Ils sont plus de 10 000 faux moudjahidine découverts depuis le début de l'opération d'assainissement des listes en 1968. Le nombre a été révélé, hier, par le ministre des Moudjahidine, Mohamed Chérif Abbas, lors d'une conférence consacrée, entre autres, au programme des festivités du 50e anniversaire du 1er Novembre 1954. Même si certains estiment qu'il ne s'agit là que de la face visible de l'iceberg, ce nombre reste cependant important, lorsqu'on sait que, pour pouvoir bénéficier de l'attestation d'ancien combattant, il est impératif de réunir deux témoins, des moudjahidine au-dessus de tout soupçon. Y a-t-il eu de faux témoignages de la part de ces derniers ? Selon le ministre, plus de 50% des faux moudjahidine recensés sont dus à un « mauvais contrôle de l'administration ». L'opération d'assainissement des listes, a-t-il ajouté, est en passe d'être bouclée. Si sa conférence a duré presque deux heures, M. Abbas n'a toutefois voulu répondre de façon expéditive qu'à trois questions, avant de lever la séance. On n'en saura donc pas plus sur le nombre exact de moudjahidine et le pourcentage de ceux ayant usurpé cette qualité. Les faux combattants ont été sommés de rembourser les pensions et autres indemnités au Trésor public et de restituer les attestations qui leur ont été délivrées. La séparation du bon grain de l'ivraie a par ailleurs débouché sur une autre surprise : ceux qui crient aux faux moudjahidine, selon le premier responsable du département, sont de fait des harkis et d'anciens collaborateurs de la France coloniale ! « Lorsqu'ils (les intrus, ndlr) ont désespéré de se voir réintégrés dans le corps des moudjahidine, car les décisions d'exclusion étaient justes, et se sont vus obliger de rendre les indemnités et les attestations, ils ont porté le slogan de faux moudjahidine », a répliqué le ministre, indiquant que cette question porte préjudice à la Révolution algérienne. Combien de harkis y a-t-il encore en Algérie ? Occupent-ils de hautes fonctions dans l'administration ? Sachant que bon nombre de harkis, qui ont pris le chemin de l'exil pendant le cessez-le-feu entre mars et juillet 1962, restent toujours interdits de séjour en Algérie. De plus, le ministre a définitivement clos ce dossier en affirmant qu'il saurait y avoir de pardon pour eux. « Le pardon est impossible, ni aujourd'hui, ni demain, ni pour cette génération, ni pour les futures. Le peuple algérien ne peut oublier nos moudjahidine, nos chouhada et notre lutte », a-t-il tranché, ajoutant que « l'Algérie est souveraine dans ces décisions ». L'affaire des faux moudjahidine a pris une tournure particulière en mars 1992, lorsque le journal L'Hebdo Libéré a publié une enquête sur les « magistrats faussaires », lesquels avaient usé de fausses attestations de moudjahidine pour avancer dans leur carrière. L'affaire avait été révélée par un ex-fonctionnaire du ministère de la Justice, Benyoucef Mellouk en l'occurrence. Lors de sa conférence, le ministre des Moudjahidine a également adressé une mise au point aux appels à l'indemnisation des pieds-noirs, des appels répercutés de manière persistante ces derniers temps par les médias étrangers : « Comment peut-on indemniser ceux qui ont exproprié par la force les terres des Algériens pour faire de ces derniers par la suite des esclaves. Et qui a droit aujourd'hui à l'indemnisation, celui qui a été dépossédé de sa terre natale ou celui qui l'a exproprié par le feu et le sang ? », a-t-il rétorqué. Écrire l'histoire Toutefois, le ministre a souligné que cette question n'affectera pas les relations entre l'Algérie et la France qui s'apprêtent à signer en 2005 un traité d'amitié. S'agissant des festivités pour la commémoration du 50e anniversaire du 1er Novembre 1954, le ministre des Moudjahidine, qui préside la commission nationale de préparation des cérémonies commémoratives des journée et fêtes nationales, a surtout insisté sur l'écriture de l'histoire. Les moyens financiers ont donc été destinés prioritairement à ces œuvres qui laissent des traces, au détriment des galas. Une centaine d'ouvrages nationaux et étrangers sur la Révolution algérienne seront édités ou réédités, puis distribués gratuitement dans les écoles, les bibliothèques et dans d'autres institutions. Parmi les ouvrages retenus, Services spéciaux, Algérie 1955-1975, le livre-témoignage de l'ancien général Aussaresse où celui-ci reconnaît la torture puis l'exécution de Larbi Ben M'hidi, alors que la version officielle française le présente comme un suicide. Le professeur Aboulkacem Saâdallah verra, quant à lui, une trentaine de ses ouvrages réédités. S'ils respectent les délais, les 38 unités de chercheurs installées par le ministre des Moudjahidine devraient à la fin de l'année 2004 remettre 38 titres sur l'époque coloniale. Une centaine de centres de tortures seront par ailleurs restaurés. Au programme des grandes manifestations : trois colloques internationaux, 5 colloques nationaux, des conférences et des tables rondes dans les 48 wilayas du pays, où prendront part des moudjahidine. Un maigre programme qui a nécessité une enveloppe de 2 milliards de dinars. Mais au sein de la commission de préparation, on estime cela « satisfaisant » quand on sait que les festivités allaient carrément être annulées en raison du séisme du 21 mai 2003 et de l'élection présidentielle d'avril 2004. Les préparatifs n'ont, en effet, retrouvé leur rythme de croisière qu'après cette échéance électorale.