Le Festival de Cannes arrive après la longue bataille électorale en France. Cannes a voté massivement Sarkozy mais n'a pas, de ce fait, flambé comme d'autres villes de France. La transition se fait sans heurts. Les producteurs américains ont rejoint leurs yachts amarrés dans la baie. C'est clair pour eux : il n'y a pas que le nouveau chef d'Etat français qui vive à l'ombre des milliardaires. Dans le monde du cinéma, le look super-riche est aussi de rigueur. Pour briser la paix de ces gros marchands de pellicules dans leur offensive, au cours de ce 60e Festival de Cannes, il y a le célèbre acteur George Clooney et son vaste programme pour... le Darfour ! Chacun de ses amis a même dans ses bagages sur la Croisette des slogans, des affiches pour la nouvelle cause qu'il défend. Son but politique et accessoirement cinématographique (un projet de film peut-être, comme celui sur le trafic de diamants en Afrique), c'est de toucher au plus près les producteurs sur la tragédie soudanaise. Michael Moore aussi a pris l'avion à New York pour débarquer ici avec son nouveau documentaire, un pamphlet (Sicko) sur le problème de la santé, des hôpitaux, de la sécurité sociale en Amérique. Lui aussi veut empêcher les producteurs hollywoodiens de dormir tranquilles. Moore est toujours en révolte contre la classe possédante au pouvoir. Il a connu un grand jour ici même en mai 2004 quand son fameux Fahrenheit 9/11 a décroché la Palme d'or. Sicko devrait être un événement dans les prochains jours à Cannes. Alors que Washington fait un silence complet sur les dernières tueries dans un campus de Virginie, on se souvient que Michael Moore a, depuis des années, dans ses films donné l'alarme sur la vente libre des armes. Alors qu'il déballe un nouveau dossier chaud (la santé publique), la presse américaine ne lui fait pas de cadeau. Pas d'échos ou presque sur son travail. On préfère les playmates et les top models branchés. On comprend pourquoi : c'est ça qui s'arrache dans les kiosques. Sur ce terrain médiatique aussi, on préfère de loin les cinéastes peu engagés politiquement. Comme Tarantino et les frères Coen, en compétition à Cannes, qui rivalisent dans leurs œuvres sur un sujet unique : la violence, les carnages, les massacres. Sans surprise, ce sont eux qui vont provoquer la jubilation des critiques occidentaux. Cela dit, le bruit et la fureur des bobines qui défilent et s'enchaînent vont nous occuper des heures et des jours à regarder. En attendant l'heure de la palme, l'heure du jugement dernier.