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Si l'abbé Poiret revenait !
Le parc naturel de la Calle (El Kala)
Publié dans El Watan le 08 - 07 - 2007

En 1789, l'abbé Poiret faisait paraître, à Paris et en deux volumes, un ouvrage intitulé : Voyage en Barbarie, ou lettres écrites de l'ancienne Numidie pendant 1785-1786, sur la religion, les coutumes, et les mœurs des Maures et des Arabes bédouins avec un essai sur l'histoire naturelle de ce pays.
Le toponyme Barbarie, utilisé par les navigateurs et les marchands occidentaux du Moyen-âge, est employé pour la première fois dans deux œuvres imprimées en 1557 par un auteur flamand et un italien. A la fin du XVIe siècle, son usage s'est généralisé, sous la pression, sans nul doute, des relations politiques et économiques avec l'Europe et de la résurgence du lexique de l'Antiquité et des valeurs que celui-ci drainait. L'époque Antique considérait comme barbares toutes les nations qui ne se réclamaient pas de la civilisation gréco-latine puis de la religion chrétienne, après l'avènement du christianisme. Dans l'ouvrage de ce religieux, la Barbarie, qui était en fait un ensemble formé par l'Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Libye, désigne uniquement notre pays. Mais qui est donc l'auteur des Lettres de Barbarie ? Et quels sont les motifs de son séjour dans un lieu qui était inhospitalier et violent du fait du sentiment antichrétien de sa population et nourricier de l'Europe de par sa fonction légendaire de grenier à blé ? L'abbé Poiret est un célèbre botaniste et explorateur français, d'une trentaine d'années, que le roi Louis XVI avait envoyé sur le littoral barbaresque afin d'inventorier la faune et la flore spécifiques à cet espace. Il avait vécu 18 mois, de mai 1785 à novembre 1786 plus précisément, à La Calle où il s'était livré à l'étude de l'histoire naturelle et à l'observation des coutumes et de la religion des habitants de cette contrée, et du Constantinois de manière générale. La passion pour les voyages de découverte et pour la faune et la flore était un trait caractéristique à la fois de ce religieux et des hommes de sciences du XVIIIe siècle. Ceux qui avaient séjourné en Algérie étaient, compte tenu des difficultés qui étaient rencontrées par les chrétiens pour l'obtention de l'autorisation de débarquement et de circulation dans le pays, peu nombreux, mais les travaux qui avaient résulté de leurs recherches avaient tous eu un caractère magistral.
L'expédition
En 1732, le médecin allemand Hebenstreit avait effectué un séjour scientifique de six mois dans l'Algérois d'abord, puis à Constantine, à Bône et à La Calle. La mission qu'il avait dirigée et qui était composée d'un anatomiste, d'un botaniste, d'un horticulteur, d'un dessinateur, d'un peintre et d'un mécanicien, avait été décidée par Frédéric Auguste, l'électeur de Saxe et roi de Pologne, qui tenait à rehausser et à enrichir sa collection zoologique de raretés et de curiosités africaines. Une pareille expédition, pensait ce roi éclairé dont la cour avait surpassé en faste celle de Louis XIV, serait « un immense enrichissement pour la science » et « un grand honneur pour son initiateur ».
Hebenstreit était retourné à Leipzig
( ) avec, outre la lionne, les deux porcs-épics et l'autruche qui lui avaient été offerts comme présents par le dey d'Alger dont il avait soigné le fils, avec une collection de plantes et d'animaux et des dessins exigés. Lors de ses pérégrinations autour de l'Algérois, ce savant s'était fait accompagner par le chapelain et consul anglais Thomas Shaw qui, après douze années de résidence à Alger, avait à son tour fait paraître les résultats de ses observations. Publiées en 1738, celles-ci allaient devenir la bible des chercheurs. Aux côtés des chapitres portant, entre autres, sur le gouvernement, la géographie, l'ethnologie, l'architecture, la religion et la pédagogie, se trouvent des études « de l'air, du produit, du terroir et des fossiles de ces royaumes » et « des bêtes à quatre pieds, des oiseaux, des insectes, des poissons, etc. ». Le tout étant agrémenté de cartes, de plans, de gravures et même de partitions musicales. En 1784, le naturaliste français Desfontaines, envoyé en mission par l'Académie des sciences, avait également reçu la permission d'entreprendre des recherches en histoire naturelle. En raison de l'attaque que les Espagnols préparaient contre Oran, il avait été autorisé à se joindre à un camp volant qui devait percevoir l'impôt ( ). Les observations sur le chêne ballota ( ) avaient amené ce professeur de botanique au jardin du roi à proposer l'acclimatation de cet arbre précieux en France où il servirait « avec avantage dans les constructions navales et civiles ». Un ouvrage en quatre volumes avait, par ailleurs, porté les résultats des recherches qu'il avait entreprises en Algérie et en Tunisie. Intitulé Flora Atlantica ( ), il comporte de magnifiques planches gravées d'après des dessins de Redouté et d'autres artistes. Avant son départ à partir de Bône, il avait rencontré l'abbé Poiret avec qui il avait herborisé pendant une quinzaine de jours. Notre religieux, qui avait renoncé au sacerdoce pour découvrir les merveilles de la Calle et de sa région, avait travaillé dans la peur malgré la protection et les recommandations dont il avait été pourvu par ses hôtes. Ses pérégrinations l'avaient conduit dans les campagnes et dans les villes de l'Est algérien. L'abbé Poiret avait élu domicile à la Calle parce que le bastion de France, le principal comptoir de la Compagnie royale d'Afrique, s'y trouvait. Celui-ci aurait été créé en 1390 à la suite d'une expédition que Louis de Clermont, duc de Bourbon, avait menée contre les Maures, mais ce n'est qu'à partir de 1450 que son historique put être reconstitué avec clarté.
Le « préjugé »
Malgré la protection accordée par des traités de commerce, signés par le gouvernement d'Alger et la France, son existence avait été mouvementée et il avait même été un des éléments déclencheurs de la conquête de 1830. Une sorte de forteresse y abritait les 1400 pensionnaires ; 800 d'entre eux faisaient partie de la garnison. Le bastion de France de la Calle exploitait le corail et exportait du blé, de l'orge, de la laine, des peaux, de la cire, de l'huile d'olive et d'autres « provisions de bouche » fournies par le Constantinois et déversées sur la place de Marseille où se tenait le siège de la compagnie. L'abbé Poiret avait donc débarqué sur la côte algérienne au printemps de l'année 1785. Le premier contact visuel avec cette contrée avait été des plus heureux. « A mesure que notre bâtiment approchait des côtes d'Afrique, que l'on m'avait dépeintes comme stériles et sablonneuses, écrit-il, j'éprouvais un plaisir inexprimable : j'apercevais partout des collines couvertes, des paysages riants, des plaines immenses émaillées de fleurs. » Le préjugé « des côtes […] stériles et sablonneuses » dont il était imbibé vole donc en éclats et sitôt le pied posé sur la terre ferme, « je trouvais, dit-il, l'Anthyllis barba jovis, le Spartium monospermum, le Passerina hirsuta, le Chamoerops humilis, et plusieurs autres plantes rares que je me hâtai de cueillir, comme si j'eusse craint de ne plus revenir en cet endroit ».
Pur émerveillement
Le naturaliste avait perçu ce lien privilégié qui allait se tisser entre lui et ce « plus beau jardin de la nature ». Lui qui considérait la relation mercantile entretenue par les comptoirs français de la Calle, de Bône et de Collo et les pouvoirs locaux turcs, maures et arabes comme l'expression d'une exploitation éhontée et despotique et des pensionnaires du bastion de France et des paysans algériens, affirme avoir « pris possession du pays au nom de la botanique » (Lettre I). Il constate que « la plus belle végétation couvre toutes ces côtes » (Lettre II) et lorsqu'il s'aventure dans ce qui est le parc naturel de la Calle, c'est le pur émerveillement. Lui et ses accompagnateurs prennent place « au bord d'un ruisseau où coulait une eau fraîche et limpide ; des buissons de lauriers-roses, de térébinthe et de myrte formaient un ombrage agréable ; et ce paysage, terminé par des collines couvertes de la plus belle végétation, était animé par de nombreux troupeaux qui paissaient au loin. Ainsi la Nature, en m'offrant le tableau riant de ce séjour pastoral et champêtre, disposait mon cœur à la joie, et me transportait en idée dans cet heureux temps où les hommes étaient tous bergers, et ne connaissaient de véritables richesses que les biens de la terre et le produit de leurs troupeaux » (Lettre V). Nous retrouvons dans ce propos un vertueux adepte de Rousseau à la recherche d'un idéal devenu de plus en plus inaccessible. Malgré les dangers auxquels celui-ci était constamment exposé, de la part des hommes et des animaux puisque des panthères et des lions « font leur séjour dans ces retraites sauvages », il persistait, en effet, à penser que « plus l'homme était près de la nature, plus il devait être bon ». A proximité de « ces lieux enchantés » se trouvaient les grands lacs « qu'un naturaliste ne peut quitter », écrit notre herboriste. Ils ont « près de sept lieues de circonférences, s'accroissent considérablement par les pluies de l'hiver et se dessèchent en partie dans les fortes chaleurs. Ils sont, en tout temps, couverts d'un grand nombre d'oiseaux, la plupart très bons à manger ». Le paysage est « délicieux » et malgré les efforts fournis pour « franchir des chemins très fatigants, à travers des sables mouvants, des rochers aigus, et des broussailles épaisses », le bonheur est là car, note avec émerveillement l'abbé, « il est peu d'endroits plus favorisés de la nature » (Lettre IX). Partout des « sources d'eau claire arrosent ces beaux lieux ». Partout « le laurier, l'olivier, le filaria, l'arbousier […] sont un des principaux ornements » des coteaux. Partout la même nature, « avec quelques variétés » toutefois. Au bord d'« un vaste étang », que le naturaliste n'a pas craint de comparer au lac Averne, c'est également l'envoûtement.
Paradis perdu et nostalgie des temps anciens
« L'herborisation y [étant] belle, et les oiseaux en grand nombre et variés », le naturaliste, affublé d'« un énorme chapeau de feuilles de palmier », en avait oublié le « mal de cœur et [la] pesanteur de tête » qui avaient été déclenchés par les émanations des eaux sulfureuses et la luxuriante végétation. Là, il avait observé « la macreuse, la poule de riz, et d'autres oiseaux très curieux [qui] voltigent continuellement à la surface de ce lac ». L'ensemble des passages relatifs à la nature de la Calle, et du Constantinois de manière générale, évoquent le paradis perdu, suscitent la nostalgie des temps anciens et chantent l'amour de la beauté, la nouvelle religion de ce naturaliste. A l'issue de son voyage, celui-ci avait été placé en quarantaine à Marseille, comme tous les voyageurs de l'époque qui étaient susceptibles de porter les germes de la peste notamment. Pendant cette période d'isolement, les caisses d'Histoire naturelle qu'il avait rapportées de son voyage initiatique étaient restées ouvertes et exposées à l'air. Une partie de sa collection était ainsi perdue. C'est dans la fin du premier volume et dans la totalité du second volume que nous pouvons lire les études et regarder les dessins sur le règne animal (les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles, les insectes, les mollusques, les vers à coquilles, les coquillages, les zoophytes), le règne végétal et le règne minéral de cette partie de la Barbarie qui est aujourd'hui menacée par la modernité. Afin d'honorer la mémoire de l'abbé Poiret, le digne héritier de Linné et de Buffon à qui nous devons cette présence des échantillons de notre faune et de notre flore dans un certain nombre de musées du monde et la réconciliation avec notre passé, afin de laisser un espace de rêve et de beauté à cette Algérie menacée par la désertification et de joindre notre voix à celles qui défendent l'environnement et la biodiversité, il est plus qu'impératif de sauver le parc naturel de la Calle. Rappelons qu'un tronçon de l'autoroute Est-Ouest est en passe de le déplorer.


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