Plus d'un million de turcs se sont rassemblés hier dimanche, selon Associated press, dans le centre d'Istanbul en Turquie pour réclamer la démission du gouvernement issu de la mouvance islamiste, accusé par l'armée de tolérer les activités de cercles islamistes radicaux. Cette manifestation d'ampleur contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, la deuxième en l'espace de deux semaines, initiative de 600 organisations non-gouvernementales, illustre le fossé grandissant entre laïcs et islamistes. Plus de 300 000 personnes s'étaient rassemblées le 14 avril à Ankara, la capitale, pour dénoncer la remise en cause des principes de laïcité en Turquie. « La Turquie est laïque et restera laïque », hurlaient hier les manifestants, venus en nombre de tout le pays. Des chants nationalistes ont également été repris par la foule, tandis que des appels à la démission du gouvernement étaient lancés et M. Erdogan était qualifié de « traître ». « Ce gouvernement est l'ennemi d'Atatürk » estimait Ahmet Yourdakoul, un fonctionnaire à la retraite âgé de 63 ans, en invoquant la mémoire de Mustafa Kemal Atatürk, le « père des Turcs », qui laïcisa l'Etat. « Ils veulent traîner la Turquie vers des âges sombres ». Le lieu de rassemblement dans le quartier de Caglayan avait pris l'apparence d'une mer rouge, des drapeaux turcs enveloppant des manifestants et ornant voitures, motos et bâtiments. Cette manifestation prévue depuis la semaine dernière, est intervenue au lendemain du rejet par le gouvernement de l'avertissement que lui a adressé l'armée à propos de l'élection présidentielle. Candidat du Parti de la justice et du développement de M. Erdogan, le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, a exclu dimanche tout retrait de l'élection, bien qu'il n'ait pas été élu vendredi par les parlementaires dès le premier tour. « Il est hors de question que je retire ma candidature », a-t-il dit à des journalistes. Selon lui, la Cour constitutionnelle, saisie par l'opposition quant à la validité du vote, « prendra la bonne décision » Il n'a pas commenté la réaction de l'armée qui, garante de la laïcité du pays, a laissé entendre qu'elle pourrait s'impliquer plus ouvertement dans le processus électoral. M. Gül est l'unique candidat à la présidentielle. Il a obtenu 357 voix au Parlement sur les 367 requises pour être élu au premier tour. Le rassemblement géant surveillé par 7 000 policiers sur la rive européenne de la première métropole turque devait prendre fin vers 13h GMT. Hier, la presse turque était unanime pour exhorter les deux parties à faire marche arrière afin de désamorcer la crise. « Ne réduisez pas en ruine ce pays », plaidait le quotidien populaire Aksam, appelant armée et gouvernement à trouver une solution démocratique à leur querelle, sinon « un grand danger attend la Turquie ». « Le laïcisme est, bien sûr, un des piliers de la société turque, mais la démocratie en est un aussi » écrivait pour sa part le quotidien à grand tirage Sabah, tandis le journal libéral Milliyet préconisait des élections législatives anticipées.