Le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, a montré, avant-hier, une grosse déception dans son discours d'ouverture de la 32e session de l'organisation arabe du travail (OAT) à l'égard de nos partenaires occidentaux dont le volume des investissements laisse à désirer. Le Président, qui semblait agacé par la frilosité des Européens mais aussi des Américains par rapport à un vrai partenariat économique, a fait un clin d'œil aux Arabes pour qu'ils développent une coopération interarabe. Dans une digression de près de 20 minutes, le chef de l'Etat a dressé un état des lieux des “investissements” étrangers et a fortiori ceux de la France. Un pays que Bouteflika a cité nommément comme exemple pour dire crûment la faiblesse de ses engagements effectifs dans la relance de l'économie algérienne. Le président Bouteflika est gêné aux entournures, et il le signifie aux autorités françaises. “La France et d'autres pays européens préfèrent se tourner vers les pays de l'Est”, assène Abdelaziz Bouteflika. Il en est d'autant plus déçu que les Européens n'ont même pas pris en considération la “solidarité géographique” qui aurait pu, d'après lui, dicter un rapprochement économique entre les deux rives. C'est là la substance du constat établi par le chef de l'Etat après six années de pouvoir, ponctuées par une intense activité diplomatique et une présence quasi permanente dans les grands rendez-vous économiques, sociaux et politiques de la planète. En l'occurrence, le terrain économique algérien demeure en jachère, en dépit d'une opération titanesque de charme, de réaménagements législatifs, mais surtout d'une nette amélioration de la situation sécuritaire. Ni les satisfecit des institutions financières internationales, ni les bons points des organismes de garantie des crédits à l'exportation, notamment la Coface, n'ont induit une plus-value en terme d'investissements concrets. Le chassé-croisé des hommes d'affaires de différentes nationalités qui se succèdent à Alger n'aboutit pratiquement qu'à peu de chose. Cette approche velléitaire est valable également pour les Américains. Et à ce propos, le président de la République rejette les leçons de démocratie américaines contenues dans le fameux GMO (Grand Moyen-Orient) alors que ce pays ne fait rien pour aider les pays arabes économiquement. “Il n'y a pas de grand et petit Moyen-Orient, il n'y en a qu'un seul”, tranche sèchement Bouteflika et d'ajouter : “Nous n'avons pas besoin d'un GMO. En revanche, s'ils veulent aider ces pays dans les réformes économiques, ils seront les bienvenus !” Sans les nommer, le chef de l'Etat parle évidemment des Etats-unis, auteurs de cette initiative visant à modeler à leur guise le Moyen-Orient. Là aussi, c'est sans doute la première fois que Bouteflika critique ce projet américain qui élude la dimension économique des réformes. En tout état de cause, en mettant dans le même sac Américains et Européens, le président plaide pour une coopération et une solidarité entre les Arabes pour faire face aux enjeux économiques. Ayant visiblement fait son deuil quant à l'engagement effectif des investisseurs occidentaux, Bouteflika fait un appel du pied aux hommes d'affaires arabes pour venir s'installer en Algérie. Cette déclaration intervient, en effet, à la veille de l'arrivée aujourd'hui d'une délégation, encore une autre, de la Commission européenne, destinée, semble-t-il, à expliquer “la nouvelle vision de l'Europe” et “lever les malentendus”. Mais la réalité est que les rapports économiques entre l'Algérie et le monde occidental s'apparentent à un malentendu historique, en ce sens que les décideurs économiques et politiques algériens ont pris les vagues promesses étrangères d'investissement pour argent comptant. Est-ce là l'aveu d'échec d'une politique ? Toute la question est là. H. M.