Accablé par le navet américain No country for old men, des frères Cohen (la sélection a eu sans doute un moment d'égarement en prenant ce film en compétition ou bien est-ce le diktat de la compagnie Miramax qui l'a produit ?), il nous fallait vite rattraper tout cela. C'est chose faite : à la section officielle Un Certain Regard, voici un film dont on sort quelque peu ébloui et que la salle archicomble du Debussy a longuement applaudi. Il s'agit du long documentaire de Barbet Schroeder : L'avocat de la terreur, consacré à Me Jacques Vergès. C'est toute l'histoire de cet avocat, hors du commun, qui est filmé ici avec beaucoup de témoignages sur les causes qu'il a défendues, l'idole, l'héroïne de ce film n'est pas en réalité Jacques Vergès, mais Djamila Bouhired, cette héroïne peu banale de la révolution algérienne dont le réalisateur du film montre des documents extraordinaires, extraits d'archives d'actualité, qui prouvent à quel niveau fantastique son combat, sa cause ont suscité une solidarité et des manifestations populaires dans le monde entier. En ce qui concerne la carrière parfois surprenante de Vergès (notamment le fait de sa disparition sans laisser de traces pendant huit longues années), le film apporte de précieux témoignages d'Alger et d'ailleurs : de Yacef Saâdi, de Bachir Boumaza, de Zohra Drif, de Miloud Brahimi et beaucoup d'autres acteurs de l'histoire contemporaine. Le fameux dessinateur Siné raconte aussi en détail quelques faits rocambolesques de son ami Vergès. Mais, c'est surtout cet avocat, inépuisable fumeur de gros cigares, qui parle dans ce film. Il raconte son enfance à la Réunion, sa formation politique, sa vie à Alger. Pour une fois, les témoignages, les discours ne sonnent pas creux dans ce documentaire. Vergès ne refuse pas de parler de certain sujets (Pol-Pot, Barbie, Bush…) mais reste vague sur l'épisode de sa disparition et des millions qu'il aurait rapportés de chez Tchombé, l'assassin de Patrice Lumumba. Il y a un côté assez jubilatoire dans ce film : c'est l'extraordinaire humour de Me Vergès. Plus d'une fois, la salle éclate de rire ou applaudit bruyamment quand il raconte certaines choses ou décrit certains personnages. Néanmoins, le célèbre avocat se défend très bien, même quand à Paris on lui a collé cette sombre histoire d'avoir été dans la bande de Carlos… L'avocat de la terreur est un film vif et passionnant. Beaucoup dans la salle ont eu les larmes aux yeux, quand a surgi sur l'écran le regard lumineux de Djamila.