Pour la première fois dans l'histoire des Etats-Unis, l'élection présidentielle s'annonce serrée, car tout peut se jouer « dans un mouchoir ». Il est de tradition dans ce vaste pays que le scrutin se déroule un jour de semaine, plus particulièrement le premier mardi de novembre, et jamais un week-end. Et une fois de plus, l'événement qui monopolise toute l'actualité à travers le monde aura lieu aujourd'hui. Une coïncidence qui a de tout temps intrigué bon nombre de citoyens américains qui n'arrivent pas à expliquer le sens de cette démarche, mais qui pensent qu'il faut respecter cette tradition parce qu'elle a été instaurée par les pères fondateurs des Etats-Unis. « Nous ne pouvons aller en contresens de nos pères fondateurs. C'est de notre devoir de respecter cette pratique et de l'asseoir dans la durée », a soufflé un quinquagénaire, qui n'a pas manqué toutefois de relever les inconvénients d'une telle procédure. Effectivement, les Américains sont unanimes à déclarer que l'élection présidentielle aux Etats-Unis enregistre à chaque fois une faible participation, surtout le premier jour. Le taux de participation ne dépasse généralement pas les 50 %. « En Amérique, le régime au sein des entreprises est rigoureux et très strict. Nous n'avons pas le droit de quitter les lieux de travail et, par conséquent, nous ne pouvons nous rendre aux urnes. Nous profitons alors des heures creuses pour accomplir notre devoir, malheureusement, comme la majorité des citoyens adoptent la même stratégie, les interminables chaînes démobilisent les électeurs », dira un citoyen. En revanche, d'aucuns estiment que l'élection présidentielle aux Etat-Unis se déroule dans la transparence, mais la population ne nie pas que le scrutin dans son ensemble n'est pas aussi démocratique que le laissent croire certains. Pourquoi ? Tout simplement parce que le système électoral américain est basé dans sa globalité sur ce qu'on appelle les « grands électeurs ». Effet pervers de ce système où le vainqueur d'un Etat rafle la totalité de ses grands électeurs, ce qui amène les prétendants à la Maison-Blanche à concentrer leurs efforts là où la bataille est très serrée. C'est ce qui est appelé communément aux Etats-Unis The Swing States. Cette expression signifie littéralement que les candidats en course sont en ballottage au niveau de ces Etats. Un autre terme est utilisé pour illustrer ce cas, à savoir Battlegrounds States, champ de bataille, ce sont les Etats indécis où George W. Bush et John Kerry sont au coude-à-coude dans les sondages et où Ralph Nader a toutes les chances de jouer les agitateurs et les trouble-fêtes. Les républicains et les démocrates concentrent donc la plupart de leurs efforts, leur poids et leur argent dans ces territoires où Bush et Kerry multiplient systématiquement leurs visites. Certains spots publicitaires sont diffusés uniquement dans les Etats où la concurrence bat son plein. Néanmoins, dans le reste des Etats, déjà considérés comme acquis, c'est la morosité et aucune activité n'est programmée. A titre d'exemple, le Texas est à 100 % acquis à Bush, par contre la Californie l'est à Kerry. Ce dernier ne s'aventurera jamais à faire campagne dans le Texas, il épargnera son argent pour le dépenser dans l'Etat où la bataille s'annonce difficile et vice versa. Connue de tous, la bataille autour de l'élection présidentielle se joue essentiellement au niveau des Etats. C'est à ce stade que se détermine et se décide une élection qui est gérée différemment d'un Etat à un autre. « Chaque Etat a ses spécificités et ses problèmes, et les électeurs choisissent leur candidat en fonction du contenu de son programme. Si ce dernier répond aux aspirations de la population, celle-ci votera pour lui. » Situation délicate Cet état de fait nous amène à nous interroger sur les grands électeurs ? Qui sont-ils ? Aux Etats-Unis, il existe dans chaque Etat une Chambre des représentants, dont le nombre diffère d'un Etat à l'autre. Par contre, le Sénat regroupe 100 sénateurs, deux pour chaque Etat. Par exemple l'Etat de Washington enregistre 435 représentants à la Chambre, ils sont élus par la population pour une durée de deux années. Cependant, les sénateurs sont élus pour une période de six ans, toutefois chaque deux ans, il y a le renouvèlement des deux tiers. Pour déterminer le nombre des grands électeurs dans chaque Etat, il suffit de regrouper les représentants de la Chambre et les sénateurs. Par exemple, l'Etat de Wyoming a un représentant à la Chambre et deux sénateurs, ce qui donne le total de trois grands électeurs. La Californie, quant à elle, est forte de 53 représentants avec les deux sénateurs, elle regroupe 55 grands électeurs. En termes donc de proportion, c'est à ce stade que sonne la fausse note. Selon certains sondages, il existe entre cinq et dix- sept Etats où la bataille sera serrée jusqu'à la dernière minute entre les deux candidats. Par ailleurs aux Etats-Unis, le candidat Bush est considéré comme un conservateur, droit, religieux et riche. Il a été élu il y a quatre ans pour ces critères. Depuis, la situation a évolué, et la décision prise par le Président sortant concernant l'invasion de l'Irak a fait perdre à Bush sa crédibilité. Seulement pour certains observateurs, la population américaine ne croit plus au changement et que les deux candidats en course se valent. Toutefois, ils sont persuadés que le futur président héritera d'une situation très délicate. En outre, John Forbes Kerry est un ancien militant pacifiste, partisan d'un relèvement des bas salaires, il est sorti de sa retraite sénatoriale cette année pour s'imposer lors des primaires démocrates. Une élection primaire est organisée pour désigner le candidat de chaque parti politique à une fonction publique donnée. Des primaires peuvent se tenir à tous les niveaux des pouvoirs publics, notamment des collectivités locales pour l'élection d'un maire, des circonscriptions parlementaires pour les sièges à la Chambre des représentants, de l'Etat pour la fonction de gouverneur ou de sénateur et celle de Président des Etats-Unis. Dans des primaires « fermées », seuls peuvent voter les électeurs inscrits sur les listes d'un parti. Dans des primaires « ouvertes », les électeurs inscrits sur les listes d'un parti peuvent participer à la primaire d'une autre formation. Les primaires pour la désignation des candidats à la Présidence sont organisées à l'échelon de chaque Etat ; elles servent à indiquer la personnalité que la population de cet Etat préfère désigner comme candidat d'un parti. Selon les lois de l'Etat, les électeurs votent directement pour le candidat présidentiel de leur choix ou pour des délégués qui se sont « engagés » à soutenir ce candidat présidentiel à la convention nationale du parti. Les élections primaires, si elles ont lieu suffisamment tôt, peuvent mettre un terme aux espoirs d'un candidat présidentiel important et provoquer un mouvement de soutien en faveur d'un candidat moins connu.