C'est une première sortie publique commune depuis des années : Hocine Aït Ahmed, président du FFS, Abdelhamid Mehri, ancien ambassadeur et ancien secrétaire général du FLN, et Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement et ancien candidat à l'élection présidentielle de 1999, animeront une conférence-débat sur le 50e anniversaire du 1er Novembre, date du déclenchement de la guerre de Libération nationale. Prévue dans la soirée du dimanche 31 octobre, cette conférence se tiendra à Alger. Le FFS, qui a annoncé la nouvelle hier, n'a pas précisé le lieu. Nous sommes à la recherche d'une salle à Alger », nous a indiqué Ali Laskri, premier secrétaire du FFS. Il n'est pas inutile de rappeler qu'en vertu de l'état d'urgence, maintenu dans le pays depuis 1992, les réunions publiques sont sujettes à autorisation administrative. Obligé, pour des raisons de santé à abandonner la course à la présidentielle de 1999 et à quitter le pays, Hocine Aït Ahmed, 78 ans, chef de l'Organisation spéciale (OS), qui a été chargée secrètement de préparer la Révolution, marque un retour dans le pays à travers cette conférence. « Aït Ahmed et Mehri ont été des acteurs du mouvement de libération. Il est naturel qu'ils apportent leur témoignage et expliquent leurs actions. », indique Laskri. Faut-il s'attendre à des révélations historiques ? « Je ne peux rien avancer sur ce qui sera dit. L'essentiel est qu'une évaluation sera faite depuis 1954. Chacun des intervenants apportera son analyse et établira son bilan des actions et des mutations politiques et sociales dans le pays depuis cette date », indique encore le premier secrétaire du FFS. Aït Ahmed, Mehri et Hamrouche, selon les termes d'un communiqué de ce parti, livreront leur témoignage loin de la complaisance autant que des réquisitoires « convenus des pratiques politiques dévoyées ». Le FFS rappelle dans son communiqué ceci : « Il y a cinquante ans, l'appel du 1er Novembre s'adressait en ces termes au peuple algérien : ‘'A vous qui êtes appelés à nous juger...''. » A partir du Caire, Hocine Aït Ahmed dirige, avec Ahmed Ben Bella et Mohamed Khider, les services d'information et de propagande du FLN. Arrêté en 1956 après le détournement d'un avion transportant des chefs du FLN, Aït Ahmed purge sept ans de prison. Après l'indépendance, il est condamné à mort après avoir été ministre d'Etat au sein du Gouvernement provisoire (GPRA) et élu à l'Assemblée constituante. « Qu'est-ce que cet ordre révolutionnaire au nom duquel se commettent les inégalités, les infractions à la loi, les violations de la Constitution, les atteintes aux droits de l'homme et les actes arbitraires qui traduisent le mépris du Pouvoir pour les libertés individuelles et collectives les plus essentielles ? Pour répondre à cette question, il importe d'analyser les caractéristiques de la bureaucratie algérienne qui, en confisquant le ‘'pouvoir démocratique et populaire'', a instauré le règne de l'absurde, de l'arbitraire et de l'humiliation de l'homme par l'homme », déclare-t-il à la cour de sûreté de l'Etat en 1964. II s'évade de la prison d'El Harrach en 1966. Militant du PPA-MTLD, Abdelhamid Mehri, 78 ans, est arrêté par la police coloniale en 1954 avant d'être relâché une année plus tard. Il rejoint Le Caire. A Damas, il est représentant permanent de la Révolution. En 1956, il est désigné par le congrès de La Soummam membre suppléant du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA). En 1957, il devient membre du comité de coordination et d'exécution (CCE) avant d'entrer au GPRA sous Ferhat Abbas comme ministre des Affaires maghrébines. « La proclamation du GPRA est une décision politique. Elle est, de mon point de vue, très importante. C'était la forme acceptable et concrète du préalable d'indépendance », explique Mehri dans un récent entretien à El Watan. Il reconnaît que le FLN a connu une déviation « qui continue » à ce jour et souligne que « l'histoire officielle » a occulté beaucoup de vérité sur la crise entre le GPRA et l'état-major. « La carte politique de la société algérienne n'a pas changé fondamentalement par rapport à ce qu'elle était au début de la crise. Cette réalité a été exprimée par de nombreux responsables politiques et certains responsables de l'armée. Les multiples élections organisées au cours des dernières années dégageaient une carte politique conforme aux vœux du Pouvoir sans refléter l'image de la société, ni exprimer ses mouvements profonds. La gestion des affaires de l'Etat et du pays sur la base de cette carte a mené, dans de nombreux cas, à des erreurs qui auraient pu être évitées », écrit Mehri dans un mémorandum adressé au président Abdelaziz Bouteflika en mars 2004. Contacté, Mouloud Hamrouche, sans trop de détails, indique que la conférence sera l'occasion d'évaluer les succès et les échecs depuis l'indépendance du pays. « Il s'agit d'itinéraires différents et de générations différentes qui vont s'exprimer sur l'anniversaire du 1er Novembre », déclare-t-il. Interrogé sur l'invitation de Mouloud Hamrouche, qui fait partie de la génération de l'indépendance, Ali Laskri dira que l'ancien chef de gouvernement est « un homme politique crédible qui a son mot à dire ». La dernière sortie publique de Mouloud Hamrouche remonte à février 2004, date à laquelle il avait annoncé sa volonté de ne pas être candidat à l'élection présidentielle. « Mon expérience d'une ouverture démocratique contrecarrée hier, plus que jamais nécessaire aujourd'hui, m'autorise à avancer que la présidentielle prochaine ne peut être porteuse d'alternative ni annonciatrice d'issue. Elle est pilotée par les mêmes mécanismes enracinés de la fraude et les mêmes dispositifs politiques de la tromperie », avait-il écrit dans une déclaration politique.