Aujourd'hui le président élu français, Nicolas Sarkozy, prend officiellement ses fonctions. La France change aujourd'hui de tête au Palais de l'Elysée où va s'installer pour cinq années, le «jeune» Nicolas Sarkozy, 52 ans, qui succède au septuagénaire président sortant, Jacques Chirac, 74 ans, (un vétéran aux 40 ans passés dans divers postes politiques français). La passation de pouvoir, ce matin entre MM.Chirac et Sarkozy, est également une transmission de pouvoir à la jeune génération française issue de l'après-guerre d'Algérie (Sarkozy n'avait que sept ans en juillet 1962). Et évidemment, M.Sarkozy, qui promet de «changer en profondeur» la France, vient avec des idées nouvelles, parfois aux antipodes de ce qu'ont défendes jusqu'ici les pouvoirs politiques français, qu'ils soient de la droite traditionnelle, ou de la gauche socialiste qui ont géré la Ve République. En fait, Nicolas Sarkozy, qui professe des idées ultralibérales veut engager la France dans un libéralisme effréné à l'américaine, donne l'impression de vouloir faire table rase des idéaux qui ont été le soubassement de la Ve République fondée par Charles de Gaulle. C'est la page de l'histoire qui a fait la France ces quatre dernières décennies que Nicolas Sarkozy veut ainsi tourner. Se prévalant de sa confortable élection à la magistrature suprême de la France (53% des voix contre 47% à Mme Royal), le nouveau président français estime que les Français lui ont donné, en quelque sorte, un blanc-seing pour mener la politique qu'il a défendue tout au long de la campagne présidentielle. Aussi, aujourd'hui, c'est le grand jour pour le président élu qui, accueilli sur le perron de l'Elysée par Jacques Chirac, recevra officiellement de son prédécesseur, les «clés» de l'Elysée, et se verra surtout transmettre le code de l'arme nucléaire, symbole du pouvoir en France. M.Chirac qui redevient simple citoyen à l'issue de cette cérémonie, quittera définitivement l'Elysée après y avoir résidé durant 12 années fermant, par la même occasion, un long cycle de sa carrière politique. Notons que M.Chirac devait faire, hier, ses adieux aux Français dans une allocution radiotélévisée à 20 heures locales (18 heures GMT). Sur le plan protocolaire, juste après son investiture dans sa nouvelle fonction de président de la Ve République, Nicolas Sarkozy s'adressera aux Français dans sa première allocution de président. Une salve de 21 coups de canon saluera le nouveau chef de l'Etat français qui sera le 23e de la France depuis 1848. Le nouveau président français fera dans l'après-midi d'aujourd'hui une courte escapade à Berlin où il aura un entretien en tête-à-tête avec la chancelière allemande Angela Merkel, présidente en exercice de l'Union européenne. Ce sera là un geste fort de la part du nouveau président français, M.Sarkozy, qui confirme ainsi son «attachement» à l'Europe, comme il a annoncé «le retour de la France en Europe», après le retentissant «non» français à la Constitution européenne lors d'un référendum en 2005. Un «non» qui a eu pour effet de bloquer la construction de l'Union européenne. Mais c'est sur le plan de la politique intérieure que sera attendu Nicolas Sarkozy avec la nomination probable de François Fillon (ancien ministre de l'Education) à Matignon, comme chef du gouvernement. Considéré comme très proche de M.Sarkozy, et surtout son alter ego, François Fillon est calme et pondéré alors que Nicolas Sarkozy est plutôt connu pour ses colères. L'annonce de la nomination de M.Fillon au Premier ministère se fera sans doute demain, selon les observateurs de la scène politique française. L'autre innovation serait l'inclusion de personnalités extra-muros dans le nouveau gouvernement de la présidence Sarkozy. Ainsi, il semblerait que l'ancien ministre socialiste, Bernard Kouchner, pressenti pour prendre la tête de la diplomatie française, tiendrait la corde, encore qu'il reste à voir comment M.Kouchner va concilier une «coopération» avec le gouvernement de Sarkozy avec la proximité des législatives françaises, prévues les 10 et 17 juin prochain. Or, celles-ci seront déterminantes autant pour les socialistes qui aspirent à prendre la majorité au palais Bourbon (siège de l'Assemblée nationale), programme qui est également celui de l'UMP (dont M.Sarkozy a quitté lundi la présidence) en vue d'assurer au nouveau président, la marge de sécurité nécessaire qui lui évitera d'avoir recours à la cohabitation avec un autre courant politique. En approchant certaines personnalités socialistes de même que centristes -pour les intégrer dans son gouvernement- outre de brasser large, Nicolas Sorkozy veut ainsi concrétiser l'une de ses promesses «d'ouverture» comme celle d'être le président de «tous les Français». Au plan social et économique, M.Sarkozy qui veut «rompre avec les idées, les habitudes et les comportements du passé», aura du pain sur la planche, d'autant plus que son projet «ultralibéral» risque de se heurter à une opposition musclée de la gauche et surtout des syndicats. Aussi, et dans l'optique de prendre date, Nicolas Sarkozy devait, dans des rencontres informelles, «tâté» le pouls des syndicats en recevant hier les dirigeants des cinq grands syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) auxquels il devrait, selon l'entourage du nouveau président, proposer «quatre conférences sociales» en septembre. Prenant acte de la volonté de M.Sarkozy de dialoguer, les syndicats ne s'en inquiètent pas moins de la propension du nouvel hôte de l'Elysée à privilégier le patronat en étant plus à son écoute. Mais il faudra sans doute attendre la formation du nouveau gouvernement et les grandes orientations que seront celles du président élu pour vraiment avoir une idée de ce que sera la France de Sarkozy dans les prochains mois.