour unir les rangs et pour ne pas se laisser déstabiliser par ceux qu'on a qualifié dans le texte d'« opportunistes qui se sont manifestés la veille de la tenue du congrès national prévu en décembre prochain. » « Ils (les membres de la cellule de crise) n'avaient qu'à désigner les gens par leurs noms s'ils ont des preuves », s'est exclamée Mme Zeddam, étonnée que cette nouvelle terminologie péjorative (Taïwan) s'applique aux moudjahidine dont elle a défendu l'honneur jusqu'au bout de ses larmes. Beaucoup d'émotion a, en effet, caractérisé cette rencontre durant laquelle nombre de participants ont été appelés à évoquer leur propre passé douloureux (tortures) ou celui de leurs proches ou amis morts au cœur des événements. Mme Zeddam, qui a participé, toute jeune, à des opérations à M'dina Djdida (elle a même été emprisonnée), évoque un martyr : Sid Ali, originaire de Belcourt. C'était surtout pour rappeler l'incroyable mobilité qui caractérisait les militants nationalistes. Choisi dans le but de représenter Oran au congrès, Mameri El Hachemi n'a pas été avec le dos de la cuillère pour dire que « ceux qui se sont constitués en cellule de crise ne connaissent rien à la ville ni à son passé révolutionnaire. » Mehari Mohamed ne s'est pas gêné d'exhiber publiquement les traces des tortures qu'il a endurées avant d'évoquer son lot de compagnons disparus. « Nous avons sorti l'OAS », ne cessait de clamer Hasni Mouberbeche qui, pour sa part, a estimé qu'« entre 1956 et 1957, on pouvait comptabiliser 20 attentats par jour. » La longueur de la liste des militants d'Oran qu'il a cités traduit son érudition dans le domaine. Il suffit en partie de se référer aux journaux de l'époque pour avoir une idée de ce qui a été entrepris, ici, à Oran. L'idée d'une écriture de l'histoire locale, basée sur des témoignages authentiques de personnes encore en vie, mais tenant compte d'autres paramètres scientifiques, a été lancée par M. Benabdellah. Une solution qui aurait évité à la ville de tomber dans ce genre de polémiques, à la veille de la célébration du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution.