Deux incidents ont marqué, hier, la troisième et dernière journée du 10e congrès de l'ONM : une tentative de tromperie dans le mode d'élection du secrétaire général de cette puissante organisation et une accusation d'usurpation de titre de moudjahida contre une ancienne ministre et contre la sœur d'une figure de proue de la Révolution nationale, Zhor Ounissi et Drifa Ben M'hidi en l'occurrence. A l'heure où nous mettions sous presse, les travaux des congressistes étaient toujours interrompus à l'hémicycle du Palais des nations. Pour cause : le rapporteur de la commission organique, lors de la lecture de son rapport, a introduit des modifications au texte initial en annonçant que l'élection du secrétaire général de l'ONM doit être une prérogative du secrétariat national composé de neuf membres. Mais la recommandation n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Aussitôt, les esprits se sont échauffés et on a failli en venir aux mains. Les personnes ayant siégé dans ladite commission ont insisté pour que le rapport soit fidèle à leur recommandation. Fixant le secrétariat national à 19 membres, celle-ci stipule également que l'élection du secrétaire général revient au conseil national qui doit se réunir dans les quinze jours qui suivent le congrès. « De quel droit le rapporteur ou ceux qui l'ont poussé a-t-il modifié le rapport de la commission ? Il a pourtant assisté aux débats, à la lecture et à l'approbation du rapport », a fait remarquer un moudjahid. « La fraude a déjà commencé ! », renchérit un autre. La commission organique a été obligée de siéger à nouveau pour trouver une solution à ce problème. Y a-t-il eu des pressions sur le rapporteur ou les membres du bureau du congrès ? Pour les congressistes, un secrétariat national à 19 membres et l'élection du secrétaire général par le conseil obéissent à un souci, celui de la meilleure représentation. Certains n'ont pas hésité à affirmer que la modification apportée vise à verrouiller l'organisation. L'impasse sur les faux moudjahidine L'un des signes de ce verrouillage, outre le fait que de nombreux moudjahidine n'ont pas été invités, est que le 10e congrès a fait l'impasse sur l'épineux dossier des faux moudjahidine, alors que le ministre de tutelle, Mohamed-Chérif Abbas, avait assuré, lors d'une conférence de presse animée à l'occasion du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution, que cette question allait être abordée lors de ces assises. Selon le ministre, 10 000 faux moudjahidine ont été recensés à ce jour. Le secrétaire général par intérim de l'ONM, Chérif Daâs, a voulu minimiser le problème. Cependant, il a été dans l'incapacité de faire une estimation du nombre de moudjahidine usurpateurs, se contentant de déclarer qu'il existe 120 000 adhérents à l'ONM. Lors de la séance d'hier matin consacrée aux débats, deux intervenants ont remis ce dossier sur le tapis. « Nous demandons au ministère des Moudjahidine de poursuivre en justice tous les usurpateurs. Cela doit être sa mission. Nous ne nous tairons pas sur ce sujet », a soutenu l'un d'eux. Toutefois, le véritable tapage viendra de Mme Fella Hadj Mahfoudh, une ancienne condamnée à mort, qui a accusé Mmes Zhor Ounissi et Drifa Ben M'hidi d'être de fausses moudjahidat. Si la sœur de Ben M'hidi était absente, Mme Ounissi, elle, piquée au vif, a saisi le ministre des Moudjahidine. « Ou vous intervenez pour démentir ces accusations ou je le ferai moi-même », lui demandera-t-elle. M. Chérif Abbas demandera alors au secrétaire général par intérim de l'ONM de monter au pupitre afin de prendre la défense des deux mises en cause. « Le congrès n'est pas fait pour insulter les moudjahidine, dont le passé révolutionnaire ne souffre aucun doute. Fella s'est écarté de la courtoisie, de la discipline et du cadre organisationnel. Ces propos sont sans fondement », a répliqué M. Daâs sans pour autant clore l'incident. Revenant à la charge, Fella Hadj Mahfoudh se dresse devant le bureau du congrès en lançant un défi à ses membres : « Levez-vous et répondez-moi ! Si j'ai donné ma vie à l'Algérie, ce n'est pas pour que vous m'insultiez. Je persiste à dire que Zhor Ounissi et la sœur de Larbi Ben M'hidi ne sont pas des moudjahidat. » Les pensions coûtent à l'Etat 103 milliards de DA Aussi, elle a dénoncé le statut de supermoudjahid accordé à certains et la distribution d'enveloppes financières faramineuses, alors que d'autres moudjahidine vivent dans le dénuement. Interrogée, Mme Ounissi dira qu'il s'agit là d'une « pure jalousie » en raison de ses succès dans de nombreux domaines. « Fella Hadj Mahfoudh est une véritable moudjahida, mais elle est dérangée. Elle est jalouse de moi, surtout depuis mon passage sur la chaîne El Jazira. J'ai des documents qui attestent mon passé révolutionnaire », a-t-elle précisé. Cet incident a par ailleurs relancé le débat sur les privilèges accordés aux moudjahidine, étayé par le rapport de la commission des affaires économiques et sociales. Brossant un tableau sombre de la situation des moudjahidine, ce rapport a demandé que la pension des retraites passe de 25 000 DA à 80 000 DA. Ces pensions coûtent déjà quelque 103 milliards de dinars à l'Etat, soit un montant équivalent au budget consacré à l'habitat au titre de l'exercice 2004, alors que le budget du ministère des Moudjahidine arrive en troisième position, avant celui de la Santé. Dans une allocution de plus d'une heure, le rapporteur a dressé une liste interminable de revendications : remboursement des médicaments à hauteur de 100%, aides de l'Etat en faveur des moudjahidine dans le domaine de l'investissement agricole, octroi de crédits, prise en charge totale des frais du pèlerinage à La Mecque, logements, facilités dans l'importation de véhicules, notamment pour le côté devises, création de centres ou services hospitaliers réservés... En outre, le représentant de l'Organisation nationale des enfants de moudjahidine (ONEM) a exigé, dans un point d'ordre, que ces derniers bénéficient du statut d'ayants droit au même titre que les enfants de chouhada. « C'est pour l'héritage », commentera un moudjahid même si la proposition a été fortement applaudie. La commission histoire, culture et information a, de son côté, axé son rapport sur la nécessité d'écrire l'histoire. Lors de l'inauguration des travaux du 10e congrès, le président de la République a déclaré que la légitimité révolutionnaire dans l'écriture de l'histoire était révolue. Il a appelé à enlever toutes les tutelles sur le peuple algérien.