La campagne électorale pour l'élection présidentielle d'avril prochain s'ouvre aujourd'hui avec l'entrée en lice des six candidats retenus par le Conseil constitutionnel, dont le président sortant Abdelaziz Bouteflika, qui brigue un troisième mandat. Ce scrutin, à l'image des précédents, se déroule sur fond de contestation pour les uns et dans un climat d'euphorie pour les autres. La particularité de ce nouveau rendez-vous électoral est que l'enjeu n'est pas tant qui sortira vainqueur au soir de l'élection mais si les électeurs iront voter en masse, comme le prédit le pouvoir et ses différents relais dans la classe politique et la société civile. Ou bien si les craintes de l'abstention exprimées par l'opposition se confirmeront sur le terrain et dans quelles proportions. Le forcing fait sur l'électorat par l'Exécutif, les partis de l'Alliance présidentielle et toutes les organisations qui ont exprimé leur soutien à la candidature de Bouteflika pour se rendre en masse aux urnes n'a pas connu son pareil dans la vie électorale du pays de ces dernières années. Un signe qui ne trompe pas que le doute est bel et bien installé dans les sphères du pouvoir sur cette grande inconnue – la participation électorale – qui taraude les esprits des décideurs. Cela, en dépit des déclarations faussement empreintes de sérénité de certains responsables qui tentent de faire croire que « ce n'est pas un complexe » pour les pouvoirs publics. Les différents candidats qui ont accepté de s'impliquer dans ce scrutin, à leur tête le candidat-président Abdelaziz Bouteflika, vont tenter de se surpasser au contact de la population en brandissant deux étendards. Dans une main celui de leurs candidatures respectives et dans l'autre un discours de circonstance de pédagogie électorale appelant les citoyens à aller voter. Les cinq candidats qui affronteront le président sortant savent qu'ils n'ont ni les moyens ni les relais ou les soutiens des cercles du pouvoir pour rivaliser avec Bouteflika en termes de mobilisation populaire lors des meetings de campagne électorale. Pour sauver les apparences et tenter de crédibiliser le prochain scrutin, il ne fera aucun doute que les autres candidats ne manqueront pas de recevoir un précieux coup de pouce des préposés de l'ombre à l'organisation des meetings pour remplir les salles qui accueilleront ces candidats ou leurs représentants. Pour inciter les citoyens à aller voter et contrecarrer les milieux des boycotteurs qui ont tenté de mobiliser l'opinion contre ce scrutin, en s'appuyant sur l'argument selon lequel le scrutin est joué d'avance et que ce scrutin n'est rien d'autre qu'une parodie électorale, le pouvoir multiplie les professions de foi et les garanties de nature selon lui à permettre au prochain scrutin de se dérouler dans la transparence et le respect de la loi. Comme cette disposition légale prise pour la première fois dans le cadre d'une consultation électorale et visant à pénaliser les actes de fraude et de violation des lois et textes réglementaires régissant l'organisation du scrutin, passibles de peines sévères, y compris d'emprisonnement. Dans le même esprit, un geste vient d'être fait également en direction des partis de l'opposition conviés à siéger au sein des commissions de surveillance du scrutin. Tout comme il leur est signifié qu'ils peuvent mener publiquement campagne contre le boycott du scrutin, alors que ces partis s'étaient préparés à ce que leurs activités soient frappées d'interdiction et se sont certainement organisés en conséquence. Dans un pays où tout ce qui vient du pouvoir est frappé de suspicion, le plus souvent à raison qu'à tort, ces nouvelles mesures introduites dans le dispositif électoral, bien que révolutionnaires dans leur essence, ne sont pas moins vidées de leur substance dans le fond tellement elles apparaissent déconnectées des véritables réalités politiques du pays. Les mauvaises langues disent que si Bouteflika n'était pas assuré de gagner cette élection, il n'aurait pas accepté de faire la moindre concession à ses concurrents. La légitimité d'un scrutin ne se mesure pas seulement à l'aune du respect des règles de la compétition électorale lors de la campagne électorale et de la transparence du scrutin le jour du vote. Les conditions politiques qui président à l'organisation d'un scrutin aussi important que l'élection présidentielle sont déterminantes et à la base de tout processus électoral qui se veut transparent et démocratique.