La corruption dans ses différentes facettes est considérée par bon nombre d'experts économiques comme un frein au développement et à la croissance économique d'un pays. En effet, les pratiques de corruption vident les caisses de l'Etat, portent préjudice au libre-échange et découragent les investisseurs. Mais la corruption est aussi politique. Selon la Banque mondiale, la corruption peut réduire le taux de croissance d'un pays de 0,5 à 1 % par an, alors que pour le FMI, les investissements réalisés dans les pays corrompus sont inférieurs d'environ 5% à ceux réalisés dans les pays relativement non corrompus. De son côté, l'agence de cotation Standard and Poor's considère que les investisseurs ont 50 à 100% de chance de perdre la totalité de leurs investissements dans un délai de cinq ans dans les pays connaissant divers degrés de corruption, non sans asséner que les investissements à long terme, soit les plus intéressants pour les pays, deviennent ainsi risqués et peu probables. Une justice corrompue ralentit le commerce et la croissance Dans son dernier rapport sur ce fléau mondialisé, Transparency International (TI) a mis l'accent sur le rôle de la justice dans la lutte contre les pratiques de corruption estimant qu' " une justice corrompue freine la capacité des Etats à lutter contre le crime et le terrorisme ", et " ralentit le commerce et la croissance économique, et refuse aux citoyens un règlement impartial de leurs contentieux avec des voisins ou les autorités ". Ainsi, il est mis en évidence le coût économique exorbitant de cette gangrène qui ne cesse d'affecter de manière plus désastreuse des pays en voie de développement. En Algérie le recours aux pots de vin s'est largement " démocratisé " ces dernières années, touchant pratiquement tous les secteurs d'activité. Le climat d'instabilité vécu par le pays a été une aubaine saisie au vol par tous les affairistes de mauvais alois et autres prédateurs pour généraliser des pratiques ayant fini par saper le moral du citoyen poussé à la démission et à la résignation. Effaré par une cascade d'affaires ayant défrayé la chronique ces derniers temps : affaire Khalifa, BCIA, BRC et bien d'autres, et stupéfait par les sommes effarantes détournées au vu et au su d'une population qui vivote dans la précarité, l'Algérien sombre, en désespoir de cause, dans une posture fataliste. Pour l'économiste le Dr Abdelahak Lamiri, " quand la corruption se généralise, la société devient scellée et la dynamique de développement bloquée. En devenant un phénomène de société, l'écrasante majorité des citoyens adoptent des attitudes de riposte passives en corrompant et en acceptant d'être corrompus ". Pour lui, l'Algérie avait promu toutes les dispositions qui encourageaient la corruption : la distribution de logements, de véhicules, les prises en charges médicales, l'accès aux hauts postes de responsabilité… Et d'ajouter : " On ne peut combattre la corruption sans éliminer radicalement les causes de son apparition. " Pour ce faire, notre interlocuteur estime qu'il est quasiment impossible d'éliminer la corruption " si nous empêchons le marché de réguler la plupart des échanges entre citoyens ". Après le marché, la seconde mesure, selon M. Lamiri, est la transparence qui minimisera la corruption et le favoritisme. A cet effet, il citera l'exemple du processus de nomination des managers et des hauts cadres de l'Etat, où dit-il, " aucun gouvernement n'a eu le courage de fixer un minimum de critères, même insuffisants au départ mais susceptibles d'être améliorés par la suite d'accès à ces emplois ". Citant pour exemple le refus des pouvoirs publics à nommer comme simples administrateurs des personnes qui sont actuellement auditeurs de gestion bancaire à Londres et à New-York leur préférant des incultes économiques ! Pour M. Lamiri, la lutte contre la corruption passe aussi par un accès à l'information. La communication et le système éducatif ont aussi un rôle à jouer, ajoute-t-il. Parmi les coûts de la corruption les spécialistes s'accordent à dire que ce fléau gaspille les ressources d'un pays, cause des dégâts collectifs et dénature les politiques menées. En outre, elle redistribue les ressources en faveur des riches et des puissants, des détenteurs du pouvoir ou de ceux qui détiennent des monopoles. Comme elle détourne l'énergie des fonctionnaires et des citoyens vers la recherche improductive et malhonnête de rente de situation. Pour l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC-section algérienne de TI), " les entreprises étrangères les mieux classées, au niveau transparence, n'arrivent pas à obtenir des marchés en Algérie… ; on leur exige systématiquement des pots de vin… " ; l'Algérie n'a quasiment " pas de relations économiques et commerciales avec les 10 pays les moins corrompus de la planète ". En 2006, l'Algérie a une nouvelle fois été épinglée par Transparency International. Durant les 3 dernières années, l'Algérie a eu de très mauvaises notes dans l'indice de perceptions de la corruption (IPC). Une enquête menée auprès de 11.232 cadres dirigeants d'entreprises basés dans 125 pays dont 70 résidant en Algérie a révélé qu'un grand nombre d'entreprises étrangères ne recourent pas aux pots-de-vin quand elles exercent leurs activités dans le monde " développé ", où les institutions sont fortes et où il existe un réel risque de sanction légale des activités illicites. Mais il ne peut y avoir de corrompus sans corrupteurs. Selon Transparency International, les corrupteurs sont moins médiatisés que les corrompus. Pour cette ONG, " si les pays membres de l'OCDE condamnent unanimement le versement de pots-de-vin, ils font en revanche preuve de beaucoup moins de détermination lorsqu'il s'agit de s'attaquer aux pratiques corruptrices de leurs grandes entreprises ". " Les sociétés qui versent des pots-de-vin compromettent les efforts réels des gouvernements des pays en développement pour améliorer la gouvernance et entretiennent ainsi le cercle vicieux de la pauvreté ", a averti TI. A en croire les chiffres de la Banque mondiale, plus de mille milliards de dollars US se perdent chaque année sous forme de pot-de-vin dans le monde. Corruption politique et désaffection populaire De l'avis d'experts, dans la vie politique, la corruption engendre la désaffection populaire et le désabusement. Comme elle entraîne l'instabilité du régime politique. La désaffection populaire lors du scrutin législatif passé est probablement une forme de réponse à la corruption politique qui mine le pays. Devant des places de têtes d'affiche qui se négocient chères, la multiplication des signes de richesses extérieurs d'hommes politiques et d'élus, et dont le ministère de l'Intérieur a fait état de plus de 700 élus locaux poursuivis par la justice pour dilapidation de deniers publics, le citoyen algérien a préféré la démission en attendant des lendemains meilleurs. Selon TI, " l'abus du pouvoir politique à des fins personnelles empêche l'entretien et le développement des services publics primaires, ce qui nourrit les conflits et la violence ". Selon TI, Suharto, le dictateur indonésien, a détourné entre 15 et 31 milliards de dollars en 31 années de règne. Mobutu Sese Seko se situe également en tête de liste des dirigeants ayant pillé leur pays. Il aurait détourné environ 5 milliards de dollars. Des détournements qui ont eu un fort impact dans un pays comme le Zaïre où le PIB était de 100 dollars par personne. La somme détournée correspond à 40% de l'aide reçue par le Zaïre (12 milliards de dollars) pendant les 32 ans de règne de Mobutu. Une grande partie des scandales de corruption politique tourne principalement autour du financement occulte des partis politiques et des candidats. Et un autre type de corruption tourne autour du vote. Selon TI, " le vote peut être acheté, contrefait, perverti par un double vote ou par un vote à la place d'une autre personne. Le fait d'offrir de l'argent, ou toute autre rétribution à un fonctionnaire pour qu'il fasse ou ne fasse pas quelque chose dans le cadre de ses fonctions officielles, est presque universellement condamné et considéré comme étant de la corruption, que celui-ci l'accepte ou non ". Certains experts notent que la corruption est apparemment moins répandue dans les pays où les fonctionnaires et les hommes politiques sont bien rémunérés, contrairement à d'autres où l'engagement politique est perçu comme un investissement pour un recasement social.