La rencontre, qui a réuni les hommes d'affaires algériens et français à l'occasion de la rencontre FCE-MEDEF les 27 et 28 juin 2007 à Paris, remet encore une fois sur le tapis la question de l'investissement concret et porteur des entreprises françaises sur le sol algérien. Lorsqu'on aborde ce sujet, les déclarations politiques sont nettement différentes selon que l'on se trouve du côté de Paris ou d'Alger. Pour les Français, il existe une évolution notable dans ce domaine, même si elle reste limitée en comparaison avec le volume des flux commerciaux alors que pour les Algériens, la part française en projets concrets reste dérisoire, et l'attitude française très attentiste et frileuse. Pour rompre la rigidité de ce face-à-face, Hamiani, le président du FCE, entend imprimer à l'action de son organisation un rythme plus décontracté, un style plus cool et une approche plus souple qui vise à laisser de côté les reproches trop souvent entendus, au profit d'une démarche concrète qu'il espère efficace et payante. Selon le président du FCE, rien ne sert de « rabâcher » le discours politique, l'expérience de plusieurs années ayant démontré l'inutilité d'une telle approche cantonnée aux discours et aux rencontre basées uniquement sur des généralités et des formulations de voeux le plus souvent vite oubliés dès la fin des discussions. Face aux idées reçues sur l'hostilité voire la dangerosité de l'environnent entourant le terrain des affaires en Algérie, il faut savoir être pragmatique et faire passer le message en amenant ses vis-à-vis sur son propre terrain, celui sur lequel on vit tous les jours et où beaucoup d'entreprises aussi bien algériennes qu'étrangères ont construit un business tout à fait viable depuis une dizaine d'années. Selon Hamiani, « pour avoir toutes les chances de faire de l'effet sur ses homologues de l'Hexagone, il faut plutôt privilégier le ‘‘be to be'' afin de parler directement à ceux qui détiennent l'argent et managent les entreprises ». Ceux-là mêmes qui sont en mesure de franchir le pas et de miser sur le marché algérien. « Il faut les mettre face à des entrepreneurs algériens qui puissent leur dire de vive voix leurs attentes et leurs besoins et leur expliquer une bonne fois pour toutes qu'ils peuvent faire des affaires et rapatrier leur argent au même titre que beaucoup d'investisseurs étrangers déjà présents en Algérie ». Mettre de côté le discours politique Une démarche qu'explique avec force le chef du FCE et qui rejoint sur beaucoup de points celle prônée par Mme Parisot, présidente du MEDEF, qui a souligné lors de sa visite en Algérie en 2006 : « Nous entendons parfaire nos relations économiques », recommandant « l'établissement de relations entre les PME françaises et algériennes qui sont le jalon de la croissance économique ». « Pour cela, les PME doivent travailler dans une logique de partenariat d'égal à égal », a-t-elle poursuivi. Une démarche qui épouse donc parfaitement la stratégie prônée par Hamiani qui estime que l'on peut dépasser le discours politique au profit d'une démarche purement économique qui ne sera chahutée par aucune interférence politique. Une façon de voir partagée par Mme Parisot qui avait déclaré lors de sa venue en Algérie que « les relations politiques qui sont parfois tendues entre la France et l'Algérie n'ont eu aucun impact sur les relations économiques et commerciales qui n'ont jamais cessé de s'approfondir ». Des points de vue semblables et pragmatiques qu'expriment les patronats des deux pays et qui seraient susceptibles de booster les échanges économiques entre les deux pays et dépasser la crise politique. Il faut dire qu'au vu du passé « sombre » qui lie les deux pays et le débat politique passionné qui en découle à chaque fois que l'on s'y réfère, il est presque « utopique » de chercher un rapprochement de points de vue rapide entre les décideurs politiques. Vouloir attendre un dénouement politique pour donner le feu vert à l'investissement économique revient à scléroser l'initiative, voire à tuer dans l'oeuf toutes les idées ambitieuses qui émergent dans les milieux des affaires d'un côté de la Méditerranée comme de l'autre. A peine 400 millions d'euros d'investissements En attendant un aboutissement des discussions qui ont eu lieu à Paris en cette fin du mois de juin et celles qui vont avoir lieu entre le FCE et le MEDEF le 12 novembre 2007 à Alger, il est intéressant de planter le décor peu reluisant de l'investissement français en Algérie. Un volume d'investissement qui ne tient absolument pas la comparaison par exemple avec l'engouement arabe, même si celui-ci ne se place pas encore sur le terrain industriel qui constitue le canevas le plus étendu du tissu économique algérien mis en place dans les années soixante dix. Lorsqu'on jette un oeil sur les perspectives dessinées par les diplomates français pour les années à venir, on relève la projection suivante : « Un accroissement de plus de 800 milliards d'euros pour la période 2007-2009, hors hydrocarbures, et plus précisément dans des secteurs tels que les finances, les assurances, l'automobile, ou encore la grande distribution, mais dans les faits on en est encore loin. Actuellement, ce sont seulement 400 millions de dollars qui sont investis, très loin des 5 milliards de dollars d'exportations qui font de la France le premier fournisseur de l'Algérie. Celle-ci constitue d'ailleurs, hors pays de l'OCDE, la deuxième destination des exportations françaises après la Chine. » Lorsqu'il parle de cette réalité, Réda Hamiani perd, l'espace de quelques instants, son sourire avenant pour formuler une sorte de mise en garde : « L'Algérie ne peut pas être un comptoir commercial, nous voulons un vrai partenariat qui crée les richesses et profite aux entreprises des deux pays, et à l'emploi en Algérie. » Repères 200 entreprises françaises sont installées en Algérie alorsRepères le Maroc accueille 1000 entreprises et 38 entreprises du CAC 40 Selon les données de la mission économique française en Algérie, en deux ans (2005- 2006) la facture de l'énergie importée par la France à partir d'Algérie s'est accrue de plus d'un milliard d'euros. Les échanges énergétiques représentent ainsi 49,4% du total des échanges. En 2006, les exportations de la France vers l'Algérie, alors qu'elles avaient encore augmenté de plus de 10% en 2005, ont baissé de 13,7%, interrompant un processus de hausse continu depuis plus d'une décennie. Elles sont retombées à 4 milliards contre 4,67 en 2005. Les exportations françaises vers l'Algérie ont diminué sous l'effet de la concurrence accrue des pays émergents. Nombre de secteurs ont enregistré une diminution de leurs exportations vers l'Algérie : automobiles (-26%), pharmacie (-11%), composants électriques et électroniques (-16%), produits textiles (-25%), baisse qui n'a été que partiellement compensée par les succès obtenus dans d'autres branches : produits agricoles (+15%), équipements mécaniques (+9%). La France a exporté en 2006 pour près de 450 millions d'euros de véhicules de transport vers l'Algérie et 470 millions d'euros de blé. Les échanges industriels représentent 42,1% du total des échanges en 2006.