Lors de la compétition, on a vu des œuvres irrésistibles mais aussi comme toujours d'autres dont on avait l'étrange impression qu'elles n'étaient pas à leurs places. Quelques poids lourds pourraient figurer dans la liste des prix : My Blueberry Night de Wong Kan-Wain, Izgnanie de Andrei Zviagintov, Paranoïd Park de Gus Van Saint, Alexandra de Alexandre Sokourov, The Man from London de Bela Tar. On ne parie pas sur les grosses machines américaines (Finder, Coen, Tarentino). On parie sur l'œuvre remarquable du Turc-Allemand Fatih Akin, De l'autre côté. Mais, peut-être, arrivé en dernier sur les écrans du Festival, le film d'Emir Kusturica, Promets-moi, va créer la surprise. La plus prestigieuse manifestation cinématographique, organisée chaque année comme une institution, faisant des envieux à travers le monde (voir l'énergie infatigable du service de presse qui gère 4000 envoyés spéciaux du monde entier) qui se termine, aura été un show impressionnant, un spectacle grandiose sur le tapis rouge et partout dans la ville où il y a un écran de cinéma. Parmi les dernières œuvres du programme officiel, Alexandra du Russe Alexandre Sokourov, où le cinéaste témoigne de la situation en Tchétchénie. Sujet courageux pour un cinéaste russe qui s'interroge, à travers le regard d'une vieille dame (la cantatrice Galena Vichnoskaya, veuve du grand musicien Rostropovitch, disparu récemment) qui va rendre visite à son petit-fils, officier dans un camp militaire, sur la nature de l'intervention russe, sur les dommages collatéraux très graves commis par Moscou. C'est une œuvre empreinte d'une grande générosité et d'amitié envers le petit peuple de Thétchénie : Alexandre Sokourov, avec un talent incroyable, montre comment les jeunes soldats, venus du lointain Caucase, sont très tourmentés par le conflit qui s'éternise. L'Homme de Londres, adapté de Simenon par le Hongrois Bela Tur, filmé en noir et blanc, dégage aussi une émotion intense. Sobre et claustrophobique, cette œuvre, qui explore les rouages esthétiques les plus brillants (il faut voir le travail magnifique sur la photo), revient sur les traces de ce cas déjà fait par Bela Tar, notamment son grand film, Satan Tango. Très admiré à Cannes aussi, le film de Fatih Akin, avec Hanna Shygulla, l'actrice phare de l'œuvre de Fassbinder. Plusieurs personnages très attachants s'entrecroisent dans une histoire qui parle de la résistance kurde en Turquie, de l'émigration turque en Allemagne, du sens de la vie, de l'engagement pour une cause juste. Le grand acteur Turcel Kurtiz, grand ami et compagnon de Yilmaz Güney, apparaît aussi dans ce film. Avec Fatih Akin, il prépare aussi un film sur Güney dont il a partagé les années de prison. On doit aussi à la cinéaste française Catherine Breillat une œuvre haut de gamme, tirée d'un roman de 19e siècle de Jules Barbey d'Aurevilly, la Vieille maîtresse. C'est un savant cocktail d'amour, de trahison, de confidences, de propos sournois. Mais le parfum des œuvres de Breillat est là aussi. Ce monde étrange et sophistiqué à la fois a aussi le diable au corps et ne s'en prive pas...