On ne se fait plus la guerre pour des territoires. Du moins, de plus en plus rarement, mais en tout cas ce qu'ils contiennent suscitent toutes les convoitises. Ainsi en est-il de l'eau, une menace accrue par le dérèglement planétaire. L'on parle de plus en plus de l'or bleu. La Banque mondiale n'a pas manqué d'attirer l'attention sur ce risque. On savait aussi que la course pour l'énergie se fait de plus en plus intense. Et tous les coups sont permis. Certains n'hésitent pas à bousculer la notion de chasse-gardée afin d'avancer leurs pions et d'être présents à l'heure du partage. C'est-à-dire décrocher les fameux permis de recherche. Cela se fait à coups de surenchères financières ou économiques. Mais ne voilà-t-il pas que le très sérieux SIPRI (institut international de recherche pour la paix basé à Stockholm) affirme avec le ton qui le caractérise que la raréfaction du pétrole et du gaz dans l'avenir pourrait créer de nouveaux conflits à travers le monde, pas seulement au Proche-Orient. « Bien que la plupart des Etats considèrent aujourd'hui le déclenchement d'un conflit armé comme une mesure extrême, il est probable que des conflits internes surgissent en raison des ressources énergétiques, particulièrement en Afrique », a averti le SIPRI. « L'importance stratégique de régions riches en réserves de pétrole et de gaz va certainement augmenter. Pas seulement le Proche-Orient, mais aussi l'Afrique, l'Asie Centrale, l'Amérique du Sud, et l'Asie du Sud-Est seront potentiellement des zones de conflits dans les décennies à venir », selon le rapport annuel publié hier. Les inquiétudes sur les questions de sécurité liées aux besoins en énergie ne sont pas nouvelles. Elles provenaient de différents facteurs : croissance toujours plus forte de la demande mondiale, hausse des prix du pétrole, dépendance accrue des importations et la perspective de pénurie de pétrole et de gaz. Mais les risques sont accrus, selon le SIPRI, par d'autres facteurs, allant du terrorisme aux phénomènes climatiques. « Les inquiétudes sont aussi accrues par des événements extérieurs comme des attaques terroristes contre des infrastructures énergétiques, des pannes d'alimentation de courant, des ouragans dans le Golfe du Mexique et l'instabilité dans certains pays producteurs », souligne encore le rapport. Au Proche-Orient, « le facteur peut-être le plus troublant qui pourrait former les dynamiques à venir sur la sécurité de la région est l'expansion continue de l'influence de l'Iran », indique l'institut de recherche. Selon lui, l'Iran pourrait « à tout moment » tenter de bloquer le détroit d'Ormuz où transitent 17 millions de barils de pétrole par jour, soit environ 20% de l'approvisionnement mondial. La conclusion est imparable : pour le SIPRI, les questions sur la sécurité énergétique doivent être repensées globalement, l'institut estimant que des approches nationalistes, comme on le voit dans certains pays, ne sont « pas une bonne formule ». « Une coopération internationale plus large pourrait créer davantage de confiance et réduire les tensions entre les principaux acteurs, améliorant ainsi la sécurité future des approvisionnements en pétrole et en gaz pour tous », poursuit le rapport. « Seule une percée dans le développement des sources alternatives d'énergie, et notamment de nouveaux types de combustibles pour les transports, pourrait réellement modifier en partie ces prévisions », indique encore le SIPRI. Selon l'institut, le développement de l'énergie nucléaire aurait pour conséquence de « créer de nouvelles préoccupations sécuritaires ». Que faire alors pour continuer à faire tourner la puissante machine économique mondiale avec chaque jour de nouveaux besoins ? Des habitudes sont bousculées. Fini alors le temps des certitudes ?