Mettant à profit la déconfiture électorale du 17 mai, Ahmed Benbitour, ex-chef de gouvernement, est revenu à la charge pour appeler à un changement de régime. Il a choisi, comme à ses habitudes, d'agir en solo, privilégiant, par des appels dans les médias, la mise à nu du système. Le but est de créer un déclic contestataire. Il ne s'appuie pas sur une force alternative, à la différence de Rédha Malek qui s 'est allié avec d'autres composantes politiques pour constituer une formation « démocratique et républicaine ». L'ex-négociateur des accords d'Evian a privilégié le jeu électoral officiel, persuadé comme la plupart des chefs de partis, qu'il est possible de réformer de l'intérieur le système. Une attitude qu'a refusée un autre chef de gouvernement opposant, Ali Benflis, qui a opté, dès son échec à la présidentielle de 2004, de tourner totalement le dos à la scène politique. Pour dire adieu à la politique ou se mettre en veilleuse, avant d'autres échéances politiques ? L'avenir le dira. Mais l'effacement, d'autres anciens chefs de l'Exécutif le vivent, à l'image de Sid Ahmed Ghozali et de Sifi, par désillusion ou par absence de cadre politique qui leur convient. Ahmed Ouyahia fait figure d'exception : son désaccord sur divers points avec le président de la République, notamment les prérogatives constitutionnelles, l'ont poussé à partir du Palais du gouvernement. Mais il a choisi d'afficher son soutien au chef de l'Etat, dérogeant ainsi à la règle générale qui fait qu'un responsable démis entre vite en conflit avec l'autorité responsable de son départ. Le patron du RND a compris, au vu de l'expérience de ses prédécesseurs, qu'une confrontation directe avec Bouteflika est suicidaire car elle l'éjecte du système sans ménagement. Or Ouyahia tient au système, il veut le réformer et non le changer. Il préfère donc composer en attendant d'être proposé comme alternative post-Bouteflika. Même calcul chez Belkhadem. Sa fonction de chef de gouvernement, il ne l'exerce depuis de nombreux mois que d'une manière formelle et cela pour deux raisons. La première est que fondamentalement il n'a jamais été intéressé par ce poste dont il connaît les limites : un chef de gouvernement est livré pieds et poings liés tant au président de la République qui détient des pouvoirs exorbitants qu'aux puissants centres de décision qui évoluent à la périphérie du Pouvoir, notamment l'armée. En second lieu, l'ambition majeure de Belkhadem est plus doctrinale que politique : il s'agit d'ancrer davantage l'islamo-conservatisme dans le pays. Son apparition le jour du scrutin législatif devant les médias algériens et étrangers en tenue traditionnelle empruntée à l'habit soudanais n'est pas fortuite. Il a dû arracher de haute lutte mais souvent dans des conditions troubles le secrétariat général du FLN qu'il utilise comme tremplin pour la seule fonction qui l'intéresse, celle de chef de l'Etat. Mais Belkhadem a compris que pour succéder à Bouteflika, il fallait l'avoir de son côté, lui être totalement dévoué afin que le moment voulu il le choisisse comme son successeur. Le système fonctionne ainsi et il n'y a pas beaucoup de grains de sable dans ses rouages. Ouyahia et Belkhadem sont sur la liste de départ de la seule vraie confrontation politique qui compte dans le pays : la présidentielle. Celle-ci a débuté le mois qui a suivi l'hospitalisation de Bouteflika au Val-de-Grâce. Elle évolue depuis en dents de scie, à la faveur du rétablissement ou des rechutes du président de la République. Le meilleur atout de ces deux prétendants est le vide politique créé dans le pays toutes ces dernières années. Le boycott massif des législatives du 17 mai en est une des flagrantes illustrations.