Le président Bouteflika a dressé jeudi à Alger un constat amer de la situation économique du pays. Il ne s'est également pas montré satisfait du rendement des institutions de la République. Aussi, comme il fallait s'y attendre, le chef de l'Etat a évoqué, en des termes sibyllins, sa volonté d'aller vers la révision de la Constitution lors de son discours prononcé à l'occasion du 45e anniversaire de l'Indépendance nationale au siège du ministère de la Défense nationale. Bien qu'il n'ait pas énoncé expressément ce grand chantier politique qui fait les choux gras des médias, il est loisible de deviner son intention. « Il s'agit de prendre acte de la nouvelle étape en apportant les aménagements propres à fluidifier le fonctionnement institutionnel du pays (…) » Les « aménagements » institutionnels que le Président annonce ne peuvent suggérer autre chose que l'amendement de la loi fondamentale du pays sur laquelle repose effectivement toute l'architecture institutionnelle. En précisant son souci de « fluidifier » le fonctionnement institutionnel, Abdelaziz Bouteflika affirme que le système actuel reposant sur la Constitution de 1996 est pour le moins en panne. Il y décèle probablement des blocages qui freineraient son élan ou du moins sa façon à lui de concevoir la pratique du pouvoir. D'où, d'après lui, la nécessité de corriger ces « imperfections » et de rendre la décision politique plus conforme à sa manière de voir les choses. Bouteflika, qui n'a jamais caché son admiration pour le régime présidentiel américain qui fait du président de la République le seul centre de décision, a donc expliqué aux Algériens l'exposé des motifs de ce projet de révision constitutionnelle qui lui tient à cœur depuis son accession au pouvoir en 1999. De fil en aiguille, Bouteflika a d'abord revisité les tares de l'actuel système institutionnel pour convaincre du bien-fondé de son entreprise. « Forts des enseignements que nous pouvons tirer de nos réussites dans cette période, mais aussi des insuffisances qui se sont révélées, nous nous devons aux attentes légitimes du pays d'imprimer un nouvel élan à la construction du projet national. » C'est donc à un changement de cap que le président de la République a appelé le peuple algérien lui suggérant que les enjeux politiques, économiques et sociaux à venir supposent une sorte de mise à niveau constitutionnelle et institutionnelle. Le chef de l'Etat prend soin de souligner que son projet vise également à « élargir le champ d'exercice des libertés publiques », histoire d'appâter des citoyens avides de démocratie. Il y a manifestement ce souci de Bouteflika d'empaqueter son projet de réforme constitutionnelle avec de bonnes intentions pour, espère-t-il, recevoir l'onction populaire. Or les fuites organisées, distillées par son parti, le FLN, laissent plutôt poindre des lendemains qui déchantent pour la démocratie algérienne. L'ouverture du mandat présidentiel à l'infini et le passage du quinquennat au septennat paraissent comme autant d'anachronismes politiques qui ne s'accommodent point du souci avoué de fouetter les libertés publiques et de donner un brin de fluidité aux institutions. Ces chantiers d'Hercule, annoncés par Bouteflika, vont par ailleurs au-delà de la date butoir de 2009. Le Président s'inscrit dans la durée, contrairement à toute la littérature qu'on a pu produire sur son prétendu état de santé invalidant qui le ferait rentrer chez lui au soir d'avril 2009. L'inauguration la semaine dernière de la fameuse campagne folklorique de « oûhda thalita » (troisième mandat) à partir de Sétif, sous son regard amusé, prouve si besoin est que sa maladie fait dorénavant partie du passé. Lentement mais sûrement, ce feuilleton à rebondissements a profité curieusement à Bouteflika lui-même qui a su habilement gérer « la communication » sur son état de santé pour mieux préparer sa feuille de route vers un troisième mandat. Le chef de l'Etat aura, en tout état de cause, prouvé qu'il maîtrise parfaitement « l'art de l'embuscade » comme il se plaît à le dire. Et à une année et demie de la fin de son second mandat, il est peut-être temps pour lui d'abattre ses cartes.