Dans le sillage de la semaine culturelle qu'organisent, conjointement, l'école régionale des beaux arts et l'académie des arts catalans, un hommage particulier aura été rendu au dramaturge Abdelkader Alloula. Déjà, au niveau de l'exposition qu'accueille le grand patio de la sublime demeure qui tient lieu de siège à l'école, deux insoutenables images sont accrochées au mur. Il s'agit de deux photographies prises lors des funérailles de Alloula en 1994 par Mostéfa Abderrahmanne, également grand ami de l'artiste. C'est lui qui évoquera, lors d'un entretien, les autres multiples facettes de celui que Feu Zoubida Haggani nommera le lion d'Oran. C'était un immense cri de douleur à l'adresse des oranais et des oranaises qui l'auront parfaitement entendu, car c'est suite à cet instant grave et solennelle qu'ils défieront en une interminable procession à travers les principales artères d'Oran, l'hydre intégriste dont les mains criminelles venaient d'assassiner l'irremplaçable homme de culture. Mais, plus que l'auteur dramatique et le metteur en scène, Abderrahmane Mostéfa évoquera également le côté humanitaire que peu de personnes connaissaient de lui. C'est également cette facette qui sera davantage développée lors d'une mémorable conférence débat par Ben Achour Bouziane qui était venu spécialement depuis Oran pour apporter sa touche personnelle à un hommage qui se voulait iconoclaste. Le public parmi lequel on reconnaissait le peintre Oulhaci, les artistes et autres enseignants des beaux arts, à l'instar de Djeffal Adlène, Saïd Chander, Mohmed Djelloul, Saîd Deblaji, s'honorait également de l'arrivée de Habib Ammar, cet émigré bourlingueur qui passe son temps à conter les histoires les plus croustillantes des deux rives et qui ne rate aucune occasion pour partager sa soif de culture. Venu pour parler de son livre « Algérires », sur lequel nous reviendrons plus tard, il se joindra avec joie à cet hommage que les initiateurs de la caravane catalane tenaient obstinément à organiser dès l'étape de Mostaganem. C'est avec une précision de romancier que Ben Achour Bouziane parlera de l'autre vie de Abdelkader Alloula auprès de qui il aura passé pratiquement un quart de siècle. Tour à tour, acteur dans la troupe, puis auteur dramaturge et, enfin, journaliste et incontournable critique d'art, ce romancier oranais nous invitera à travers les aspects les plus inattendus de Alloula. Solennel et ému, le public en apprendra sur la vie caritative et associative que seul un grand humaniste pouvait assumer. C'est non sans émotion que transparaîtra à travers le récit de Ben Achour Bouziane la grande humilité et l'incommensurable humanisme de Alloula. Plus que le lion rugissant sur les planches de la vérité, ce sera un homme d'une éternelle sagesse et d'une forte sensibilité qui transparaîtra au travers du portrait fait par son ami de toujours. C'est ainsi qu'il faudra comprendre l'énorme émotion que les photos de Abderrahmane restituent pour l'éternité.