Outre l'usage, de mauvaise foi, des biens de la société, la loi proscrit celui du crédit de celle-ci à des fins personnelles. Que faut-il entendre par « crédit » : Selon le dictionnaire Robert, il s'agit de « l'influence dont jouit une personne ou une chose auprès de quelqu'un par la confiance qu'elle inspire ». Plus précise, dans le cas particulier qui nous intéresse, cette définition donnée par Gérard Cornu (Vocabulaire juridique, Ed Presses universitaires de France) « confiance qu'une personne inspire sur sa solvabilité (avoir du crédit) ; confiance en la solvabilité du débiteur (faire crédit) ». Dans le contexte du délit examiné, la notion de crédit de la société doit être retenue comme étant « sa solvabilité, sa surface financière », autrement dit, la notoriété, la réputation dont elle jouit et la crédibilité attachée à son nom. Par conséquent, tout usage abusif par un dirigeant du crédit de la société à des fins personnelles peut être constitutif de l'élément matériel du délit « d'usage du crédit de la société. » Il en est ainsi, par exemple, lorsqu'un dirigeant se fait cautionner par la société, pour obtenir un prêt personnel auprès d'une banque. Une telle pratique est assez fréquente chez nous : des banquiers, pas du tout soucieux de faire commettre à un client une infraction pénale, soumettent leur accord de financement (à titre personnel) à la garantie donnée par la société. Dans tous les cas de figure, l'usage abusif du crédit de la société expose celle-ci à un risque d'appauvrissement susceptible de lui faire subir des conséquences qui peuvent aller jusqu'à sa mise en faillite. Certains dirigeants s'abstiennent de signaler de telles cautions données par la société, à leur comptable, alors que les engagemenents de la société doivent être obligatoirement mentionnés en « hors bilan ». Il est évident que de par l'abus de crédit, le scénario catastrophique ci-dessus ne se réalise pas systématiquement : l'appauvrissement du patrimoine de la société ne se déclenche qu'en cas d'appel effectif de la caution, ce qui suppose que le dirigeant n'a pas honoré ses engagements. Il y a délit par le seul fait d'exposer la société à un risque, ce, à l'instant même où la signature de la société est donnée pour garantir une obligation de remboursement, profitant au dirigeant à titre personnel. Peu importe donc les conditions et résultats du dénouement final de l'opération, quand bien même le bénéficiaire de la caution a fait face, sans le moindre incident, à ses engagements. La jurisprudence de la cour de cassation française a été d'une constance continue en la matière. On citera ci-après quelques-uns des arrêts de cette haute juridiction à titre d'exemple. Puissent-ils attirer l'attention de nos dirigeants sociaux sur les risques auquels ils s'exposent à chaque fois qu'ils sont tentés d'user du crédit de la société à des fins personnelles. Condamnation du dirigeant qui a fait garantir les dettes de son « amie » par la société (cass. crim.13.3.1975, n°91.955-74) ; condamnation des dirigeants qui ont émis des traites de complaisance (entre autres : cass. crim.16.3.1970, n°90.266-68, bull. crim n°107, p. 245, etc.) ; Condamnation d'un dirigeant qui, non seulement a émis des traites de complaisance par la société mais a aussi fait supporter à celle-ci des frais d'agios qui lui incombait à titre personnel (cass. crim. 16.3.1970, n° 90.266-68) ; Condamnation d'un dirigeant qui, en souscrivant un billet à ordre et une lettre de change au profit de ses propres créanciers, a transféré à la société la charge de cette dette, d'où « usage du crédit de la société dans des conditions qui s'exposaient à un risque de perte et qui devaient, en fait consommer sa ruine » (cass. crim. 10.11.1964). On insistera tout spécialement sur la pratique dite de « cavalerie » qui a été mise en évidence dans une récente affaire judiciaire jugée il y a quelques semaines à Oran. Un arrêt de la cour de cassation française (cass. crim.8.12.1971 n°93.020-70, bull. crim n°346, p. 869) mérite également d'être cité : « Le dirigeant d'une Sarl a été condamné pour avoir signé des traites de complaisance pour aider un de ses amis dont la société rencontrait des difficultés financières. Il avait accepté de se reconnaître faussement débiteur pour des marchandises qui n'avaient jamais été livrées (Eva Joly et Joly B., op. cit.)