«Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est négociable.» Devise attribuée à la doctrine soviétique par les Occidentaux. Ces derniers jours, Alger a vu le défilé de plusieurs délégations européennes de haut rang, outre la venue purement électoraliste de Nicolas Sarkozy, trois délégations, italienne, en la personne du chef du gouvernement, Romano Prodi, l'un des rares hommes d'Etat de dimension planétaire, le ministre allemand des Affaires étrangères, et le ministre portugais des Affaires étrangères, ce dernier est annoncé pour aujourd'hui. Si on ajoute les derniers contacts avec l'Espagne, notamment le dernier déplacement du président-directeur général de Sonatrach, tous ces déplacements sont en commun l'intérêt pour l'énergie algérienne et le marché algérien vu sous l'angle unique de la consommation. Nous verrons que nous n'avons pas de parade sinon celle de nous ouvrir de façon débridée. Il faut se poser pourquoi ce soudain intérêt pour notre pays de la part de pays qui nous ont superbement ignorés des décennies durant pendant que l'Algérie s'enfonçait inéxorablement dans la guerre civile: un mot qui revient comme un leitmotiv: l'énergie. Des guerres sont faites en son nom. Une caricature de Konk représentait l'Afrique sous forme d'un cercueil entouré de bougies représentant des derricks avec une torche au bout. Les pays européens, en fonction de leur dépendance, ont opté, à défaut d'une politique énergétique commune, pour le sauve-qui-peut. Pour l'immédiat, chacun met en oeuvre un bouquet énergétique où toutes les énergies sont représentées à des degrés divers. Ceci en ayant en toile de fond les perspectives à 2030 et les accords bilatéraux que chaque pays tente de signer avec un pays producteur d'énergie. Ainsi l'Allemagne a développé un véritable partenariat stratégique avec l'ennemi d'hier, la Russie, en finançant un gazoduc sous-marin qui passe par la Baltique et qui évite de passer par la Pologne. Signalons, au passage, que Gerhard Schroëder, l'ancien chancelier, occupe un poste éminent dans la nouvelle société mixte russo-allemande. Cette dernière bloque actuellement un accord de l'Union européenne avec la Russie, accord négocié il y a un mois en Finlande. La guerre de l'énergie est déclarée. La déréglementation du marché de l'énergie oblige chaque pays membre d'ouvrir le capital à concurrence d'au moins 30%. EDF fait de la résistance, et la «stratégie» de la France est de compenser chaque part de marché ouvert par des prises de participation chez les voisins. EDF a pris une part d'Enel (italienne). De plus, la France a marié au forceps Gaz de France et Suez laissant EDF de telle façon à avoir deux grands groupes européens leaders de l'énergie. Souvenons-nous de la guerre que se livrent Eon (allemand) l'ENI (italien) que l'on a d'ailleurs empêché d'acheter Gaz de France -Opa inamicale- au nom du patriotisme économique. Lors de la gigantesque panne électrique de début novembre 2006 qui a affecté plus de 10 millions d'Européens (Français, Italiens, Belges et Allemands). Romano Prodi a déploré l'absence de politique européenne de l'énergie. En fait, l'Europe est tragiquement dépendante de l'extérieur pour son énergie. Revenons à la réalité du monde, loin de la rumeur sur l'illusion que l'Algérie est devenue la Mecque du monde et que son avis compte. Le 10 novembre, l'agence internationale de l'énergie (AIE) a publié un rapport inquiétant.(1). Ce rapport essaie d'établir l'évolution de nos besoins à l'horizon 2030. Les conclusions principales en sont les suivantes: Cette demande mondiale est prévue augmenter de 50%, pas moins, d'ici 2030, à un rythme moyen de 1.6% de hausse moyenne annuelle sur cette période et malgré un prix du baril de pétrole élevé pris en compte dans cette estimation. Cette hausse de la demande viendrait à 70% des pays émergents et pour un peu moins de 30% de la demande de la seule Chine qui représentera, en 2030, 20% de la demande mondiale d'énergie. Cette hausse de la demande en énergie primaire proviendra malheureusement à 83%(!) des énergies fossiles. La prévision de l'AIE est donc que la demande de pétrole passera de 84 millions de barils/jour en 2005 à 116 millions en 2030! Parmi ces énergies fossiles, c'est le charbon qui progressera le plus fortement du fait de son coût plus faible que les autres énergies fossiles et des ressources importantes dans ce minerai de la Chine et de l'Inde qui sont les deux pays prévus avoir la croissance la plus importante d'içi 2030. De ce fait, les émissions de CO2 sont prévues augmenter de 55%! à 40 milliards de tonnes en 2030. Et plus des deux tiers de cette croissance, des émissions viendront des pays en développement. Or, il est difficile de demander à ces pays qui sortent d'années de sous- développement, de limiter une croissance que le niveau de vie de leurs populations justifie totalement. D'autant plus que nombre d'entre eux n'ont pas signé les engagements du protocole de Kyoto Quatre types d'actions sont proposées aux gouvernements et aux hommes politiques de tout pays. D'abord, s'attaquer sérieusement au problème du transport grâce à des véhicules, moteurs et réacteurs plus économes. Cela ne permet pas, malheureusement, d'infléchir l'appétit des consommateurs pour les grosses voitures et les voyages en avion aux antipodes. Sans compter que ces améliorations permanentes semblent de plus en plus difficiles à réaliser.. Deuxième recommandation: accroître considérablement l'utilisation des biocarburants pour qu'il représentent davantage que les 4% que prévoit l'AIE en 2030. J'y crois aussi mais, avec la limite que nous disposions de suffisamment de surfaces arables et surtout d'eau pour y parvenir....Enfin, la recommandation forte est de développer les énergies non fossiles qui n'émettent pas de CO2, en clair, l'éolien, l'hydraulique, la géothermie, mais surtout le nucléaire qui, seul, a la capacité de répondre à l'énormité de la demande. En Europe, aux Etats-Unis mais également en Chine et en Inde. Pour cela, il faut lancer des plans biomasse, permettre l'implantation de petites unités éoliennes ou hydrauliques de production d'électricité et faciliter surtout les investissements privés dans des centrales nucléaires. Préoccupation majeure de l'AIE: tous ces efforts de réduction d'émission demandent des décisions immédiates tellement le temps nécessaire pour la mise en oeuvre de ces palliatifs à la poursuite de l'accroissement des émissions est longue, 12 ans par exemple, pour construire une centrale nucléaire. Sinon, nous nous retrouverons avec 15 milliards de tonnes d'émission de CO2 de plus en 2030 et faciliter surtout les investissements privés dans des centrales nucléaires. Dernier point, augmenter considérablement la recherche sur la capture du CO2 et sa séquestration sur laquelle l'AIE pense que nous ne faisons pas assez d'efforts. Faire disparaître le problème puisqu'on ne peut pas le contrôler en quelque sorte.(2). S'il nous faut nuancer, en tant que scientifique, la fougue «insolite» de l'AIE pour le nucléaire, dans la longue liste des dangers du nucléaire qui sont toujours là même si on n'en parle pas. En août 2006, on est passé très près de la catastrophe nucléaire dans le réacteur de la centrale de Forsmark I en Suède. Suite à un court-circuit, plusieurs systèmes de sécurité ont été défaillants. Un expert dans la construction de ce type de réacteur affirme que le hasard a évité la fusion du coeur. L'Europe est vraisemblablement passée à deux doigts d'un nouveau Tchernobyl. Le réacteur numéro 1 de la centrale suédoise de Forsmark, située au nord de Stockholm, est devenu pratiquement «incontrôlable à la suite d'un court-circuit suivi d'une perte de réseau électrique. Dans le même temps, plusieurs systèmes de sécurité n'ont pas fonctionné comme prévu».(2) Naturellement, à l'aune du changement climatique, nous dit-on, à l'effet de serre provoqué par le CO2 généré par les énergies fossiles, mais pas seulement, il serait nécessaire de diversifier et de n'utiliser les énergies fossiles qu'avec parcimonie dans les usages où il n'est pas responsable (transport- et là encore on peut en discuter). Figurant parmi les principaux importateurs mondiaux de pétrole, de gaz et de charbon, l'UE s'impose aujourd'hui comme l'un des grands acteurs du marché international de l'énergie, tout en n'ayant pas de poids réel sur la scène diplomatique. Conscients des problèmes liés à ce décalage, les responsables européens accordent une place de plus en plus importante aux questions énergétiques dans leurs relations avec les pays tiers. EurActiv propose ici un tour d'horizon des rapports que l'UE entretient avec ses partenaires clés dans le domaine énergétique.(4) L'intégration progressive des marchés énergétiques en un seul bloc, associée à la compétence exclusive de l'UE en ce qui concerne les relations commerciales avec des pays non européens, devient progressivement un des points essentiels de l'agenda politique de l'UE. Le marché intérieur européen du pétrole et du gaz doit être achevé d'ici 2008. Les réserves en gaz et en pétrole sont inégalement réparties à travers le monde, et les principales réserves sont situées dans des régions instables sur le plan économique et politique (Moyen-Orient, Russie), les champs de gaz et de pétrole de la mer du Nord ont déjà été exploités au-delà de leurs réserves, rendant l'Europe dépendante des pays non européens pour son futur approvisionnement. Le Livre vert de la Commission sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique (novembre 2000) a dressé un portrait sombre de la situation énergétique de l'UE. Si aucune mesure n'est prise, la dépendance énergétique de l'UE passera de 50% en 2000 à 70% en 2030. La situation particulière pour les principaux carburants fossiles a été présentée comme suit: Pétrole: *45% des importations de pétrole de l'UE proviennent du Moyen-Orient; d'ici 2030, 90% de la consommation en pétrole de l'UE sera couverte par des importations Gaz: *40% des importations en gaz de l'UE proviennent de Russie (30% d'Algérie, 25% de Norvège). D'ici 2030, plus de 60% des importations en gaz de l'UE devraient provenir de Russie et la dépendance énergétique totale de l'UE devrait atteindre 80%. Charbon: *D'ici 2030, 66% des besoins européens devraient être couverts par des importations. Lancé lors du Sommet de l'UE avec la Russie à Paris en octobre 2000, le dialogue bilatéral a pour objectif de sécuriser l'accès de l'Europe aux importantes réserves en gaz et en pétrole de la Russie (le pays détient un tiers des réserves mondiales en gaz). Ce dialogue repose sur la supposition selon laquelle l'interdépendance entre les deux régions devrait s'accroître - l'UE pour des raisons de sécurité d'approvisionnement, la Russie pour garantir des investissements étrangers et faciliter son propre accès aux marchés européen et international. Cependant, le dialogue énergétique n'a toujours pas connu d'évolution décisive, malgré la dernière réunion de la Finlande où Poutine a demandé à ce que les sociétés russes entrent en bourse. Les relations énergétiques entre l'UE et la Russie restent hautement dépendantes des négociations plus générales entre l'UE et la Russie sur les quatre espaces (économique, juridique, sécurité et recherche) pour lesquels les progrès sont lents. D'autre part, l'oléoduc Baku-Tbilissi-Ceyhan (BTC) a été ouvert le 25 mai 2005 et relie la capitale de l'Azerbaïdjan sur la mer Caspienne à la côte est méditerranéenne de la Turquie. La Russie, qui a été contournée, est l'un des principaux perdants de ce projet, à la fois sur les plans économique et politique. Lancé en 1995 à Barcelone par les ministres des Affaires étrangères, le partenariat euro-méditerranéen réunit les 25 pays membres de l'UE et dix pays du sud de la Méditerranée. L'objectif est de mettre en place progressivement une zone de libre-échange euro-méditerranéenne d'ici 2010. Conserver un accès aux réserves de gaz de l'Algérie est d'une importance primordiale pour l'UE si elle veut maintenir au minimum sa dépendance en énergie à l'égard de la Russie. Pourtant, le maillon fort de l'Algérie est absent de l'Accord avec l'Union européenne; il est heureux que les pays européens, en absence d'une réelle politique énergétique commune, s'adressent à l'Algérie, pour éviter la trop grande dépendance de la Russie. Comment l'Algérie peut-elle les aider en se développant et non pas rester un simple vendeur d'une denrée qui sera de plus en plus chère et introuvable? Il faut savoir qu'à l'horizon 2010, l'Algérie exportera 85 milliards de m3 dont 40 milliards en direction de l'Italie. Avec la consommation interne qui sera croissante, nous dépasserons les 120 milliards de m3 extraits soit, environ, une trentaine d'année; à l'horizon 2030, s'il n'y a aucune découverte majeure, l'Algérie...importera du gaz...Que faire? Ne serait-il pas plus sage de moduler l'extraction du gaz en fonction de nos besoins et miser, toutes affaires cessantes, dans les énergies renouvelables. La venue de Romano Prodi qui nous promet une coopération tous azimuts devrait nous permettre d'investir à fond dans les énergies renouvelables. Pour cela, il faut mettre un terme à la cacophonie actuelle et désigner un interlocuteur pour cette nouvelle vision du développement durable. A cet effet, il faut savoir que l'Allemagne, qui a décidé de sortir du nucléaire d'ici 2017, est le leader incontesté dans le domaine du solaire et de l'éolien. Viennent ensuite l'Espagne l'Italie et le Portugal. Le moment est venu pour l'Algérie de mettre enfin en place un modèle énergétique qui n'hypothèque pas l'avenir. Les recommandations de l'AIE, quant à la nécessité de développer le nucléaire, doivent nous concerner et, à ce titre, la coopération avec la France -leader européen - pour la mise en place d'une centrale nucléaire, s'avère incontournable. La participation de l'Université algérienne pourrait être d'un grand apport. 1.«World Energy Outlook 2006» 2.Accident nucléaire évité de justesse en Suède: Quotidien allemand TRAZ 03/08/2006: 3.Energie: nous allons dans le mur, nous dit l'AIE.: http://www.agoravox.fr/tb_receive.php3?id_article=15698 jeudi 16 novembre 2006 4.EurActiv:Géopolitique des approvisionnements énergétiques de l'UE mercredi 20 juillet 2005. Actualisé mardi 28 mars 2006