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«Les leviers de commandes sont toujours au fln»
LE SECRETAIRE GENERAL DU FLN, ABDELAZIZ BELKHADEM, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 16 - 02 - 2009

Abdelaziz Belkhadem refuse d'admettre que le RND a pris une longueur d'avance sur le FLN, notamment dans la direction de la campagne électorale: «Nous n'avons pas de titres mais nous avons les leviers de commandes.» Il nie l'existence d'un malaise dans l'organique de son parti, il évoque le qualificatif de «les jeux sont faits» et il ne croit pas à une abstention durant le prochain scrutin. Pour sa carrière c'est par hasard s'il s'est retrouvé dans des postes de responsabilité et affirme qu'il n'a pas l'ambition de devenir président de la République. Suivons ses propos dans cet entretien.
L'Expression: Le Président a annoncé officiellement sa candidature, jeudi dernier, pourquoi a-t-il attendu autant pour le faire? Est-ce que les conditions n'étaient pas réunies auparavant?
M. Belkhadem: Non, je ne crois pas que ça soit un problème de conditions. Le Président a peut-être choisi le bon moment pour annoncer sa candidature. Vous savez, le Président mûrit très longtemps ses décisions, je suppose que, comme il l'a fait pour la révision constitutionnelle, il a dû mûrir sa décision. Vu qu'il a convoqué le corps électoral pour organiser le futur scrutin présidentiel, le compte à rebours a, de ce fait, commencé. A mon avis, il a préféré peut-être, pour ne pas dissuader les candidatures, repousser le plus possible l'annonce de sa candidature.
A 52 jours du scrutin, la scène politique est frappée de morosité, comment expliquez-vous cette situation?
Je ne crois pas que ça soit de la morosité. De mon point de vue et de ce que je constate lors des élections présidentielles, il y a eu toujours un engouement et il y aura un engouement. Maintenant, la campagne officielle n'a pas encore commencé, c'est le 19 mars qu'elle débutera tel que prévu par la loi. Les prémices d'une campagne ne peuvent apparaître que lorsque les candidats seront connus et leurs programmes aussi. Je suppose que dans dix jours s'achèveront les délais légaux de dépôt de dossiers au niveau du Conseil constitutionnel qui va statuer sur la validation ou l'invalidation des candidatures. C'est à partir de ce moment là, que l'on verra les frémissements de la scène politique et je suis sûr que la campagne sera intense et pleine et intéressera beaucoup d'Algériens.
Le président sortant souhaite être élu avec une majorité écrasante, mais le spectre de l'abstention plane sur cette élection. Qu'allez-vous faire pour dissuader les abstentionnistes?
Honnêtement, je ne sais pas si on doit parler du spectre de l'abstention puisque, là encore, il ne faut pas en faire une angoisse injustifiée. Il est vrai que le taux de participation aux législatives de 2007 était relativement faible, mais là, il s'agit de l'élection présidentielle. Je tiens à préciser que tous les scrutins présidentiels précédents ont montré qu'on avait dépassé de peu ou de plus les 50%. Je n'ai pas une crainte pour ce qui concerne le prochain scrutin. Maintenant, le Président veut être élu à la majorité écrasante, quoi de plus légitime comme attente! Car, un président qui est élu par la majorité d'Algériens et d'Algériennes est un président qui peut se prévaloir de cette légitimité populaire pour mener à bien son programme et surtout pour participer à une profonde réforme institutionnelle du pays.
Que pensez-vous de l'expression «Les jeux sont faits»?
Sur ce point, je crois qu'il y a deux aspects à ce que vous appelez comme constat. «Les jeux sont faits» ça ne veut pas dire qu'il y a tricherie et qu'il y a falsification, peut-être les gens qui disent que les jeux sont faits parce que le candidat ayant été président de la République et ayant prouvé par des résultats probants qu'il honore ses engagements en matière de Réconciliation nationale, en matière de développement et de restauration de l'image de l'Algérie sur le plan international, considèrent qu'il a plus de chance d'être élu -pour nous réélu- c'est pour cela qu'ils disent que les jeux sont faits. Il ne faut pas faire une lecture négative de cette appréciation. En tout cas, le jeu n'est pas fermé. Rien n'interdit aux candidats, qui remplissent les conditions fixées par la Constitution, de se porter candidat et de pouvoir convaincre les électeurs pour qu'ils soient élus.
Le neuf janvier dernier, des milliers d'Algériens ont manifesté leur soutien à Ghaza, bravant ainsi la loi interdisant les marches au niveau de la capitale. Quelques jours avant cette démonstration de force, les partis de l'Alliance, le PT et l'Ugta réunis, arrivaient à peine à remplir la salle de la Maison du peuple!
Non, ce n'est pas le fait que les partis de l'Alliance et des travailleurs n'ont pas réussi ou n'arrivaient pas à remplir la salle. Il faut replacer toute chose dans son contexte. Rappelez-vous que c'était un jour d'intempérie, il y avait beaucoup de monde à la place du 1er-Mai et à la Maison du peuple. D'ailleurs, nous sommes arrivés avec une heure et demie de retard. Pour dire que la salle n'était pas pleine, je tiens à préciser qu'il y avait une double sonorisation à l'intérieur et à l'extérieur. Ce n'est pas que les partis ne sont pas capables de mobiliser, ils sont capables de mobiliser, mais il y a une solidarité spontanée qui s'est exprimée par les Algériens à travers les écrits de journalistes, hommes de plume, les manifestations de soutien, des prêches, les actions des associations et, bien sûr, à travers les partis politiques comme expression politique du peuple algérien, les partis politiques dans leur diversité, il n'y pas une seule voix discordante.
Le FLN était le premier à avoir appelé au troisième mandat et à la révision de la Constitution, comment expliquez-vous son absence du staff dirigeant la campagne. Des militants estiment que le FLN a perdu du terrain par rapport au RND...
Nous n'avons pas perdu de terrain et nous ne perdrons pas de terrain sur ce qui nous permet de réaliser un objectif commun parce que là nous ne sommes pas seuls. Les partis de l'Alliance soutiennent le candidat Abdelaziz Bouteflika. L'objectif est de faire élire et bien élire le candidat Abdelaziz Bouteflika. Concernant le staff de campagne, rien ne nous empêche de meubler autant que nous voulons le staff. Le staff n'est dirigé par aucun parti. Abdelmalek Sellal n'appartient à aucun courant politique. Là, il faut rétablir les faits. Je ne dirais pas qu'il est apolitique, mais il n'est pas structuré dans une formation politique donnée. Ceux qui aident M. Sellal sont nombreux et représentent tous les partis politiques qui soutiennent le candidat Bouteflika, y compris le FLN et même des personnes non structurées dans les partis politiques. La compétition n'est pas pour occuper des postes, mais à qui mobilisera plus sur le terrain. A qui permet au candidat Bouteflika d'avoir plus de voix. Nous n'avons peut-être pas les titres mais nous avons les leviers des commandes. Ceux qui s'occupent des relations avec les partis et les associations, du financement de la campagne, de la couverture Internet et des liaisons avec les mouvements des jeunes sont tous des militants et cadres du FLN.
Vous pensez pouvoir mobiliser plus que le RND?
Je ne dirais pas ça. Bien sûr, nous sommes la première force politique du pays. Nous avons l'ambition non seulement de mobiliser plus, mais d'être la locomotive de l'activité politique du pays. C'est ce que nous avons fait d'ailleurs pour la révision de la Constitution.
Nous avons remarqué que ça ne marche pas bien au niveau de l'organique de votre parti. Pour preuve, il n'y a pas, en ce moment, de mouvement de campagne dans les coulisses?
Nous avons engagé cette bataille il y a très longtemps. Il ne faut pas nous mesurer avec les mêmes éléments d'analyse que ceux qui ont commencé hier. Non pas parce que nous sommes essoufflés, pas du tout! Car nous passons d'une étape à une autre. L'étape de la mobilisation politique, je ne dis pas mobilisation militante, a commencé lorsque nous avons proposé l'amendement de la Constitution. Si vous constatez qu'il n'y a pas actuellement l'ambiance de 2004, je tiens à vous préciser qu'à l'heure où je vous parle nous sommes à 280.000 signatures de citoyens et de milliers de signatures des élus. Nous avons organisé notre travail pour qu'il se fasse à travers tout le pays. C'est une fois la campagne électorale commencée, que vous allez voir l'action de ce mouvement. Rassurez-vous que nous avons réuni l'instance exécutive du FLN et nous avons installé nos staffs de campagne au niveau des mouhafadhas. Je précise une chose, le terrain ce n'est pas le siège du FLN. Il faut changer d'habitude. Au lieu de voir les gens affluer vers le siège du parti pour recevoir des instructions et tenir des réunions, il incombe aux directions de partis à l'échelle de chaque wilaya, de s'organiser et de pouvoir tisser un réseau à travers les comités de quartiers et le mouvement associatif pour mobiliser le maximum, et ce n'est pas en venant ici au siège du parti.
Justement, à propos de la révision profonde de la Constitution, que propose le FLN comme amendement. Allez-vous remettre sur le tapis la proposition du poste de vice-président?
Nous n'avons jamais proposé le poste de vice-président. J'ai eu à répondre plusieurs fois a cette question. On n'a jamais proposé de poste de vice- président dans la mouture du FLN. Pourquoi? Tout simplement, nous partons d'une conception que les autres peuvent partager ou non. Le poste de vice- président, pour avoir la légitimité populaire et politique, il faudrait qu'il soit sur le même ticket que le poste de président au niveau des candidatures pour qu'il puisse suppléer au cas où il doit suppléer le premier magistrat du pays. Il faut qu'il puisse bénéficier de la légitimité populaire, et ce, à travers une élection. Ou alors, le vice-président est un collaborateur désigné par le président pour une mission ponctuelle, selon la nécessité que verrait le président.
Je reviens à ce que j'ai dit au début pour confirmer que le FLN n'a jamais proposé de poste de vice-président. Par contre, pour les institutions du pays, le FLN a proposé de redimensionner les attributions législatives du Parlement. C'est-à-dire donner la possibilité aux membres du Conseil de la nation de pouvoir légiférer sur des sujets qui ont trait à l'administration territoriale, du moment que les deux tiers des membres du Conseil de la nation sont initialement élus comme membres des APC et des APW. Donc, nous trouvons mal que les membres du Conseil débattent des problèmes sans pouvoir légiférer et amender les textes qui leur sont soumis. Nous avons également proposé de revoir la majorité qualifiée avec laquelle adopte le Conseil de la nation un texte ou non.
Nous avons fait des propositions sur le contrôle institutionnel, qu'il s'agisse du contrôle parlementaire, de la Cour des comptes, de l'Inspection générale des finances ou qu'il s'agisse du contrôle populaire et des doléances, des pétitions. Comme nous avons fait des propositions en ce qui concerne le pouvoir exécutif.
Ce sont un ensemble de mesure qui pourraient être clarifiées dans la prochaine révision qu'on souhaite de tout nos voeux et qui devrait intervenir pour clarifier les relations entre les différents pouvoirs, également pour le pouvoir judiciaire. D'autant plus que maintenant nous avons les deux formes de l'appareil judiciaire pour ce qui concerne le Conseil d'Etat et la chambre administrative. Il faut peut-être pouvoir constitutionnaliser cela. Même si ce qui a été fait par le président de la République est judicieux, cela reste insuffisant et il faut aller vers une révision approfondie de la Constitution. Cette révision devra approfondir les libertés individuelles et collectives et les conforter et permettre à travers les institutions et le système éducatif de pouvoir développer une culture démocratique qui commence de l'école primaire jusqu'à l'université. Il faut apprendre aux Algériens à vivre ensemble dans leur diversité en acceptant le point de vue contraire et en se référant à un seul arbitre, à savoir le peuple par le suffrage universel. C'est pour cela que nous souhaitons que la révision intervienne durant le prochain mandat. La Constitution actuelle ne permet qu'au président d'amender la Constitution. Là, nous souhaitons qu'un jour on permette à un collectif de citoyens et à des parlementaires initiés des amendements constitutionnels. Je ne crois pas que ça soit à moyen terme.
L'idée d'être président de la République vous a-t-elle traversé l'esprit? D'une manière plus claire, ambitionnez-vous la présidence en 2014?
Pas du tout! Je suis là où je suis peut-être par un accident de l'histoire. Il y a moins de douze ans, je n'étais qu'un simple militant au FLN, après avoir été membre du bureau politique du FLN, élu à bulletins secrets. Comme j'avais une divergence politique avec la direction du moment, j'ai démissionné. Lors du 7e congrès, j'ai été élu membre du comité central mais les responsables à l'époque ne m'ont pas accepté et m'ont rayé de la liste. Vous savez, on s'impose par ses propres convictions, pas par le poste qu'on occupe. Pour être sincère, je n'ai jamais pensé occuper des postes de responsabilité. Concernant l'élection de 2014, elle ne me trotte pas dans la tête. Pour mon parti, oui, certainement, elle germe dans la tête des militants. L'ambition est légitime. La présidentielle de 2014, c'est la génération de l'Indépendance et, il y en a beaucoup au FLN.
A un journaliste qui vous a posé la question sur le phénomène des harraga vous avez répondu: «Si vous avez des solutions miracles, nous sommes preneurs.» Vous manquez à ce point d'idées pour solutionner ce grave problème?
Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas d'idées. Quand les propos sont pris dans un contexte qui n'est pas le leur, forcément il y a une interprétation erronée qui pourrait être le soubassement d'un jugement forcement erroné. Ce n'est pas que nous manquons d'idées, le phénomène de l'immigration n'est pas nouveau. Avant, il y avait la facilité des visas. Les gens pouvaient sortir sans avoir besoin de prendre le risque. Ensuite il y a eu le phénomène de la clandestinité à travers les navires qui embarquaient des milliers de gens et puis il y a eu ce phénomène suicidaire. Bien sûr qu'il faut lui trouver des solutions. Quelqu'un qui prend une embarcation de fortune pour braver la mer, c'est comme quelqu'un qui veut se donner la mort dans une chambre obscure ou au-dessus d'un pont. Est-ce qu'il y a des moyens pour empêcher cela? Je ne parle pas de la politique de développement qui doit pouvoir permettre à chacun d'ouvrir son horizon. Mais là, quand on voit certaines études sur le phénomène des harraga, il y a des gens qui prennent le risque au péril de leur vie alors qu'ils vivent dans de bonnes conditions. Certains ont même vendu leur véhicule pour pouvoir trouver un passeur qui leur assure le passage. Il faut trouver des solutions et il y a un début de solution. Seulement, celui qui veut mettre fin à sa vie en bravant les risques de la mer, là, je pense qu'on ne peut pas placer un garde champêtre derrière tout Algérien. Et je tiens à préciser que je n'ai jamais dit qu'il fallait les mettre en prison.
Vous avez réitéré jeudi dernier votre demande exigeant de «la France qu'elle demande pardon pour ses crimes génocidaires à l'encontre du peuple algérien». Pourquoi le FLN a-t-il attendu tout ce temps pour une pareille exigence?
Nous avons toujours demandé cela. Depuis que j'étais élu secrétaire général du FLN, le 1er février 2005, je n'ai cessé de rappeler la nécessité pour la France officielle de s'excuser au nom de la France coloniale. Car ce qui a été commis n'est pas peu comme crime. Hier encore, on fêtait le 49e anniversaires des essais nucléaires à Reggane et In Ekker. Tous les jours qui passent nous rappellent les massacres, les assassinats. Au lendemain de l'adoption de la loi qui fait l'apologie du colonialisme, j'ai reçu, ici au siège du FLN, l'ancien ambassadeur de France à Alger pour lui exprimer ce que nous avons dit publiquement, à savoir que le colonialisme n'a que l'aspect négatif et qu'en aucun cas on ne pouvait faire l'apologie du crime. En demandant des excuses de la France officielle au nom de la France coloniale, quoi de plus légitime comme attente pour le peuple algérien et de surcroît pour le peuple algérien!
Vous n'avez pas démissionné de la chefferie du gouvernement, vous avez été remercié. Partant du fait qu'on ne change pas une équipe qui gagne, on déduira que vous avez failli dans votre mission de chef de gouvernement. Le confirmez-vous?
Non, pas du tout. Pour la bonne raison que M.Ouyahia a été trois fois nommé, soit chef de gouvernement, soit Premier- ministre. S'il avait failli à ses engagements, il n'aurait pas été renommé. C'est l'alternance dont a besoin le premier magistrat du pays à un moment ou à un autre de son mandat pour prendre en considération tel aspect ou tel équilibre ou telle nécessité. Quoi de plus normal là encore dans l'alternance! Je vous confirme, donc, que je n'ai pas failli à ma mission. Je n'ai même pas été surpris par mon départ parce que moi-même j'avais parlé d'un éventuel remaniement six mois auparavant sur les ondes de la Chaîne II. Le Président de la République nomme quelqu'un comme collaborateur, il peut nommer comme il peut dénommer. Si j'avais failli qu'est-ce qui empêcherait le président de le dire, je suis son représentant personnel. Là, il faut décortiquer la décision politique. Quelqu'un qui ne veut plus de moi, il me remercie, c'est tout et constitutionnellement, il a tous les droits de le faire, alors n'allez pas chercher des explications là où elles ne se trouvent pas. S'il avait mis fin à mes fonctions, que voulez-vous que je fasse? Vous savez, parfois on peut être plus utile sans avoir de titre officiel.
Que pensez-vous de l'idée d'un éventuel retour de l'ex-Fis?
Je ne crois pas que ça soit à l'ordre du jour, pourquoi, il y a des indices? Puisque ce n'est pas à l'ordre du jour, je n'ai rien à penser.
Pour terminer, pouvez-vous nous donner l'adresse du site Web de votre parti?
En fait, nous avons trois adresses. Une adresse où nous n'avons pas beaucoup réussi c'est celle que nous avons mis en place lors de l'élection législative et qui n'a pas été alimentée pour des problèmes internes.
Un autre site a été créé par la section d'animation des jeunes et des étudiants, je vous avoue que je ne connais pas encore cette adresse, je n'ai pas eu le temps de le faire, il date de deux mois et demi.
Le troisième, c'est un militant du FLN installé à l'étranger qui ouvre des sites pour la campagne du FLN comme ce fut le cas en 2004.
Je ne vous cache pas que j'étais déçu par le manque de suivi et l'alimentation du site du parti.


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