L'ambition européenne de la Turquie remonte à 1963 et ce n'est qu'en 1999 que le pays du républicain Kamel Atatürk obtient son statut de candidat à l'UE. Mais le mois dernier, c'est le coup de théâtre : le président de la commission européenne a refusé de fixer une date pour le début des négociations. La Turquie a changé. Elle est livrée, preds et poings liés, aux islamistes. Le même scénario aurait pu se dérouler déjà avant 1999 lorsqu'elle avait présenté officiellement sa candidature si l'armée n'avait pas contraint à la démission le premier gouvernement islamique, deux ans auparavant. Aujourd'hui, la Turquie retombe dans le même guêpier et l'Europe n'a pas manqué de manifester ses craintes. Elle a peur. Romano Prodi, le président de la Commission européenne, l'exprime parfaitement : “Nous ne pouvons donner aux gens l'impression que nous continuerons à nous étendre, nous étendre, nous étendre.” L'Italien, qui a relayé son homologue de la convention sur l'avenir de l'Europe, Valéry Giscard d'Estaing, ayant considéré l'appartenance de la Turquie à l'UE comme la fin de l'Union, évoque, en effet, un cercle d'amis avec lesquels les Quinze auront des relations privilégiées. La même option, à quelques exceptions près, les Pays-Bas et le Luxembourg, est quasi partagée par l'ensemble des membres de l'Union. La tournée européenne de Tayyip Erdogan, chef du parti turc au pouvoir et issu de la mouvance islamiste, qui s'est achevée avant-hier, pourrait alors s'avérer inutile. Les réformes qu'il a initiées et qu'il compte adopter avant le 8 décembre prochain et le sommet de Copenhague dont la tenue est prévue quatre jours plus tard, ne sont pas de nature à convaincre les Quinze de l'opportunité d'intégrer la Turquie dans les institutions européennes. Si le chef du Parti de la justice et du développement, une formation fondée l'année dernière par des dirigeants d'un mouvement islamiste dissous pour activités anti-laïques, fait des mains et des pieds pour plaire aux Européens, ce ne serait pas uniquement la question des droits de l'homme qui va fléchir la position de ces derniers. L'Europe ne serait pas prête à répondre par un oui à une demande d'adhésion porteuse de risques pour sa sécurité. S. R.