Ce n'était donc pas des paroles en l'air, à but électoraliste. L'offre du candidat Sarkozy de nouer un partenariat énergétique stratégique avec l'Algérie est en train de connaître une suite sur le terrain. Mais lequel ? Les deux têtes du pôle énergétique français étaient à Alger ce week-end pour une table ronde. Jean François Cirelli, PDG de Gaz de France, et Gérald Mestrallet, PDG de Suez, ont tenu des propos convenus au sujet du rapprochement avec Sonatrach. « Nous avons des relations formidables, excellentes avec Sonatrach. Il y a une grande proximité avec la France », affirme le premier ; « Nous avons un dialogue permanent avec Sonatrach », ajoute le second. Pour parler du rapprochement stratégique, il faudra sans doute voir ailleurs pour en savoir plus que le « une relation plus forte et plus audacieuse » de Jean François Cirelli ou le « intensifier la coopération » de Gérald Mestrallet. Ailleurs ? C'est Mohamed Meziane, le patron de Sonatrach, qui indique la direction : « Nous laissons aux politiques ce chapitre là. » On s'en doutait un peu tout de même. Cela a au moins l'avantage de clairement planter le décor de la visite de Nicolas Sarkozy à Alger la semaine prochaine. Il sera donc d'abord question pour le nouveau président français d'afficher son volontarisme sur cette question. Et sur d'autres. Mais l'heure est bien aujourd'hui d'affiner l'offre. D'abord, l'échange accès aux gisements de pétrole et de gaz contre aide française dans le programme du nucléaire civil algérien est un deal de dupes. Le programme algérien de l'électronucléaire va être une compétition commerciale teintée bien sûr d'arbitrages politiques dans laquelle la France, avec Areva notamment, doit se placer et rattraper un retard à l'allumage vis-à-vis des autres concurrents, américains, chinois et russes notamment. Le patron de Gaz France lui-même ne dit rien d'autre en répondant aux journalistes : « Le nucléaire, ce n'est pas nous. » L'intégration de la filière gaz entre l'Algérie et la France est une perspective infiniment plus sérieuse. Elle existe déjà largement en pointillé. Gaz de France va extraire directement du gaz algérien de la région du Touat, Sonatrach va en vendre directement sur le marché français. Ce n'est pas rien. Nicolas Sarkozy veut bien sûr plus. Et va écouter le point de vue de Abdelaziz Bouteflika, pour rompre un silence officiel de rigueur sur le sujet à Alger. Plus implique de changer les règles du jeu. Car l'accès aux gisements algériens est soumis à la concurrence de l'acquisition des permis de recherche, tandis que celui au marché européen du gaz est libre sous réserve de règles pas toujours écrites de quotas « prudentiels ». La crise de Medgaz avec Madrid dont l'enjeu est ouvertement de limiter la part de Sonatrach dans la part de l'approvisionnement de l'Espagne en gaz naturel montre les limites des partenariats traditionnels pays fournisseurs-pays clients. Ces tensions, autant liées au partage de la valeur ajoutée entre firme de l'amont – du pays producteur – et entreprise de distribution – pays consommateur —, sont promises à prolifération. La courbe de raréfication de l'offre de pétrole mettra une pression encore plus grande sur les approvisionnements en gaz naturel. Et donc sur les prix de son mètre cube sur son partage. Le rapprochement stratégique Gaz de France-Sonatrach ? Il n'a presque qu'un seul nom à terme : prise de part de capital croisé l'un chez l'autre. C'est beaucoup plus grisant que le défunt traité d'amitié. Beaucoup plus dur aussi. Sarkozy a plus réfléchi aux impacts que Bouteflika. Un rapport différencié à l'avenir.