Israël vise la liquidation de toute possibilité d'un Etat palestinien et la fin de toute résistance à sa politique coloniale. Bien tardivement, quinze jours après le début d'une agression criminelle, une résolution onusienne pour un cessez-le-feu pointe. La résolution 1860 du Conseil de sécurité adoptée par 14 des 15 membres, l'administration de Bush, jusqu'à la dernière minute de son catastrophique règne, s'abstenant. L'ONU «appelle à un cessez-le-feu immédiat, durable et pleinement respecté, menant au retrait complet des forces israéliennes de Ghaza». Mais, à Ghaza, l'agression israélienne se poursuit dans l'impunité. Près de 800 Palestiniens sont morts en 14 jours dont la moitié sont des femmes et des enfants. Compte tenu de la désinformation, des surenchères, de la colère, de la politique morbide, des haines, qui troublent et empêchent d'avoir une vision claire, il est important de préciser des repères en vue de rester clairvoyant et vigilant, pour comprendre et faire face lucidement à la guerre monstrueuse contre Ghaza. 1- Affirmer la question politique: la question en Palestine est politique et non religieuse. C'est un problème de colonisation et de droit des peuples à vivre libres. Que veut Israël? En apparence, la fin des tirs de roquettes sur son territoire à partir de Ghaza. Cela aurait pu être atteint par la levée du blocus inhumain sur Ghaza, dont le Hamas faisait une condition légitime de la poursuite de la trêve. Israël vise en vérité non seulement le démantèlement du Hamas, mais la liquidation de toute possibilité d'un Etat palestinien et la fin de toute résistance à sa politique coloniale féroce. C'est du suicide. 2- Expliquer et s'allier: la propagande sioniste et islamophobe stigmatise et tente depuis longtemps de faire croire au choc des civilisations, de diaboliser et de matraquer que tout musulman serait un extrémiste, etc. Pour faire peur et obtenir l'aval de la communauté internationale en vue de coloniser sans cesse, de réprimer sans limites, en violation du droit international, en vue de dominer par le sang et le feu. Mais par notre sens des responsabilités, par le lien avec tous les êtres justes dans le monde, on peut contredire les mensonges et cette stratégie ruineuse pour tous. Rappeler les faits historiques peut démasquer l'horreur. Il est urgent de contribuer à trouver la voie étroite pour y mettre fin dans l'immédiat et sur le long terme. 3- Nationalisme et diplomatie: la résistance palestinienne est un mouvement nationaliste qui doit se garder de toutes dérives, erreurs et divisions et ne pas tomber dans le jeu des provocations et des manipulations. D'autant que la solution ne sera que diplomatique. Résister pour défendre la liberté et la vie des siens est un devoir reconnu comme légitime défense par le droit international et la morale; d'autant qu'aucune force d'occupation ne peut triompher face à une cause juste. A Ghaza, la résistance, malgré des conditions tragiques et de lourdes pertes, confirmera les acquis de la guerre du Liban. 4- Refuser les amalgames: ne pas faire d'amalgame. Tout l'Occident n'est pas islamophobe, injuste et raciste. Nous avons des amis en Occident, à tout le moins, des citoyens et des mouvements qui ne sont pas dupes. Tout comme l'extrémisme, produit du désespoir, est minoritaire dans le monde musulman. Vivre ensemble, partager, se respecter est l'horizon sage de la majorité des gens de partout. Il s'agit de ne pas juger ce qui se passe en fonction du fait que l'on soit croyant ou non, anti-intégriste ou non, arabe ou non, juif ou non, car il s'agit d'injustice et d'oppression. Il faut discerner de manière objective, d'autant que des juifs et des chrétiens sont contre la politique actuelle suicidaire d'Israël et le carnage qu'elle s'emploie à mener à huis clos, pour tenter d'effacer sa défaite de 2006 au Liban, liquider la question palestinienne et partant, de dominer. Tout comme la majorité des citoyens arabes critique la politique de leurs régimes, soit pour leur défaitisme, soit pour leur faiblesse des pratiques démocratiques. Partout il y a le constat que ce qui se passe est inacceptable. 5- Prise de conscience: sur le plan historique et global, la situation est grave et incertaine. Il s'agit de l'équilibre des forces dans la région et de l'avenir des relations entre les peuples. Profitant de la crise mondiale, du vide politique et de la lassitude, le sionisme est en train de massacrer tout espoir de paix et d'un ordre mondial juste. Ce qui se passe est destructeur pour la paix dans le monde, pas seulement pour les Arabes. Il faut en conséquence refuser à la fois la logique de guerre barbare, l'isolement, et l'importation du conflit entre les communautés, et continuer plus que jamais à dialoguer avec tous ceux qui sont attachés au droit. 6- S'engager: il faut dire que le silence, le mutisme, et la non-assistance à peuple en danger, et le renvoi dos à dos des parties en présence, sont inadmissibles, c'est maintenant que nous avons besoin de voix fortes et justes pour dire la justice. 7- Contrer la désinformation: la guerre est totale, monstrueuse. Celle de la désinformation est majeure, notamment de la part de ceux qui ne prononcent pas une seule fois les mots colonisation, sionisme, oppression, blocus, crimes de guerre...camp de concentration, génocide, questions au coeur du problème. 8- Dénoncer l'injustice: attachés au vivre-ensemble, certes, mais aujourd'hui il faut le dire: cette guerre démentielle, qui bafoue tous les principes humains et les positions des puissances dominantes, malgré l'hétérogénéité des points de vues, UE, USA, ONU, sont choquantes. Le Vatican s'est enfin exprimé avec clarté ce 8 janvier, l'histoire retiendra. L'essentiel: l'injustice est la source des maux. Il s'agit de dénoncer le problème de fond. Car, c'est à force de demi-mesures, de fuites en avant et de tergiversations que l'on reporte la solution des problèmes et que l'on ruine la possibilité d'un avenir. 9- Les protestations pacifiques: elles doivent absolument continuer, par-delà tous les clivages et toutes les différences. En refusant toute forme de haine et de violence, car celles-ci sont vouées à l'échec. Il s'agit de ne pas simplement protester avec fermeté, ce qui est une obligation de solidarité, mais de soutenir et proposer des voies pour mettre fin à l'injustice meurtrière que subit le peuple palestinien et amener les uns et les autres à se reconnaître. 10- Les leçons: il est vital de tirer les leçons de la situation tragique, en corrigeant nos faiblesses. Au Nord, on doit comprendre que nous sommes un voisin, un partenaire, que l'on ne peut pas réduire à une périphérie et à un statut de menace. Il est donc temps d'examiner le Plan de paix arabe soumis depuis 2002, sur la base du retrait des terres occupées par la force en 1967 en échange de la normalisation totale, car tous les peuples de la région ont le droit à la paix et à la sécurité. L'avenir est commun ou il ne le sera pas. Les sociétés de la rive Sud, doivent, à court terme, utiliser tous les moyens de pression possibles, et sur le long terme, changer le rapport de force, par de profondes réformes, en vue de retrouver l'élan historique propre aux civilisations, sortir de la logique victimaire et du risque de retomber dans le «colonisable». Il n'y a pas d'alternative au vivre-ensemble, par la résistance, la solidarité et la clairvoyance, ne les laissons pas fermer l'horizon. (*) Philosophe, président du Forum des intellectuels algériens www.mustapha-cherif.net