La composante de la délégation du Medef, qui séjournera à Alger, constitue un signal fort de Paris pour apaiser les tensions. Le président français emprunte une autre voix pour faire baisser la poussée de fièvre franco-algérienne. L'arrivée à Alger, les 2 et 3 mai prochain, d'une délégation du Medef International (Mouvement des entrepreneurs de France, 700.000 entreprises) n'est pas dénuée de cette volonté. Pour les observateurs des relations algéro-françaises, la composante même de cette délégation constitue un signal fort de Paris pour apaiser les tensions. La délégation sera en effet conduite par un homme connu pour être très proche et très écouté du président Jacques Chirac. Il s'agit de François Perigot, président d'honneur et président de l'Organisation internationale des employeurs (OIE). Pour les observateurs, la désignation de M.Perigot à la tête de la délégation du Medef est inattendue. Car, soutiennent-ils, celui qui s'occupe des questions africaines au sein du patronat français est Yves-Thibault de Silguy, délégué général aux affaires internationales de Suez et président du comité Algérie de Medef international. C'est d'ailleurs lui qui a conduit à Alger, les 8 et 9 février 2005, la délégation du patronat français présidée, précise-t-on, par M.Yves-Thibault de Silguy. Aussi, la politique algérienne de Paris emprunte une autre voix que celle « de la guerre des mots». Le chef de la délégation du Medef qui séjournera à Alger a eu déjà à rencontrer le président Bouteflika, il y a quelques années, en sa qualité de président de l'Organisation internationale des employeurs. En plus du plan d'investissement des entreprises françaises dont il est porteur, c'est l'objectif avoué de la délégation du Medef, on croit savoir que François Perigot est également un messager du président Chirac. Pour les observateurs, il y a des cercles dans les hautes sphères de l'Etat français très favorables à l'épanouissement des relations entre l'Algérie et la France. Ces cercles envisagent d'actionner «tous les leviers possibles afin de ne pas rater les fruits de l'immense travail de rapprochement effectué par les présidents Chirac et Bouteflika». Fort de cet appui, le président Chirac engage ainsi la diplomatie parallèle. La parade à l'escalade verbale est toute trouvée. L'économique en sera le remède. Telle est la lecture que font les observateurs de la venue de l'émissaire de Chirac à Alger. Ils avancent que le messager de Paris sera «reçu, dans la plus stricte discrétion», au palais d'El Mouradia. Il sera donc question de lever le malentendu entre Paris et Alger. Le traité d'amitié sera abordé d'autant que certains échos médiatiques rapportent que ce traité «serait retardé pour une décennie». Au-delà de ces aspects politico-diplomatiques, le chef de la délégation du Medef sera porteur d'un plan d'investissement des entreprises françaises à Alger. Le Forum des chefs d'entreprise (FCE), qui recevra la délégation, précise que cette visite survient «dans le cadre traditionnel des rencontres franco-algériennes» et vise à «poursuivre les efforts engagés de part et d'autre en vue de développer des relations de partenariat économique entre les entreprises algériennes et françaises». Sous la direction conjointe du FCE et du Medef International, les hommes d'affaires des deux pays ont déjà eu à se rencontrer par deux fois, à Alger le 8 février 2005 puis à Paris le 15 novembre dernier. Le programme de ces troisièmes rencontres algéro-françaises prévoit notamment de nombreux exposés sur les projets algériens ouverts au partenariat et à l'investissement international ainsi que des contacts individuels d'affaires destinés à «faire mûrir des projets ambitieux» et avantageux pour les deux économies. Il faut dire que les investisseurs français sont réticents par rapport à la percée réalisée par les entreprises turques, espagnoles ou italiennes. Il y a aujourd'hui, un peu plus de 70 filiales d'entreprises françaises qui opèrent en Algérie dont Schneider, Alstom, Danone, les banques BNP Paribas, Société Générale et Natexis. Etant le premier fournisseur de l'Algérie avec un volume de près de 4 milliards de dollars, la France est le quatrième client de l'Algérie après l'Italie, l'Espagne et les Etats-Unis.