A la veille de tous les rendez-vous électoraux qu'a eu à vivre le pays, l'abstention se présente comme un spectre qui inquiète les pouvoirs publics, soucieux, cette fois-ci aussi, de comptabiliser les meilleures statistiques qui puissent crédibiliser au mieux les élections. Les pouvoirs publics entendent effacer la « contre-performance » des dernières législatives de mai 2002 où l'on a enregistré le plus faible taux de participation de l'histoire de l'Algérie post-indépendance avec un maigre 46,09%, soit un recul de plus de 19 points par rapport aux législatives de 1997. Abstentionniste ou boycotteur, l'électorat kabyle a de tout temps constitué l'élément tempérant de la pratique électorale. Près d'un million et demi d'électeurs, entre Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, sont convoqués, comme 17 millions d'autres électeurs sur le territoire national, pour le scrutin législatif d'aujourd'hui. Quel taux de participation est en mesure de livrer la Kabylie ? En mai 2002, à peine 1,84% des électeurs ont voté dans la wilaya de Tizi Ouzou et 2,62% à Béjaïa, dans un scrutin boycotté par les principaux partis à ancrage plus ou moins important dans la région, mais surtout rejeté par le mouvement des archs, soit les plus faibles taux dans le pays qui ont tiré, comme jamais, vers le bas le taux national. Il est vrai que la conjoncture particulière dominée par la crise de Kabylie était pour beaucoup dans la faible participation d'alors, où la région était encore assise sur une poudrière et où l'on a même déploré un mort dans la wilaya de Béjaïa. Le scrutin d'aujourd'hui se présente avec une tout autre politique, loin du mot d'ordre de boycott de 2002 que seul le FFS a décidé de reconduire cette fois-ci. Les archs ont leurs candidats, le RCD, qui n'exclut pas de réintégrer le gouvernement qu'il a quitté au plus fort de la crise de Kabylie, est en lice, autant qu'une soixantaine d'autres listes en course pour les 33 sièges réservés à la région à la chambre basse. Bien que manifestement optimistes, les discours servis à l'occasion de la campagne électorale ont trahi quand même un sentiment d'appréhension face à la grande inconnue que demeure l'électorat national en général, en Kabyle en particulier. Certains chefs de parti le disent sans ambages, à l'image de Chawki Salhi (PST) qui ne se fait aucune illusion quant à une forte participation. D'autres se gardent de le dire et préfèrent rebondir sur les déclarations des partis de la majorité présidentielle qui ont affiché, chacun de son côté, leurs ambitions d'accaparer un certain pourcentage de sièges qui ne laisse aucune place à leurs concurrents. Les chefs du RCD, PT, UDR… y ont vu un encouragement de l'électorat « démocrate » « à ne pas aller voter ». Tous ont répliqué, à l'adresse des électeurs kabyles notamment, qu'« il est important d'aller aux urnes le 17 mai ». L'ombre de l'abstention a plané sur la multitude de meetings qu'ont eu à animer les candidats, y compris des chefs de parti, en l'absence des foules des grands jours. C'est le constat fait dans la wilaya de Béjaïa, du moins où la dernière consultation électorale, le référendum pour la paix et la réconciliation nationale du 29 septembre 2005, n'a pas mobilisé plus de 11,53.