Malgré ses silences et même les dérives qu'elle est amenée à subir à son corps défendant, l'ONU demeure une force morale. Elle apparaît comme le dépositaire du droit et de la mémoire afin de s'opposer à toute opération de mystification et de manipulation. Ainsi en est-il de la question palestinienne qu'elle a eu à traiter sous tous ses aspects, n'hésitant pas à faire certains rappels ou mises au point d'une extrême pertinence comme en ce qui concerne le fameux mur israélien dit de séparation et que les Palestiniens considèrent comme une frontière de fait. Même les Nations unies l'ont fait d'une certaine manière, en déclarant que cette barrière érigée parfois en profondeur du territoire palestinien ne devrait en aucun cas se substituer à une frontière israélo-palestinienne, en fait tracée selon elle par la résolution 242 de 1967. Ou encore des réfugiés palestiniens et de la ville d'El Qods. Cette fois, l'ONU va plus loin que toutes ces questions qu'elle ne renie pas, loin de là. En fait, l'organisation mondiale se base sur l'ensemble du processus de colonisation israélienne pour aboutir à la conclusion qu'il n'y a pas de place pour un Etat palestinien. Non pas qu'elle s'y oppose, mais tout simplement parce qu'Israël a tout pris. En l'état actuel de la colonisation israélienne, et qui est loin d'être achevée, l'ONU juge impossible l'émergence d'un Etat palestinien viable. Selon un rapport de l'Ocha, l'Agence de coordination humanitaire des Nations unies, dont la publication coïncide avec le quarantième anniversaire de la guerre israélo-arabe de juin 1967, les colonies construites par Israël en Cisjordanie, les restrictions de circulation imposées aux Palestiniens qu'elles engendrent et la présence de zones militaires ont totalement morcelé la Cisjordanie. Ce n'est plus un « homeland », mais des bantoustans, ou encore des espaces sans lien entre eux et sans continuité géographique ou organique. Ce n'est plus la 242 que l'on présentait il y a dix-sept ans comme la base des négociations, mais une logique arithmétique avec des pourcentages, ôtés aux Palestiniens et attribués aux colons israéliens dans le cadre de ce qu'ils appellent l'expansion naturelle et que des Etats trouvaient normale, alors même qu'il s'agit d'une occupation. La conclusion est que la Cisjordanie cessera sous peu d'être un territoire contesté comme le disent les Israéliens, mais deviendra un territoire israélien. Annexé en réalité. Le rapport de l'Ocha note qu'un accord israélo-palestinien pourrait en théorie permettre encore de démanteler des colonies en Cisjordanie, comme ce fut le cas dans la bande de Ghaza, évacuée par l'armée et les colons en 2005. Mais l'échelle n'est pas du tout la même. « Le nombre de colons en Cisjordanie continue de croître au rythme de 5,5% par an, alors que 450 000 colons y habitent déjà », souligne le rapport. Si l'on additionne les zones militaires israéliennes, les colonies, les réserves naturelles, les routes et les terres grignotées par la construction de la barrière de séparation israélienne, il ne reste pas plus de 60% de la Cisjordanie aux Palestiniens, selon les calculs de l'Ocha. De surcroît, celle-ci est morcelée en neuf poches. « Le développement des colonies et des infrastructures israéliennes empêche le développement d'une économie palestinienne jusqu'alors dynamique en Cisjordanie », écrit l'Ocha. « Si la situation actuelle perdure, déplore David Shearer, directeur de l'Ocha dans les territoires palestiniens, toute tentative de créer un Etat palestinien aboutira à la naissance d'un Etat croupion voué à l'échec. » La croissance de la population israélienne dans les territoires est trois fois supérieure au développement de la population au sein de l'Etat hébreu. L'Ocha rappelle que les colonies sont illégales au regard du droit international. Les territoires palestiniens comptent 161 colonies juives et 96 implantations sauvages. Des barrages interdisent l'accès des Palestiniens aux routes qui desservent les colonies. Celles-ci se sont transformées en des corridors, réservés aux colons et reliant les implantations au territoire israélien. « Les Palestiniens sont désormais obligés de se déplacer d'une enclave à l'autre en utilisant un réseau de barrages militaires, de routes et de tunnels qui leur sont réservés », relève le document. Les autorités israéliennes peuvent fermer ces points d'accès à volonté. Cela compromet la contiguïté territoriale de l'Etat palestinien, prévue dans la feuille de route, le dernier plan de paix international élaboré par le quartette qui n'existe que sur le papier, puisque les engagements auxquels ont souscrit ses membres (Etats-Unis, Europe, Russie et ONU), comme la création d'un Etat palestinien prévue en 2005, n'ont jamais été tenus. Israël agit en toute impunité, sûr que ses alliés sont bien là pour y veiller, faire dans la diversion. Et même plus.