Nous l'avons rencontré à Tamanrasset, précisément à Radio Tam où il était venu enregistrer, à titre expérimental, des morceaux d'un album rap qu'il est en train de préparer. Sa marque de fabrique, c'est le « rap targui » ou plus exactement le rap mixé à un son targui. En vérité, Fathi n'a aucun rapport ethnique avec le Hoggar. Il est plutôt originaire de Mechria, dans le sud-ouest du pays. D'ailleurs, son fort accent de l'Ouest le trahit, lui donnant un côté… « roots ». Fathi a débarqué à Tamanrasset à la faveur d'une affectation militaire, lui qui s'est engagé comme contractuel dans les rangs de l'ANP après avoir quitté prématurément l'école. « C'est le chibani qui m'a poussé là-dedans, alors que mon esprit est totalement antimilitaire », confie-t-il autour d'un café serré sur une terrasse du vieux Tam. Il vient d'ailleurs d'honorer ses quatre ans de contrat. Pour autant, il ne songe pas à quitter Tam de sitôt, une ville qu'il a appris à aimer. « Je veux partir d'ici avec un album en poche », dit-il, avant d'annoncer : « Je veux m'inspirer de la culture de cette ville. Je veux puiser dans ses racines. » Revenant sur son parcours, il raconte : « Quand j'étais gosse, je faisais plutôt de la poésie en arabe littéraire. Après, un pote m'a initié au rap. C'était vers 1997, à l'âge de 13 ans. » Fathi a surfé sur plusieurs vagues, dont le moughrabi, style cher à son père « qui faisait de la musique diwan ». « J'ai fait partie d'une chorale. On a interprété Oum Kaltoum, Abdelhalim Hafedh… J'ai touché au raï. J'ai animé des soirées avec Abdelkader Khaldi et la regrettée Sabah Essaghira », ajoute le rappeur. Fathi écrit lui-même ses textes. Son expérience au sein de la Grande Muette a beaucoup alimenté son répertoire, avoue-t-il. « L'armée m'a énormément appris. Elle m'a ouvert les yeux sur beaucoup de choses. C'est là que j'ai découvert l'injustice, le régionalisme, le ‘‘béni-âmisme'' et le vrai visage du ‘‘nidham''. » A peine installé à Tam, Fathi a tenté d'intégrer des formations musicales. C'est ainsi qu'il se frottera à un groupe de break-dance local appelé Criminal B-Boys. « J'ai tout de suite constaté que le rap n'avait pas de place à Tamanrasset. Ici, les gens ne connaissent que le oûd (luth) ou bien l'imzad traditionnel », constate notre trublion. Les plus branchés grattent la guitare électrique, instrument-clé de la musique targuie moderne d'inspiration blues dans le style du fameux groupe Tinariwen. Fathi adopte alors une stratégie : « A Mechria, pour chanter le rap, il m'a fallu passer par le raï. Ici, j'ai compris pareillement qu'il fallait passer par la musique locale. Pour beaucoup de gens, ici, le rap, c'est un type qui parle rapidement et c'est tout. » Fathi s'allie ainsi à une formation targuie : le groupe Ithran, étoiles en tamashek. Aujourd'hui, Fathi entend dépasser l'aspect purement tactique et faire un réel travail musical sur ce matériau exceptionnel qu'est le son targui. Pour cela, il développe des liens avec les musiciens targuis de la région. Par ailleurs, Fathi vient de créer un groupe rap avec deux autres jeunes qui vivent ici, deux militaires. Ils l'ont baptisé MTH : Militaires Tamanrasset Hip-Hop. Pour les « répètes » et la composition de l'album, Snoopy Fathi a installé un « home studio » chez lui. « Nous ambitionnons d'enregistrer notre premier album l'été prochain à Oran, un CD de 12 titres », dit-il. Inventif et plein de punch, notre Snoopy local compte faire du « featuring » avec des rappeurs libériens qu'il a connus à Tam, des harraga subsahariens. « J'espère qu'ils auront ainsi l'occasion de régulariser leurs papiers. Ils triment toute la journée comme manœuvres, alors qu'ils sont vraiment talentueux. » Fathi croit en eux. En lui. Nous aussi…