La politique énergétique algérienne est au cœur d'une turbulence sans précédent depuis l'ouverture, il y a 20 ans, de la recherche-exploration aux firmes étrangères. » Ce constat est celui d'un diplomate européen encore en poste à Alger qui a suivi de près l'actualité de ces derniers mois. C'est peu dire. De quoi s'agit il ? « D'un champ de bataille », répond la chronique des derniers évènements. Crise ouverte avec l'Espagne qui va jusqu'à remettre en cause le principal axe de la commercialisation du gaz naturel, offre stratégique de rapprochement GDF-Sonatrach restée sans réponse côté algérien, grandes manœuvres internationales autour du développement du nucléaire civil algérien et de son application la plus importante, la production d'électricité, le tout sur arrière-fond de paralysie totale des nouveaux contrats de prospection, les agences n'ayant terminé leur mise en place afin de lancer Alnaft, une nouvelle salve d'appel à concurrence pour les permis de recherche sur les blocs du domaine minier national. Si Chakib Khelil, le ministre de l'Energie et des Mines, avait voulu vivre un peu caché après le spectaculaire désaveu de sa loi sur les hydrocarbures une année après son adoption en avril 2005, c'est largement raté. Il doit faire face à des sollicitations en rafale toutes aussi périlleuses les unes que les autres. En réalité, le nouveau tableau du rapport de l'Algérie avec ses partenaires énergétiques témoigne nettement d'une chose : Alger a perdu l'initiative. Tel n'était pas le cas au début des années Khelil. L'épisode peu risible de l'ouverture-fermeture de l'accès majoritaire au gisement a tout freiné. Les recettes extérieures hors gabarits ont fait le reste. Sur tous les dossiers qui impliquent la configuration avenir de l'offre énergétique algérienne, les impulsions viennent désormais de l'extérieur. D'abord le sort du gaz. Dans la crise tarifaire entre Gas Natural et Sonatrach, les Algériens paraissent courir après des décisions espagnoles : refus d'augmenter le prix tel que auguré par la négociation, limitation à 1 milliard m3 des nouvelles quantités vendues sur le marché espagnol, refus de l'arbitrage international ; c'est Madrid qui assure le tempo, sur toute la ligne. Ce n'est pas loin d'être exactement le cas mais dans un dossier inverse. Sonatrach et sa tutelle demeurent sans voie au sujet de l'offre « sarkozienne » de rapprochement stratégique entre GDF et Sonatrach. Pas d'avis ? Pas de conduite active de la politique économique. En cas d'impasse tarifaire demain avec le client France, l'argument est prêt : « Vous avez refusé par le silence un mariage qui vous aurait assuré un accès privilégié au marché français et européen. » Ensuite l'avenir du nucléaire civil. Là aussi, la multiplication des accords de coopération, le dernier avec les Etats-Unis, marque plus une hésitation qu'une détermination à passer au format industriel. Une loi arrive qui va créer une agence de sûreté et de sécurité nucléaire. Mais à la stupeur générale, le ministre de l'Energie et des Mines n'envisage la première centrale électro-nucléaire qu'à l'horizon des 20 ans. Le DG de Sonelgaz parlait en novembre dernier d'un appel d'offres en 2008 pour la réalisation de la première centrale nucléaire produisant de l'électricité. L'initiative n'en finit pas de retomber. Enfin, la relance de la recherche-exploration dans l'amont pétrolier. Silence total sur ce qui était la vitrine du dynamisme à l'algérienne. La pause dans l'attribution des permis de recherche va boucler les quatre années l'automne prochain. La grogne des firmes pétrolières étrangères se fait audible. Là aussi, l'initiative menace de changer de main. Khelil pourra toujours dire : on a bien fait de ne pas découvrir plus de pétrole et de gaz. Puisque l'Espagne, notre client le plus proche, nous tourne le dos.