L'HéRITAGE INSTITUTIONNEL COLONIAL Comment tolérer un système judiciaire qui vous repousse votre affaire pour laquelle vous avez honoré un avocat, pour vice de forme ? Tous les vices de forme ? Alors qu'au fond, une justice bien administrée vous réhabilite dans vos droits. Est-ce si difficile de charger un greffe de tribunal, assisté d'un juge spécialiste de la question, de réorienter une affaire vers telle section compétente ou tel tribunal territorial et notifier la chose aux parties ? Pour préserver l'emballement de la machine judiciaire, qui coûte aux contribuables, et qui va accoucher d'un jugement de rejet en la forme qui ne satisfait personne ! S'est-on interrogé sur les conséquences et implications d'une telle action publique sur le moral des citoyens (au démarrage du système, ils étaient analphabètes à 97%, résultat de l'œuvre « positive » coloniale) qui ne comprennent pas qu'un avocat payé, souvent au prix de privations, peut aussi se tromper en incorporant une affaire par-devers un tribunal incompétent ? Combien d'Algériens ont secouru des accidentés de la route, se sont vu accusés d'être les auteurs des accidents, ce qui a fini par aboutir à voir les automobilistes refuser tout secours… à cause du formalisme et de la procédure bureaucratiques du système colonial que vous ne pouvez réformer que si vous le connaissez à fond la caisse. C'est exactement ce que nous avons fait, ici en Algérie, par le jeu d'une loi célèbre qui a reconduit en bloc l'ordre ancien au 31 décembre 1962 (avec ou sans rupture, la question a été posée par d'éminents juristes dont Ahmed Mahiou). Si l'on vous soumet pour examen comparatif le modèle français applicable en France et en Algérie, vous allez tout de suite vous rendre compte que l'architecture des Etats français et algérien, mis à part à l'école et aux université où l'on enseigne les mêmes règles, ne se rencontrent pas assurément comme deux droites parallèles. Il y a maldonne quelque part parce que si le système français, en France, se porte plutôt bien, en Algérie, il y va tout autrement ; il n'y a qu'à voir dans le domaine de la justice, en particulier, et dans tous les domaines, en général. Or, dans nos universités et à l'Ecole nationale d'administration, dont nous sommes issus, on vous enseigne, à la marge, les institutions musulmanes qui ont existé dans l'histoire des nations, des peuples, tribus, peuplades, appelons-les comme on veut, ces mêmes institutions qui ont été prises en butin de guerre par les empires coloniaux : le service public, la police des marchés, le Trésor public, l'école, les impôts, l'armée, la police de l'eau, des poids, des mœurs, la justice, etc. ont bel et bien existé chez les musulmans avec le droit afférent à chaque domaine de la vie des gens et leurs rapports aux autorités. On atteste que Napoléon a écrit son droit civil de 1804 à Alexandrie en Egypte après avoir monté sa campagne sur la base d'une occupation de territoire sans maître « terra nulius ». Il était frappé d'étonnement par le degré de civilisation des autochtones qui disposaient d'un droit de voisinage, à titre d'exemple, dont ni lui ni ses troupes n'ont jamais entendu parler. Pour s'assurer de ces dires, les juristes savent que pas mal de théories juridiques musulmanes ont été reprises dans le code napoléonien, vérifiables et vérifiées, notamment par d'éminents juristes d'Egypte (théorie de la compensation, en simple exemple). Demandez-vous pourquoi l'Angleterre n'a pas de Constitution écrite et pourquoi la jurisprudence judiciaire fait loi en continu dans le temps, alors vous serez édifié par les réponses qu'eux-mêmes ont trouvées chez les musulmans. Sur un autre registre, on vous enseigne que ce sont les Français qui ont découvert et formulé les règles et principes du droit administratif, pour ne pas dire tout le droit public, ce qui est totalement faux, preuve en est qu'une seule référence d'histoire suffit à renvoyer les Français revoir leur assertion : les statuts gouvernementaux qui traitent de ce sujet ont été écrits au XIIe siècle grégorien par l'imam El Ghazali. Enfin, pour enrichir la pensée politique, l'Islam bien compris, se veut religion et culture. Comme religion, il est par décret divin « démocratique » puisque la liberté est donnée à l'homme de croire ou de ne pas croire (verset 29 du chapitre Al Kehf). C'est le seigneur des mondes qui donne ce droit à chacun. Et à chacun, il a promis la récompense qui sied à son statut de croyant ou de mécréant. Un musulman sensé ne doit pas chercher des poux dans la tête des chauves. La foi, logée dans les cœurs, ne regarde que le Créateur. Comme culture, l'Islam est démocratique dans la formation politique des idées et des projets. Les principes de majorité et respect des libertés privées et publiques sont consacrés. Mohammed (QSSSL) s'est déjugé volontairement par une célèbre citation : Ahlou Mekka adhra bi chiaâbiha (les gens de La Mecque sont à même de gérer leurs affaires) pour dire aux gens que les affaires de la cité doivent être gérées entre eux et entre elles. Une Assemblée législative est nécessaire car la charia' n'a pas organisé le système de santé publique, ou l'organisation des activités commerciales, ou l'école, ou le code la route ou les relations internationales d'un Etat, etc. Comme culture, il ne faut dénier à personne le droit de citer Mohammed l'homme comme on cite Rousseau, Locke ou Marx. La dimension humaine de Mohammed fut plus longue que sa dimension prophétique : 40 ans contre 23 de prophétie. C'est en découvrant Mohammed l'homme, qu'on découvre Mohammed le Prophète (QSSSL). A notre humble avis, nous avons besoin, nous musulmans d'aujourd'hui, d'emprunter, à autrui, la méthodologie qui va nous permettre de scinder le Coran en un Coran public et un Coran privé, sans que l'on touche au dogme immuable. C'est ainsi que la Cité Etat sera organisée autour des libertés publiques et des libertés privées dont le culte musulman fait intégralement partie de ces dernières (« Point de contrainte en religion », Coran). En conclusion, nous devons évoluer en termes de capacité d'acceptation des idées des autres pour encourager nos savants à valider la thèse de la démocratie musulmane qui va permettre aux enfants d'un même pays, religieusement musulmans majoritaires, de vivre en parfaite cohérence et cohésion sociale leur antagonisme politique pacifique pour réaliser l'alternance au pouvoir, créer l'Etat de droit et la société organisée autour de ses institutions voulues séculaires (une droite, une gauche et un centre musulmans, c'est vraiment possible). Il ne faut pas croire que le jeu est fermé parce que les règles sont plombées. Les musulmans comme les hommes des autres civilisations et cultures sont perméables aux idées de progrès, si liberté est laissée à leurs penseurs de les aiguiller. Dès que vous mettez les penseurs en prison, ils se referment sur leurs carapaces endurcies par 15 siècles de vie terrestre. C'est ainsi aussi qu'ils comprendront que ce ne sont pas les tôliers et les plombiers qui construiront l'Etat musulman moderne (chacun son métier et les vaches seront bien gardées. N'est-ce pas ?). L'instauration d'un Etat de droit est, sans aucun doute, la clé : mais quel droit pour notre Etat ? Sachez que l'Islam invite à dire à la face d'un tyran une vérité pour laquelle il lui préfère mille prières, d'où le besoin de démocratie pour éviter l'émeute et le désordre. Sachez aussi qu'Omar (Allah soit satisfait de lui) a dit qu'il serait heureux de voir que dans sa Oumma, il y aura toujours quelqu'un prêt à le redresser même avec la force de l'épée. Aussi, il y a lieu d'enrager quand vous voyez le MDS, un parti des masses laborieuses, ne pas remplir une salle de petite contenance parce qu'on lui colle l'étiquette communiste « marxiste-léniniste ». Alors que pour nous, nous voyons dans le MDS une formation de patriotes formés politiquement, à la conscience politique aiguisée, comme nulle part ailleurs. Nous aimerions les voir comme des communistes musulmans parce qu'ils ne s'en cachent pas d'être des musulmans de religion (déclaration à la télé de feu El Hachemi Cherif, Allah ya rahmou). Enlevez Marx pour mettre Mohammed dans la théorie de la plus-value, du temps social, de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la lutte des classes, des politiques de développement et vous allez voir que le MDS ramènera dans son sillage les trois millions de voix du FIS dissous. Parlez-leur au nom de l'Islam culturel, le culte ils le connaissent assez bien… Il ne s'agit pas d'un hold-up scientifique, les droits d'auteur seront garantis, mais simplement un emprunt à la modernité pour y inclure ce que le peuple large comprend. A voir de près, l'Islam est communiste, socialiste et libéral à la fois mais sur le socle de la foi en Dieu. Mettons-nous d'accord pour séparer le cultuel du culturel, pour ne pas exclure, et gardons-nous de nous espionner les uns les autres comme recommandé par le Coran.