Le manque à gagner du Trésor public, généré par la fraude relative aux pratiques commerciales et aux marchés informels, est en constante baisse. Il a atteint les 3,2 milliards de dinars au 30 septembre 2004 alors qu'il avoisinait une moyenne de 6 milliards de dinars à la fin des années 1990 jusqu'à 2003. Selon des cadres des services du commerce, ce résultat ne serait pas le fruit d'une amélioration dans le contrôle, mais ce serait grâce à la corruption et le jeu des influences. « La situation empire d'année en année. Elle devient de plus en plus difficile à maîtriser et pourrait devenir pratiquement intenable avec l'adhésion de notre pays à l'OMC », ont affirmé plusieurs d'entre eux. Ils faisaient ainsi allusion aux pratiques appliquées par la majorité des commerçants, notamment les importateurs. Pour habiller leurs activités d'une manière légale et éviter tout problème avec les contrôleurs, les importateurs pratiquent la double comptabilité. Un trompe-l'œil comportant de faux chiffres d'affaires, l'autre réel leur permettant de suivre de près le mouvement de leurs fonds. « La quasi-totalité des sociétés d'import/export tiennent des comptabilités parallèles. Le taux d'imposition élevé appliqué dans notre pays pousse ces opérateurs à déclarer de faux chiffres d'affaires », ont estimé nos interlocuteurs. Cette pratique aurait été prévue dans les dispositions de la loi n° 04.02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales. C'est en tous les cas l'interprétation que plusieurs fonctionnaires ont accordée à l'article 33 de cette loi qui stipule : « Une amende pour tout défaut de facturation de l'ordre de 80 % du montant qui aurait dû être facturé entraîne la fermeture du local commercial et la confiscation des produits objets de cette infraction. » Des membres de la brigade mixte de contrôle ont cité d'autres exemples, tel celui ayant trait à ce qu'ils estiment être la puissance des tenants du marché informel face aux institutions de l'Etat, largement en perte de vitesse en matière de pouvoir de régulation. « A travers son système fiscal et judiciaire actuel, l'Etat, encourage la corruption. Le simple fait de mettre face à face au niveau du port un gros importateur à dizaine de milliards et un contrôleur percevant un salaire dépassant rarement les 11 000 DA est révélateur de l'inégalité du combat », argumentent nos interlocuteurs interrogés au moment où ils s'apprêtaient à entamer une opération de contrôle à quai. Cette corruption est également mise en relief avec la présence de 455 importateurs dans la région sous la compétence des services de l'Inspection régionale des enquêtes économiques et de la répression des fraudes (IREERF) de Annaba. Malgré les nombreuses actions et opérations de recherche, ces 455 importateurs demeurent du domaine du virtuel car impossible à localiser. Ils agissent sous des prête-noms, avec de faux registres du commerce ou avec de fausses adresses commerciales. Pour des économistes dont des cadres des directions des impôts, douanes et IREERF, cette situation pourrait être mieux maîtrisée avec l'application de trois mesures : allégements fiscaux sur la base de taux non pénalisants. Sanctions beaucoup plus sévères contre tout auteur d'infraction. Révision de la situation professionnelle des agents de contrôle avec pour perspective leur protection de toute tentation de corruption. « Avec ces trois mesures, l'état de confusion, d'anarchie, de corruption et de laisser-aller cédera progressivement sa place à la transparence et à une information économique fiable », ont-ils précisé. En attendant, les brigades de contrôle de l'IREERF ont multiplié leurs sorties durant l'année 2004 où, jusqu'au 30 septembre, ils ont ciblé plus de 100 000 commerçants de la région. Des 16 561 interventions effectuées, il ressort que l'équivalent de 3,2 milliards de dinars en fraude a été enregistré pour 5649 infractions ayant donné lieu à l'établissement de 5309 procès-verbaux et 833 décisions de fermeture de locaux. Durant la même période, 5301 dossiers ont été transmis à la justice. Parallèlement aux sorties en 2004 des brigades mixtes et agents de contrôle des services de l'IREERF, les services de sécurité étaient également sur le pied de guerre dans la lutte contre le marché informel. Ils sont à l'origine des 925 dossiers présentés à la justice. De ces dossiers, 115 portent sur des fraudes d'un montant variant entre 1 million et 467 millions de dinars. « Dans certaines wilayas du pays, la justice a pris conscience de l'ampleur de ces pratiques illégales qui compromettent l'économie nationale et dont est victime le Trésor public. Il y a quelques années, l'amende prononcée pour un dossier de fraude de 1 à 2 milliards de dinars dépassait rarement les 5000 dinars surtout au niveau des tribunaux des wilayas de Skikda et Tébessa. Aujourd'hui, les amendes prononcées sont dissuasives. Ce qui n'est pas le cas dans certains tribunaux où les magistrats sont en total déphasage avec le préjudice commis au Trésor public », a précisé un inspecteur des services de contrôle du commerce. Tébessa, Guelma, Oum El Bouaghi, Annaba et Khenchela sont les wilayas les plus touchées par les pratiques fraudeuses de grande envergure. Jusqu'au 30 septembre 2004, de nombreuses amendes de 100 000 à 1 million de dinars ont été infligées à des commerçants auteurs d'infractions alors que 21 d'entre eux sont poursuivis pour des affaires liées à la fraude dans le commerce extérieur.