L'explosion, mercredi dernier, d'un pipeline de gaz à l'intérieur même de l'entreprise Alzofert, remet encore sur le tapis ce qui est devenu la hantise des populations de la région. En effet, l'industrialisation de la région d'Arzew a été initialement conçue comme un facteur privilégié de la politique d'aménagement du territoire et surtout de développement socio-économique de la localité. Cependant, cette décision a opéré de profondes mutations socioculturelles et, par conséquent, n'a pas assuré un développement harmonieux. L'objectif économique des années de l'industrie industrialisante imposa alors une logique économique implacable qui a totalement perverti le concept de l'aménagement de l'espace et a induit un important flux migratoire des populations des communes avoisinantes et de la métropole oranaise. Des populations totalement enclavées L'importance de l'activité industrielle dans la région a généré une forte demande en main-d'œuvre qualifiée, qui était indisponible localement à l'époque et qu'il fallait sédentariser sur place pour répondre aux besoins du travail de rotation par équipes. Cet état de fait a engendré la création de plusieurs groupements d'habitations en préfabriqué, car il fallait aussi répondre au plus urgent. Ces groupements qu'on appelle communément camps, sont situés en plein périmètre de sécurité de la zone industrielle. En effet, entre les localités d'Arzew et de Bethioua, il existe plusieurs zones d'habitations (camps 7, 8, 9, Phénix...) qui réunissent à elles seules une population évaluée à environ 15 000 personnes. Situées à l'intérieur du périmètre de la zone industrielle, elles sont soumises à une pollution constante et se trouvent, par leur position géographique, totalement isolées. Ces populations, non seulement, se retrouvent totalement dépaysées, mais inadaptées à un milieu hostile. En dehors des taxis collectifs qui font d'incessants va-et-vient, au gré des chauffeurs et autres receveurs, les riverains font, la plupart du temps, de la marche, qui rappelle étrangement les files indiennes, tout le long d'un tronçon de deux kilomètres. Ils ne disposent d'aucun moyen de liaison, ni téléphone ni unité médicochirurgicale, une infrastructure indispensable, vu leur proximité de la zone industrielle et du risque permanent auquel ils sont exposés. Concernant les espaces verts, aires de jeux et autres lieux de distraction, « c'est un luxe auquel personne ne pense », dira un riverain du camp Phénix. Des ghettos des temps modernes Un autre habitant dira en substance : « Il est inconcevable, voire aberrant de concevoir une telle concentration humaine au cœur même de la zone industrielle. Sans compter toutes les incommodités sur le plan de l'infrastructure d'accompagnement et de l'indisposition que cela engendre sur le plan de la santé. Car, en terme de pollution, on est les premiers servis. Le comble de l'ironie, une telle concentration humaine avec une seule voie d'accès constitue un véritable cul-de-sac. Imaginez ce qui pourrait arriver en cas de problème. » En effet, la bretelle de la route nationale n° 32, qui desservait la localité de Aïn El Bya et certaines bases de vie, a été déclassée par décret. Ce qui a permis son intégration dans le périmètre de la zone industrielle et, par là même, d'isoler totalement cette partie de la région. Un autre habitant du camp Phénix dira : « Nous sommes réduits à vivre dans des conditions insoutenables. Si vous ne disposez pas d'un véhicule, c'est la galère la plus humiliante ; pour faire le moindre des achats, il faut se déplacer à Bethioua, alors, lorsqu'on a un malade dans la famille, je ne vous dis pas. En un mot, on vit dans un véritable ghetto ! » Cette situation perdure depuis déjà une dizaine d'années et les habitants des différentes bases de vie n'ont pratiquement pas droit aux infrastructures les plus élémentaires, et on exige d'eux, en plus, d'être performants et efficaces sur le plan professionnel. En tout état de cause, il est incontestablement reconnu qu'un cadre de vie agréable et des conditions de vie viables sont le meilleur moyen de rentabilité et d'efficacité économique.