Des armes, du fuel, du cash, des munitions et du ravitaillement sont en train d'être distribués à certains groupes armés sunnites irakiens de la part de… l'armée américaine dans le but de combattre d'autres groupes sunnites « affiliés à Al Qaïda ». C'est l'information livrée par le New York Times, dans son édition du 10 juin, dans un article qui évoque une « nouvelle stratégie » des commandants de l'armée américaine en Irak et qui cite des hauts responsables militaires nommément. « En échange de l'aide américaine, affirment ces officiels, les groupes sunnites ont accepté de combattre Al Qaïda et d'arrêter les attaques contre les unités américaines. Les commandants qui ont mené ces négociations affirment que, dans certains cas, des groupes sunnites ont accepté d'alerter les troupes américaines sur les lieux où ont été dissimulés des engins explosifs et des mines », écrit le New York Times. Cette « nouvelle stratégie », qui a commencé à être utilisée « avec succès » dans la région de Anbar à l'ouest de Baghdad et dans trois autres régions du pays, sera donc bientôt élargie à tout le territoire irakien, affirment encore les sources militaires du NYT qui s'attendent à une pluie de critiques de la part de ceux, aux Etats-Unis, qui jugent inacceptable que l'armée américaine finance et arme des groupes qui peuvent se retourner contre leurs GI's et qui, de plus, « peuvent avoir été impliqués dans des attaques contre l'armée américaine par le passé ». Pour éviter donc le maximum de critiques dans l'usage de cette « nouvelle stratégie » vieille comme le monde, les généraux américains affirment au journaliste du NYT qu'il est hors de question que ce soutien militaire aille à des personnes impliquées dans des attaques anti-américaines, ce qui, dans cet article très sérieux, prend des allures de dialogues hollywoodiens. « Si les Américains qui négocient avec des groupes sunnites, affirme le général-major Rick Lynch au journaliste du NYT, ont des informations spécifiques que ces groupes ou quiconque de leurs membres ont tué des Américains, la négociation se déroulera comme suit : ‘'Vous êtes en état d'arrestation et vous venez avec moi.'' Je ne vais pas aller négocier avec des gens qui ont du sang américain sur leurs mains. » En dehors du détail pour le moins raciste que seul le crime d'avoir du « sang américain sur les mains » semble faussement émouvoir les militaires américains – car ces insurgés sunnites affirment eux-mêmes, dans cet article, avoir jusque-là combattu les troupes américaines ! –, l'armée américaine veut surtout rassurer quant au bon usage de l'armement qu'elle fournit à ses nouveaux « freedom fighters ». Ainsi, il est longuement expliqué au lecteur que, pour éviter que les armes de l'Amérique ne se retournent contre elle, des conditions draconiennes précèdent la livraison d'armes et autres équipements aux insurgés sunnites : « L'une des conditions imposées par le commandement américain, qui s'est réuni à Baghdad, est de faire subir des tests biométriques qui incluent les empreintes digitales et des scanners de la rétine des combattants de groupes bénéficiant d'armes. Les conditions américaines incluent aussi, ajoutent les hauts officiers, l'enregistrement des numéros de série de toutes les armes, mesures qui aideront à suivre la trace des combattants qui utiliseraient ces armes dans des attaques contre les troupes américaines ou irakiennes. » L'hostilité du gouvernement de Nouri Al Maliki contre cette alliance – « Nous nous battons pour désarmer les milices dans ce pays, pourquoi donc en rajouter de nouvelles ? », s'insurge un conseiller de Maliki au NYT – n'a pas l'air de peser beaucoup dans la balance. Il est difficile, disent encore les militaires américains, de faire la part des choses. « Vous savez, ici, ce n'est pas blanc ou noir », dit encore le général Lynch qui cite les propos de certains des insurgés qu'il compte bien armer. « Ils nous disent : ‘'Nous vous détestons parce que vous nous colonisez, mais Al Qaïda est pire, et nous détestons encore plus que tout les Persans. » Les militants sunnites appellent Persans tous les chiites irakiens en référence aux liens forts entre les chiites d'Irak et les chiites qui prédominent en Iran.