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Le casse-tête chinois des patients
Consultation médicale
Publié dans El Watan le 29 - 04 - 2007

Après les queues devant les administrations et les galeries, qui n'existent plus, le Sétifien s'est trouvé un nouveau sport : la chaîne dans les cabinets médicaux ; les centres de santé et les cliniques privées n'y échappent pas.
Les maladies et la bureaucratie font que ces lieux ne désemplissent pas. Tôt le matin, les divers centres et services hospitalo-universitaires sont pris d'assaut par des patients avides de médication, de bilans et de certificats de toutes espèces : d'existence, de bonne santé, de virginité,… Le patient en a pour son argent. Sans connaissances, il n'a aucune chance d'aboutir. Au minimum, la présence d'un agent de sécurité dans son carnet d'adresses est nécessaire pour faire un bilan au laboratoire central, une radiographie à la radiologie centrale, se faire consulter par un médecin spécialiste, et même se faire opérer pour telle ou telle pathologie. A l'hôpital, les blouses de toutes les couleurs sillonnent les différents recoins, mais personne n'est concerné par le misérable malade qui croupit dans les couloirs. « Un ami a eu un accident, il y a quelque temps, transporté à l'hôpital, il a dû patienter de 8 h à 11 h pour qu'on lui fasse une radio. Il a fallu déranger des personnes haut placées pour que les spécialistes viennent jeter un coup d'œil sur lui, et ils n'étaient pas du tout contents qu'on les ait dérangés », nous raconte Kamel. A l'hôpital, les gens en blouse sont soit accrochés à leur portable, soit au distributeur de boissons. Si vous en abordez un, il vous indiquera vaguement une direction quelconque. La patience est de rigueur. « Allez dans n'importe quel service pour une consultation en ophtalmo, ORL, pédiatrie, chirurgie, cardio… Vous devez vous présenter à 6-7 h, le plus souvent avant les employés du service, et l'attente commence. Si vous avez de la chance, les médecins arrivent à 9 h, et, bien sûr, les premiers à passer seront les connaissances », raconte Yacine, employé du secteur. « Pour le commun des mortels, il n' y a pas de réactifs au labo, il n'y a pas de films à la radio, il faut prendre rendez-vous pour le siècle prochain si c'est pour une consultation. Mais, si vous connaissez un employé de l'hôpital, rien ne vous sera refusé », dit ammi Allaoua, un vieil employé de la santé. La situation n'est guère plus reluisante du côté du privé. Certains cabinets renommés attirent une clientèle nombreuse, génératrice d'emplois : de nombreux parkings ont été créés aux alentours des cabinets, les pharmacies et les stations de clandestins foisonnent non loin. Cette clientèle est malmenée de la même façon que dans le secteur public. Il faut se lever très tôt et pointer aux aurores aux portes du cabinet. La notion de rendez-vous n'existe chez aucun des praticiens privés, les honoraires et les examens varient selon le médecin. Beaucoup de médecins travaillent jusqu'à une heure avancée du soir et parfois sans la moindre pause, ce qui fait dire à beaucoup de gens que le métier de médecin a perdu son honorabilité et qu'un registre de commerce est plus adapté à la profession. Hippocrate devrait aller se rhabiller et revoir son serment. « Mon médecin ne me voit même plus, il consulte mes analyses et mes bilans. Sa salle est pleine à tout moment et toute la sainte semaine », relate Amar, un vieux malade qui en a vu des vertes et des pas mûres avec toutes les maladies qu'il a. « Chaque fois que je vais chez un médecin, le tarif est différent. Les honoraires ne font que grimper, les examens sont de plus en plus nombreux et chers. Les médecins amortissent leurs appareils en augmentant les prix, et la sécurité sociale fonctionne avec les tarifs qui datent de Mathusalem. Personne ne se soucie du pigeon qui paie », s'insurgent de nombreux citoyens qui se sentent lésés par le silence complice des autorités en charge du contrôle et de la régulation du secteur privé. Les cliniques sont, quant à elles, les nouvelles machines à se faire du fric. Elles sont de plus en plus nombreuses à essayer de concurrencer le secteur public moribond depuis des lustres. On peut y trouver tout ce que l'on désire mais on doit payer le prix fort. Dans ces cliniques, les médecins du secteur public viennent arrondir leurs fins de mois, malgré la réglementation, et beaucoup de patients sont recrutés des hôpitaux et centres de santé. « Je suis allé consulter un chirurgien aux urgences de mon village, je me suis retrouvé opéré dans une clinique privée de Sétif et j'ai dû débourser plus de 40 000 DA pour une intervention sur les varices. Pour les contrôles, on m'envoyait au centre de santé du village », nous explique Ali un ouvrier du nord de la wilaya. « Ma femme était enceinte et comme elle était suivie par un gynécologue privé, elle a été orientée vers une clinique privée où elle a dû subir une césarienne pour quelque 50 000 DA », nous raconte Nacir, un jeune commerçant, qui enchaîne : « La césarienne est devenue systématique dans les cliniques privées. L'accouchement par voie basse est pourtant plus pratique. Non ? » Tout cela n'est qu'un aperçu superficiel du malaise que vit le secteur de la santé à Sétif. Entre le public et le privé vacille la santé du citoyen qui, finalement, est le seul à payer cher... le luxe de tomber malade.

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