Nicolas Sarkozy, 52 ans, est depuis hier 20h le sixième chef de l'Etat français de la Ve République pour un mandat de cinq ans. Elu avec 53% des voix, le candidat de l'UMP a rompu hier avec l'ère Chirac et tourné une page de la vie politique française. Paris. De notre bureau Par leurs votes, ceux des électeurs qui ont porté le candidat de l'UMP à la victoire ont fait le choix d'une France nettement marquée à droite, une droite « dure », sans complexe, portant haut le modèle du libéralisme économique. « Travailler plus pour gagner plus », « réhabiliter le travail », répondre à la « crise morale du pays », propose Nicolas Sarkozy. « Je veux résoudre la crise morale française, elle porte un nom, c'est la crise du travail. Je ne crois pas à l'assistanat, je ne crois pas au nivellement, je ne crois pas à l'égalitarisme, je crois au mérite, à l'effort, à la récompense, à la promotion sociale et plus que tout au travail », ajoute Nicolas Sarkozy. Je vous le dis avec franchise : la France ne peut pas continuer à en faire toujours plus pour ceux qui fraudent, abusent, ne veulent pas travailler, et toujours moins pour ceux qui travaillent, font des efforts, respectent les principes essentiels d'une vie en société. » L'ex-ministre de l'Intérieur a bâti sa campagne sur les valeurs (le travail, l'autorité, le mérite) et la nécessité de la « rupture ». Il affirme qu'il veut « éradiquer » l'héritage de Mai 1968 et la pensée unique tout en se positionnant en « candidat du peuple ». Dans les colonnes du Figaro du 18 avril, le candidat de l'UMP soutient que « le vrai sujet de cette présidentielle, ce sont les valeurs », affirmant qu'il ne mène pas « un combat politique, mais un combat idéologique ». Récusant l'idée d'une « droitisation » de l'électorat, il maintient qu'il parle « d'identité nationale parce qu'il pense que les gens ont besoin de repères ». Depuis son investiture par le congrès de l'UMP le 14 janvier, porte de Versailles, Nicolas Sarkozy était en tête dans tous les sondages. Les dernières enquêtes lui accordant de 53% à 55% des intentions de vote. La passation de pouvoirs avec le président sortant Jacques Chirac se fera au plus tard le 16 mai, dernier jour du mandat de M. Chirac. Aussitôt après celle-ci, Dominique de Villepin devrait présenter la démission de son gouvernement au président élu, qui nommera dès lors un nouveau Premier ministre. Le nouveau gouvernement devrait être composé de quinze ministres de plein exercice. Il n'y aura pas de ministres délégués, mais une dizaine de secrétaires d'Etat. Le nom de François Fillon comme Premier ministre revient avec insistance, mais celui de Jean-Louis Borloo n'est pas en reste. Des ministres UDF seraient nommés, mais aussi des personnalités de gauche. Nicolas Sarkozy a promis de faire chaque année un bilan d'étape devant le Parlement. Il tiendra une conférence de presse trimestrielle. Le programme des cent premiers jours est déjà ficelé. Des projets de lois sont déjà rédigés. Ainsi au cours de l'été, le Parlement examinera les peines planchers pour les multirécidivistes et le projet de durcissement des sanctions pour les mineurs récidivistes, qui seront jugés comme des adultes. Cet été également, des mesures fiscales devront être mises en œuvre : détaxation des heures supplémentaires, suppression des droits de succession en matière d'héritage. Au plan international « l'un des mes tout premiers voyages sera pour l'Afrique », avait-il déclaré au Parisien dans une interview publiée samedi sur le site web du journal. « L'une de mes grandes ambitions sera l'Union méditerranéenne », avait-il assuré. Avec l'Algérie « construire l'avenir sans repentance » Concernant les relations franco-algériennes, Nicolas Sarkozy se montre d'un pragmatisme non dénué de cynisme. S'il écarte la signature d'un pacte d'amitié, arguant que l'amitié n'a pas besoin d'être actée, le candidat de l'UMP veut donner la priorité à la coopération économique. Nicolas Sarkozy imagine même un partenariat avec l'Algérie en matière de nucléaire civil, « en échange d'un partenariat sur l'exportation des champs gaziers ». Dans sa lettre du 16 avril au président du Comité de liaison des associations de rapatriés, harkis et pieds-noirs, il écrivait : « Nous devons aujourd'hui construire ensemble l'avenir, sans repentance, sans réécrire notre histoire avec l'Algérie. » « Il nous faut donc favoriser le développement économique des pays d'Afrique du Nord, tout en défendant nos propres intérêts. Je ne suis pas favorable à un traité d'amitié avec l'Algérie. Mais je tiens à l'amitié franco-algérienne. Les actes comptent plus que les mots. L'Algérie a d'immenses ressources énergétiques. La France maîtrise les technologies de l'électricité nucléaire. Nous devons trouver là les bases d'une coopération équitable. Il s'agit d'aller avec nos partenaires européens vers une véritable Union méditerranéenne où seront progressivement traités non seulement les questions économiques et commerciales, mais aussi la circulation de personnes, la lutte contre le terrorisme, la protection des libertés, l'entretien des cimetières », écrit-il encore aux associations de rapatriés et de harkis. Dans un entretien au Monde (édition de jeudi dernier), le chef du gouvernement algérien, Abdelaziz Belkhadem, a rappelé que « la colonisation a été abominable. On ne peut pas se contenter de gestes symboliques pour la condamner. Il faut que ce soit écrit noir sur blanc. Parce qu'un écrit reste ». Nicolas Sarkozy a réussi à se hisser au plus haut sommet de l'Etat français, il devra réussir à être le président de tous les Français, quelle que soit leur origine ethnique, culturelle, géographique, soit d'une France plurielle, d'une France républicaine forte des principes et valeurs qui la fondent, d'une France fraternelle, accueillante et juste pour tous, Français ou pas. C'est un autre challenge à remporter.